La première chose qui frappa Ano lorsqu’il entra dans l’église, ce fut la décoration. Tout était d’or et d’argent, des vitraux géants illuminaient les objets précieux, resplendissant de toutes parts… Il se demanda pourquoi tant de merveille était assemblée dans un seul endroit au lieu d’être disséminé partout dans le forum. Il ft sur le point de le demander à Galdar, avant de constater autre chose surprenant.
Les personnes présentes dans l’église étaient amassés en un seul coin, alors que l’intérieur comprenait de nombreux bancs partout. Mais alors, pourquoi être entassé ainsi ?
Il comprit rapidement. Au centre du groupe formé se tenaient… deux femmes ! Ano put saisir leur nom, lancés à la va-vite parmi le brouhaha : Daenerys et Moth. Ano reconnut Ertaï qui, agenouillé devant leurs regards exaspérés, chantait à tue-tête « Je t’aiiiiiiiiiiime… Je t’aiiiiiiiiiiime… Comme un fou, comme un soldat… ».
Et pour rajouter au ridicule, il chantait très mal…
Galdar préféra pousser un « groumpf » lourd de sous-entendu et passa devant le groupe sans s’arrêter. Ano préféra le suivre sans rien dire.
Arrivés devant un autel en or massif, il put admirer juste derrière la statuette d’un homme apparemment musclé, de deux mètres de hauteur, du même matériau noble, vêtu d’une longue toge rouge, et semblant regarder de très haut quiconque se risquait à le contempler.
- Qui est-ce ? demanda Ano.
- C’est Ivaldir, le Créateur, répondit Galdar, que nul fierté ne vint pourtant troubler l’expression de ses yeux.
- Il est… impressionnant.
- C’est normal, C’est plus facile de manip… Heu… Je veux dire que c’est plus facile de heu… Enfin bref, c’est facile quoi.
Le groupe derrière eux poussa un grand cri d’exclamation, et Ano put voir la fillette travelo aux yeux blancs prendre la place de Ertaï devant les deux filles et chanter à son tour. Mais le thème était plutôt triste, en fait, et il fut très vite hué par les autres garçons.
- Vois-tu, poursuivit Galdar sans tenir compte des cris, il faut toujours remercier Ivaldir pour la création du refuge.
- Ha ?
- Oui. Lorsqu’il condescend à marcher parmi nous, pauvres mortels, nous devons toujours nous prosterner devant lui et répondre à ses moindres désirs.
- Pourquoi ? Je croyais que tout le monde est égaux ici…
- Oui, si tu veux…
Galdar réfléchit, embêté de ne pouvoir trouver ses mots, mais il finit par répondre :
- Disons juste que l’homme est égaux, mais que Ivaldir est plus égaux que les autres.
- Hum…
Ano semblait peu convaincu.
- Ivaldir nous aime tous ! reprit Galdar, ses yeux déments animés par un feu ténébreux. Et dans son infinie bonté, il nous considère tous comme des enfants, quelques soient notre apparence, quelques soient notre origine… Nous sommes tous les mêmes à ses yeux.
- Cool ! s’exclama Ano, rempli d’admiration devant un tel personnage.
- C’est pour ça que l’on doit respect et obéissance à un tel Maître.
- Mais si on est tous égaux, pourquoi il est supérieur à moi ?
Galdar sentit l’exaspération monter en lui. Ce gars-là était plus naïf que les autres, décidément.
- Il est supérieur parce qu’il a tout plein de pouvoirs et qu’il est bon avec les autres !
- Haaaa ! Mais pourquoi les lois d’égalité qu’il a dicté ne s’appliquent pas à lui ?
- Mais parce que c’est Dieu et puis c’est tout ! Faut pas chercher mon vieux.
Voyant qu’il restait sceptique, Galdar préféra passer à autre chose.
- Quoiqu’il en soit, il vaut mieux être serviable avec lui afin d’obtenir ce que tu veux, dit-il presque mystérieusement.
- Ha ? Et je veux quoi ? demanda Ano, s’interrogeant.
- Être puissant, non ?
- Bah heu… Non.
Galdar se frappa le front. Soudain, une voix s’éleva derrière lui.
- Quelque chose ne va pas ?
Ano vit qu’il s’agissait du petit guerrier au casque comportant des ailes. Une nouvelle fois, il était essoufflé mais encore pressé d’aller quelque part.
- C’est juste que notre nouveau membre est très naïf… répondit Galdar.
- Ha ok… J’y vais !
Et Boy_of_Life repartit comme si de rien n’était.
L’exaspération de Galdar monta d’un nouveau cran lorsque Ano demanda à quoi ça servait d’être puissant. De plus, les applaudissements du groupe (lorsque la fillette à voix d’homme se prit un coup de savate de la part de l’une des deux filles) n’arrangeaient rien. Ano, voyant son visage presque fumant de colère, préféra ne rien dire, ne comprenant pas ce qui se passait.
- Enfin bon, dit-il simplement, ce n’est pas grave, je vais continuer la visite de l’église et du forum tout seul…
- Oui, c’est ça, allez casse-toi, grommela Galdar d’une voix si inaudible qu’Ano n’était pas sûr d’avoir bien entendu.
Ano sortit de l’église sans savoir ce qu’il avait à faire. Entre temps, il put voir que les deux filles (et donc le groupe derrière elles aussi) s’approchaient à leur tour de l’autel.
A nouveau, Ano se retrouva seul… Soudain, il reconnut un son familier, qu’il avait déjà entendu dans le refuge… Le son d’un gong puissant et sonore. Accompagné d’une voix tonitruante :
- LA FIN DU MONDE !
BONG !
- LA FIN DU MONDE !
BONG !
- LA FIN DU MONDE !
BONG !
Et là, Ano le vit : le tas de sable aux formes humaines. Ou étais-ce un humain composé de sable ? Impossible de savoir.
Il le vit avancer, en tête d’un grand et long cortège. Derrière lui marchait une foule de membres aux formes abracadabrantesques.
- Qu’est-ce que c’est ? se demanda Ano à voix haute.
Des passants voyant la scènes semblèrent lui répondre indirectement…
- C’est Ivaldir !
- Dieu, tu es notre Dieu !
- Longue vie à notre Dieu du refuge !
- Allah Ouakbar !
Ano comprit soudain… C’était un cortège pour Ivaldir, le Dieu que Galdar lui avait décrit !
Il put le voir, de là où il était. Posé sur un trône en or massif, qui était lui-même porté par des sortes d’esclaves au torse nu et suant, il semblait imposant, une longue barbe parcourant ses larges joues. Il semblait regarder tout le monde de haut, comme s’il se sentait supérieur à quiconque de ce monde.
Impassible, il levait un bras musclé vers la foule, un salut plus formel que chaleureux.
Ano vit passer le cortège devant lui puis entrer dans la grande église. Il fut sur le point de suivre la foule, voulant entrer une nouvelle fois dans l’église, mais le destin en voulut autrement lorsque…