Puis Ano tendit avant l’autre sa main, pour la première fois depuis sa venue.
- Je m’appelle Ano. Enfin, c’est comme ça que l’on a commencé à m’appeler…
- Enchanté, répondit le magicien. Mon nom est Uruvoitë makil, barad-gond, andaheru talath, I torawain ochtatyaro atan, serviteur du Feu Secret, qui détient la flamme d’Anor. Vouuuuuuuuuuuuus ne paaaaaasserez pas ! ! !
Ano sembla pétrifié d’étonnement. Pendant que le magicien récitait son nom au complet (il eut apparemment un peu de mal pour s’en rappeler, car il avait dû sortir d’une quelconque poche invisible de sa robe un morceau de papier qu’il déplia pour lire son contenu, à savoir certainement son nom), sa voix devenait de plus en plus grave, jusqu’à devenir caverneuse et gutturale.
- Heu… Je suis désolé, fit le magicien, affichant un sourire gêné. J’ai tellement vu le film que… Enfin bref !
- Ce n’est pas un peu long comme nom ? demanda Ano, toujours impressionné par la voix puissante qui était sorti du fond de sa gorge.
- Oui, tu as raison, répondit l’autre en soupirant. Appelle-moi Andaheru, ça suffira.
Ano sourit aimablement.
- Anda, ça te convient ?
- NON ! Anda veut dire cheval en elfique, espèce d’inculte ! Appelle-moi Uruvoitë makil, barad-gond, andaheru talath, I torawain ochtatyaro atan ! Et si tu n’arrives pas à t’en souvenir, alors dit juste Andaheru, pas Anda : An-da-he-ru ! Compris !?
Ano se demanda s’il fallait prendre cela au sérieux ou si son interlocuteur ne faisait que blaguer… Avec un visage trop féroce cependant pour qu’il soit joué, il opta plutôt pour la première solution.
- D’a… D’accord, Andaheru.
Satisfait, le magicien se remit à sourire.
- Bon allez, je te pardonne parce que tu es nouveau… Mais ne recommence pas.
- D’a… D’accord !
- Bon, hé bien maintenant que ton moral est remonté, je te conseille de visiter le refuge. Je suis sûr que tu n’as pas encore fait le tour de tout.
Ano acquiesça avant de bondir de son siège. Quel crétin il avait fait ! S’apitoyer pour si peu, c’était… c’était… pitoyable, vraiment.
De bonne humeur et avec entrain, il se dirigea vers la porte, puis la franchit. Une fois dehors, il trouva le soleil (rouge) magnifique et s’empressa d’aller rejoindre la sortie du forum… Cependant, quelqu’un l’interpella alors qu’il marchait.
- Hé toi !
Ano s’arrêta puis se retourna calmement pour contempler celui qui voulait lui parler. Devant lui se dressait un autre habitant de ce monde, mais beaucoup moins étrange que les autres. C’était un vieillard qui ne devait plus espérer grand chose de la vie. Il portait des lunettes noires trop larges qui contrastait avec sa longue barbe blanche.
- Ça va ? demanda l’ancien. Je ne t’ai pas vu auparavant dans le refuge…
- C’est exact, répondit Ano avec toute la courtoisie et le respect qui se devait pour parler à une personne âgée. Je m’appelle Ano, enchanté de faire votre connaissance.
- Et moi je m’appelle Galdar, fit à son tour le vieux. Je suis le président de ce refuge, tâche de t’en souvenir !
- Heu… Président ?
Ainsi, il existait donc bien une hiérarchie dans ce monde ! Mais après tout, c’était tout à fait normal, en somme… Et puis, s’il y avait bien une personne qui devait diriger le refuge, ce devait être un expérimenté, quelqu’un qui savait beaucoup de choses de la vie… C’est tout naturel que le poste lui revenais. Cependant… Impossible ! Etais-ce lui qui…
- C’est cela, président, confirma Galdar, un sourire sur les lèvres.
Il était apparemment ravi de faire autant d’impression sur un nouveau. Ano nota qu’il ne lui restait plus que quelques dents.
- Dites ! Est-ce vous qui avez créé ce monde ? Comment s’appelle-t-il déjà…
- Aerie’s Guard ?
- Oui ! C’est ça !
- En fait… Non, répondit le vieillard sans cesser de sourire.
- Ha ? Ha… Mais alors, comment ça se fait que c’est vous qui…
Ano vit soudain que Galdar lui jetait un œil noir, il jugea donc poli de sonner un repli stratégique à ses paroles.
- Mais qui… Qui a créé Le refuge alors ? fit-il dans une autre tentative.
Le vieux devint soudain soucieux.
- Hum, hé bien… C’est sûrement normal que tu n’en ais pas encore entendu parler. Il s’agit du Dieu ; De l’Archange Suprême ; du Tout Puissant de ce monde : Ivaldir !
- Hein ? Il va le dire ? A qui ?
- Mais non imbécile ! C’est son nom : Ivaldir.
- Haaaaa ! Ivaldir… Mais il va le dire quand ?
Galdar se frappa la tête de sa large main. Ano nota qu’un son creux s’était produit.
- Bon laisse tomber mon gars, tes parents ont dû avoir du mal avec toi… Je les plains.
- Mais… Mais qu’est-ce que j’ai dit ? demanda Ano, interloqué.
- Bon, on va dire que t’as compris, reprit Galdar (mais il vit l’expression interrogative du nouveau membre du refuge et dut user toutes ses forces pour ne pas frapper son front large à nouveau). Ivaldir est le Dieu de ce monde. Mais, à la différence des autres Dieux, lui il existe vraiment.
- Bah oui, comme tous les autres, non ? fit innocemment Ano.
- Mais non ! Puisque je viens de te dire que les autres n’existent pas !
Ne pouvant plus résister à la tentation, il se frappa à nouveau le front. Puis il poussa un long soupir d’exaspération et préféra continuer.
- Bref, Au début de tout, il n’y avait rien. Pas une gonzesse, pas une mobylette, rien. La zone ! Alors Dieu est venu puis il a dit : « Il y aura des hommes petits, il y aura des hommes grands, il y aura des hommes moches, il y aura des hommes très beaux, et TOUS seront égaux ! Mais ça sera pas facile… Et il a même dit : il y aura des hommes petits, moches et gros, et pour eux ce sera très dur ! C’est pourquoi je vais créer un monde pour qu’il n’y ait pas d’inégalités. »
- Wow ! Incroyable ! fit Ano, abasourdi par ce qu’il venait d’entendre.
- Oui, poursuivit Galdar, satisfait de l’effet de la petite histoire qu’il narrait. Ensuite, il a créé Aerie’s Guard et depuis, tout le monde est heureux ici. Il ne règne que la tranquillité et la paix. Ce n’est pas formidable, ça ?
Ano acquiesça, impressionné. IL ne savait pas quoi dire devant tant d’émerveillement.
Soudain, un bruit énorme se fit entendre (encore plus que d’habitude) et la porte du topic du débat sur le nucléaire s’ouvrit en grand, laissant échapper une épaisse fumée grise et nauséabonde. Quelques secondes plus tard, des personnes sortaient de la maison en toussant fortement et abondamment. Ano, ne comprenant pas, demanda à Galdar ce qui se passait. Mais avant que ce dernier puisse répondre, des mots hurlés distinctement parvinrent aux oreilles du garçon.
- Au secours ! Il y a eu un attentat au Freepost ! Au secours ! C’est trop horrible !