Après l’incident (et l’incendie) du topic des miss, la foule autour de la maisonnée se dispersa, surtout après l’arrivée de certains Modéros qui jetaient plusieurs chaudrons de morvéal sur le feu, dispersant par-là même une odeur nauséabonde et ignoble qui dissuadait les spectateurs de rester.
Cependant, les deux femmes, n’ayant rien perdu de leur frénésie guerrière, commencèrent à courir dans tous les sens, poussant des cris sauvages. Puis elles hurlaient à tue-tête partout autour d’elles :
- Episode de la Femme, Episode de la Femme, aujourd’hui on fait ce qu’on veut, vous allez devoir tous nous obéir messieurs !
Attirés par cette idée d’être esclave de femmes à forts caractères, plusieurs hommes du refuge s’approchèrent d’elles, Ertaï en tête. Comme toujours, le Modéro arborait un sourire niais, tendant les bras devant lui comme pour enlacer n’importe laquelle.
- Tout ce que vous voudrez mes chères, disait-il en conservant son sourire. Je suis à vos ordres.
Malheureusement pour lui, il dut repartir avec les joues rouges et boursouflées. Malgré leur frénésie, les deux femmes n’avaient pas encore oublié le coup des photos.
En dehors d’Ertaï, Ano reconnut le travelo aux yeux blancs, le Troll bleu, Mister x (bah… il faisait parti des hommes lui ?), un nabot avec un grand chapeau rond et une tête noire, et encore d’autres…
Les femmes commencèrent alors à donner des ordres diverses : faire la cuisine (cuisine ? Où y avait-il de la nourriture ?), la vaisselle (vaisselle ?), les ventiler à l’aide de grands éventails, leur ramener de la boisson (du champomy, puisque la brasserie n’était pas loin), bref, que des ordres assez stupides et aléatoires. Ano n’aurait pas aimé faire parti des esclaves, mais apparemment cela enchantait tout les autres. Ertaï semblait être le seul mécontent (et surtout jaloux) :
- Pffft… J’aurais pas aimé être à leur place, expliqua-t-il avec un sourire crispé cette fois. Tu te rends compte ? Les obéir comme ça, à l’œil ? Qu’est-ce qu’ils ont tous, comme ça, à les suivre partout ?
- Pourtant, tu fais pareil, non ? demanda Ano, se remémorant la seule fois où il s’était rendu à l’église du culte ivaldirien.
- Mais non ! Moi, je séduis subtilement ! Eux, là, ils essaient de faire pareil que moi, mais je suis le seul à connaître la technique, ha haaaa !
Ano resta sceptique.
- Ha ? Et ça marche ? demanda-t-il innocemment.
- Bah oui ! Mais sur du long terme bien sûr, c’est pour ça que les résultats se voient pas tout de suite.
- Ha…
- Exactement. Au fait, les filles ont vraiment de la chance que ce soit l’épisode de la Femme, aujourd’hui. Sinon, elles n’auraient pas autant de gens qui répondraient à leurs caprices…
- Ha ? J’avais pourtant l’impression que c’était tous les jours pareil… poursuivit ironiquement Ano.
- Oui mais non…
Embarrassé et ne sachant que dire, il fouilla dans ses poches quelque chose de précis. Il finit par en sortir une petite tige percée à certains endroits, puis siffla sur une extrémité.
Le son qui s’échappait de l’instrument était… bizarre, unique. Ano avait l’impression que des murmures parvenaient à ses oreilles possédées, des chuchotements qui, au fur et à mesure du temps, devenaient de plus en plus compréhensibles… Des mots se constituaient en effleurant la peau des oreilles, puis y entraient doucement, en spirale même, avait l’impression Ano. Il devait fournir des efforts de concentration pour comprendre ces mots subtils.
« Radioactivité… Dune… Ecologie… »
Intrigué, Ano demanda ce qu’était cette petite tige étrange.
- C’est un appeau à Bashar, fit Ertaï, ravi de changer de la dernière conversation. Ça sert à attirer… le Bashar.
- Ha ? Et c’est qui le Bashar ? demanda Ano, qui pourtant se disait qu’il avait déjà entendu ce nom quelque part…
- Il s’agit du mentat de ce refuge… Ainsi que le Prophète qui ne cesse de répéter « La Fin du monde ! »
- Haaaaa !
Là, oui, bien sûr qu’il s’en souvenait le Ano !
- Et on peut l’attirer avec ça ?
- Comme tu peux le voir, fit Ertaï en arborant un grand sourire à la vue du… Bashar, qui venait d’apparaître précipitamment, regardant dans tous les sens.
Instantanément, Ertaï se dirigea vers lui, les bras grands ouverts en signe de salut.
- Bashar ! s’écria-t-il. Comment vas-tu ?
- C’est toi qui m’a appelé ? fit-il, surpris.
- Ouiiii !
Le monticule de sable à la forme humaine grogna…
- Je t’ai déjà dit d’éviter ce genre de truc. C’est horrible !
- T’inquiète, c’est pas pour rien que je t’ai sifflé. Tu vois le groupe là-bas ?
Il pointa du doigt la masse de gens qui était rassemblée autour des deux filles. Mister x semblait à part, grognant à vois basse des mots inintelligibles.
- Ils se sont rassemblés uniquement pour t’entendre parler de l’avenir de l’humanité. Tu sais, ils sont curieux de savoir ce que tu penses, de tout ça…
Radieux, oui, Ertaï affichait un sourire radieux.
- C’est cool ça, répondit Bashar. Je peux commencer tout de suite ?
- Oui bien sûr…
De suite, le mebre sablonneux s’approcha du groupe en trottant à vive allure. Il perdait du sable à mesure qu’il avançait, mais il n’en tenait apparemment pas compte.
Ano le regarda faire.
- Pourquoi tu lui as dit des mensonges pareil ? demanda-t-il innocemment. Ce n’est pas vrai.
- Tu vas comprendre, répondit mystérieusement le Modéro.
Et Ano regarda la scène attentivement. Il vit le Bashar s’approcher de l’essaim de membres, puis il commença à parler, de sa bouche grande ouverte et dégoulinante de sable. Sa voix était forte et grave, et elle portait même jusqu’à Ertaï et Ano. Celui-ci put même capter certains mots de ce qu’il disait :
- Blablabla… Fin du monde… blablabla… Fin du monde… Stérilité… 50 ans… Blablabla… Conscience organisée… Fin du monde… Cancer… Immunitaire de la Nature… Fin du monde…
- C’est intéressant ce qu’il dit au moins ? demanda Ano.
- Oui bien sûr… Mais pas pour tous en fait, répondit Ertaï en conservant son grand sourire de satisfaction.
Ano poursuivit sa surveillance des évènements. Apparemment, la foule avait arrêté de délirer, et certains d’entre eux commençaient à partir. Un puis deux, puis cinq, puis… Le cercle de membres commençait à se désassembler et à partir dans tous les sens. Il ne restait plus que Bashar, seul en compagnie des deux femmes. Mais apparemment, elles n’étaient pas d’humeur à ne se contenter que d’un seul esclave (trop peu !), elles partirent à leur tour, leur frénésie complètement détruite par les propos du Bashar…