Ano ne savait pas trop quoi faire. Il était resté debout, à écouter « l’Ode du Grand Ivaldir », assez déconcerté. Ertaï s’était démarqué du groupe en chantant faux, encore une fois, mais il ne semblait pas s’en soucier, et les autres non plus d’ailleurs (sûrement l’habitude).
En fait, Ano était étonné de la tournure des évènements. Au départ, il s’attendait à un jugement criminel pour avoir participé à des activités terroristes, et tout avait dégénéré en un hommage à la mégalomanie du prétendu Dieu… Ce monde était vraiment fou.
Mais comme s’il lisait dans ses pensées, Ivaldir se tourna soudain vers lui. Son sourire béat pendant l’écoute de l’Ode avait laissé place au sérieux qui incombait son importante fonction de Dieu.
- Bon, où en étions-nous avec le pauvre mortel… Ha oui, môssieu ne vient pas me rendre hommage. C’est grave ça, mais ici, nous savons pardonner…
- Je proteste ! s’exclama Cassini, l’avocat, avec véhémence. L’accusé ne peut pas s’en tirer à si bon compte ! Ce serait une insulte !
Ivaldir soupira.
- Voyons Cassini, tu exagères…
- Non mon Seigneur, non ! Quelqu’un qui ne se prosterne pas devant le Grand Ivaldir ne mérite pas de continuer de vivre ! Ces chiens d’infidèles, ces impies, ces hérétiques ne devraient même pas exister !
- Heu… Vous n’étiez pas sensé être de mon parti ? intervint timidement Ano. Vous êtes mon avocat, non ?
- Je suis l’avocat de votre âme, agnostique irréligieux à deux pattes ! Si tout va bien, si je fais correctement mon travail –et Ivaldir sait combien je suis très méticuleux concernant le rachat des pêchés des âmes–, alors votre esprit pourra être correctement purifiée. C’est pourquoi, ô Grand Dieu, je recommande la peine capitale du refuge : la lobotomisation complète du cerveau de l’infidèle !
- Cassini, Cassini, soupira à nouveau Ivaldir, secouant la tête d’un air las. Si on t’écoutait, on n’aurait plus que des crétins sachant à peine marcher dans le refuge. Il faut aussi savoir pardonner, là réside toute ma grandeur prodigieusement fertile. Et puis surtout, ce monde serait vraiment ennuyeux…
Il dut s’interrompre dans ses paroles. Le bruit d’un grincement emplit la salle et Ano, regardant vers la porte, vit alors la tête de Boy of Life dans l’ouverture.
- Salut ! Salut tout le monde ! C’était juste pour prévenir que je ne pourrai pas participer à cette réunion parce que heu… je suis en retard quelque part, et que donc, il faut que je me presse. Voilà, c’est tout, à plus !
Et, sans demander son reste, il referma la porte derrière lui, dans un grincement assez supportable pour les oreilles. Ivaldir grogna.
- Il faudra demander aux esclaves de grincer cette fichue porte. Et surtout, ce Modo commence à m’énerver à vouloir apparaître dans tous les épisodes de la saga… Il le fait exprès ou quoi ? Il veut me piquer la vedette, c’est ça ? Personne ne peut être au-dessus de moi ! C’est moi qui doit avoir le plus d’apparitions dans le compteur ! Parce que je suis Dieu tout puissant, parce que je suis plus q’uun Dieu, je suis…
A nouveau, il s’arrêta à cette partie de la phrase. Mais cette fois, l’un des Modos toussa exagérément et Ivaldir dut se retourner vers Cassini, qui avait la mine dépitée et ne semblait pas avoir tenu compte de l’intervention de Boy of Life.
- Mais-mais-mais… bredouilla-t-il. Ce n’est pas possible ! Si vous ne punissez pas chaque personne qui fait défaut à votre magnifique religion, comment ferez-vous pour vous faire respecter ?
- Allons, répondit Ivaldir avec un sourire indulgent, ce n’était qu’un faux pas, je suis sûr que Ano se rettrapera…
Il se tourna vers celui-ci.
- N’est-ce pas ?
- Heu… Oui, tout ce que vous voudrez, j’y vais tout de suite même, maintenant, sans attendre !
- Excellent, ça tombe bien parce que je te libère tout de suite. Mais surtout, je veux que tu y passes beaucoup de temps, pour te faire correctement pardonner.
Ano se courba pompeusement devant lui.
- A vos ordres, mon Dieu.
Puis il repartit joyeusement en direction de la porte. Il put tout de même entendre les grognements de Cassini, qui devait enrager intérieurement, tandis qu’Ivaldir lui intimait l’ordre de se taire. Lorsque Ano fut sur le point de passer la porte, il entendit une dernière remarque du Dieu :
- Au fait, n’oublie pas de mettre un petit quelque chose dans pour la quête de notre « pauvre » église en or !
Compte dessus, songea ironiquement Ano.
Puis il se retrouva à l’extérieur de la pièce et ferma la porte. Il était derrière la statue, et personne ne pouvait s’apercevoir qu’il était derrière. Que devait-il faire ? Il serait certainement surveillé et, vu comment ils traitaient les infidèles de l’église, il valait mieux obtempérer pour l’instant…
Il sortit de derrière la grande statue d’or et se trouva un endroit tranquille parmi les bancs, éloigné des autres. Ils voulaient qu’il prie longtemps ? Pas de problème, ça allait durer des heures…
Se cherchant une position confortable, chose non aisée, il finit tout de même par y parvenir et joignit les mains et ferma les yeux comme pour une prière intérieure, silencieuse. Alors, il finit par s’endormir…

Lorsqu’il se réveilla, plusieurs heures plus tard, il constata que plusieurs personnes étaient apparues et avaient remplacé celles qui était présentes au début. Elles semblaient se soucier peu de lui, et apparemment certaines faisaient la même chose que lui : dormir. Ce devait être une coutume, de ne dormir qu’à l’église.
Tout ensommeillé, partiellement réveillé uniquement, Ano se leva et sortit d’un pas traînant vers la sortie. Son dos lui faisait un mal de chien, mais c’était ça ou s’ennuyer durant des heures à prier pour quelque chose auquel on ne croyait pas.
Bon, il ne lui restait plus qu’à finir sa nouvelle pour le relais. Ça commençait à bien faire, ces interruptions à chaque fois qu’il en avait envie !
D’un pas décidé, il se dirigea vers la partie fiction et se rendit dans la pièce des ordinateurs, ou peu de personnes tapaient encore. Résolu, il commença à taper à son tour la fin de son histoire… Il sentit qu’il allait faire un malheur, avec…