Personne, non, personne. Pourquoi n'y avait-il personne à sa taille ? Tous les hommes se croient-ils toujours supérieurs aux femmes ? Pourquoi faut-il toujours qu'un homme l'insulte ou fasse un commentaire désobligeant jusqu'à ce qu'elle sorte une de ses armes ? Enfin bon, c'est la vie...
Après avoir passé six jours à Caleh, Jade avait envie de bouger. C'est une personne faite pour voyager, et non pas pour rester à un endroit fixe. Quoiqu'il en soit, le trio s'était donné rendez-vous à cette date, sous un arbre où Siya et Klelan se retrouvaient souvent. Mais le seul problème, c'est, pourquoi n'y avait-il personne ? Cela faisait au moins dix minutes qu'elle les attendait, auraient-ils oublié ? Ca n'était pas leur genre. Trouvons une occupation... Une idée passe dans sa tête, elle se lève et cherche un magasin. Comme elle savait faire un peu de flûte, autant en faire. Ah, un magasin d'instruments ! Elle rentre, s'achète une flûte, assez bien sculptée. Elle se rassoit tranquillement à l'ombre de l'arbre, et commence à jouer. Elle repense à la tête du marchand quand elle avait demandé sa meilleur flûte, et quand elle avait sortit sa bourse.
" C'est très beau, c'est quoi ? "
Ah, les voilà.
- " Vous êtes en retard.
- Désolé, on est allé faire quelques emplettes avant. "
Ah, les femmes des villes, toujours à vouloir acheter. Désespérant des fois.
- " Bon, on y va ? S'empressa Klelan.
- On y va", répondit Jade.
Ils partirent donc pour le château de Civ. Le seigneur Civ les avaient conviés à son mariage, Siya et Klelan ne savaient pas trop pourquoi, mais Jade leur expliqua que le seigneur avait accepté de l'héberger.
Ils arrivèrent au château, après quelques mésaventures, au bout de quatre jours de marche. Malheureusement pour Jade, les deux citadins mais surtout Siya avaient perdu le rythme de la marche et les ralentissaient quelque peu, mais ils arrivèrent quand même à bon port dans les temps. Le château s'était agrandi depuis deux ans : deux ailes ont été construites, les décorations avaient été rénovées, tous les serviteurs se pressaient, il en arrivait de partout, et pas moyen de les stopper pour les interroger, ils avaient toujours à faire. Jade les emmena dans sa chambre personnelle. Siya lâcha un petit sifflement admiratif quand la voyageuse ouvrit la porte : la chambre personnelle faisait à peu près trois fois la taille de sa chambre - , comportait un grand lit deux places, deux grandes armoires, ainsi qu'un râtelier et de grandes armoiries sur les murs, puis elle les emmena dans une autre pièce, identique à celle de Jade, mais proportionnellement beaucoup plus grande.
" Voici votre chambre, dit Jade, souriante. Si vous voulez autre chose, vous me demandez. "
Les deux tourtereaux se regardèrent, un petite lueur d'amusement dans les yeux.
- " Non merci, ça nous suffira... Mais comment as-tu deviné ? Demanda Siya.
- Il suffit juste de vous regarder, répondit Jade d'un air amusé.
- Ca se voit tellement que ça ?
- Comme un Minotaure en pleine foule. "
Chacun s'installa, tranquillement. Les amoureux partirent en ballade tandis que Jade aida aux préparatifs. Cela allait être le début d'une longue semaine de fête. Chaque jour allait se dérouler des épreuves, certaines violentes, comme l'empogne, une version du rodéo, d'autres non, comme le concours de poésie. Mais à vrai dire, la seule chose qui intéressait Jade était le tir à l'arc, aucune autre épreuve ne permettait d'user des armes, donc sans intérêt. Chacun dormit de tout son saoul cette nuit.
La douce lumière de l'aube filtrait à travers les rideaux de la chambre, réveillant Jade. Elle se leva et ouvrit les rideaux, découvrant le paysage enduit de rosée, scintillant de milles feux. Une bonne journée pour aller faire une promenade, songea Jade. Elle se prépara et sortit, remarquant au passage les serviteurs qui s'activaient, les seuls debout à cette heure de la journée. Certains jetèrent des regards inquiets devant cette fille, armée jusqu'aux dents, mais elle les rassura d'un sourire chaleureux. Quelques lèves-tôt hantaient l'herbe, la plume ou le pinceau à la main, ne faisant pas attention à elle. Quoi de plus beau que la nature à cette heure de la journée, afin de s'inspirer pour ses tableaux et ses poèmes ?
Au bout d'une petite heure de promenade, elle rentra au château. Encore plus de serviteurs s'activaient. Il se passait bientôt le tir à l'arc, elle ne voulait pas louper ça. Elle s'installa dans sa chambre, se reposa un peu, puis se prépara. La plupart des gens étaient maintenant réveillés – normal vous me direz, vu que le seigneur s'est levé – sauf les deux tourtereaux. Autant les laisser dormir, pensa Jade. Elle partit donc, d'un pas assuré, vers la place du tir à l'arc.
Chaque concurrent – une cinquantaine - se tenait prêt, l'arc à la main, une flèche encochée. Jade état enveloppée dans son grand manteau, afin que personne ne la voit.
La première cible se situait à neuf mètres.... facile. L'ordre, une salve de flèche, aucune qui loupe, bien que certains n'arrivaient pas au milieu de la cible. Deuxième cible, dix huit mètres, deux éliminés. Vingt sept mètres, quatre d'éliminés. Trente-six mètres, dix d'éliminés. Quarante-cinq, et de six. La sixième cible à cinquante-quatre mètres eurent raison de la moitié des restants, elle restait donc contre quatorze adversaires. Vingt sept mètres mètres plus loin, il n'en restait que six en course. Quatre-vingt dix mètres, deux échouèrent. Cette épreuve allait être serrée. Encore trente-six mètres de plus et il ne restait plus que elle et un humain. Ils tirèrent, la flèche de Jade atteignit le deuxième rond en partant du centre, et celle de l'humain, le bord de la cible. Une petite grimace se forma sur son visage pendant quelques secondes puis s'évanouit. La cible d'après eut raison de son adresse : la flèche, tirée trop faiblement, fut détournée par un petit coup de vent. Jade, à son plus grand plaisir, remporta la victoire, sa flèche, par chance avait atteint le bord de la cible. Le prix était une petite bourse de dix pièces d'or donnée par le seigneur en personne – c'était une des seules disciplines où l'on recevait un prix d'ailleurs. Elle passa le reste de la journée à déambuler et à regarder les autres épreuves. Vint ensuite le banquet, grand repas – quoique l'on pouvait l'appeler "orgie" – où toute personne qui était convié au mariage du seigneur se trouvait – soit une petite réception d'environ cinq cent personnes.
La nuit parvint, et tout le château s'endormit. Sauf Jade. Elle décida de se rafraîchir les idées en se promenant dans les couloirs. Elle se leva, s'habilla, s'équipa – mieux vaut s'équiper on ne sait jamais – puis sortit de sa chambre, en prenant bien soin de fermer sa porte à clé. En marchant, elle rencontra quelques somnambules, ou des personnes ayant un peu trop bu durant le banquet et s'étant endormi sur place. Elle sembla voir, au bout du couloir, une ombre, se faufiler. Curieuse de nature, elle se dépêcha d'aller voir, mais quand elle arriva sur les lieux, personne à l'horizon. Sûrement les ombres faites par les torches, songea Jade. Des voix lui parvinrent, des voix semblables à des échos. Elle n'arrivait pas à comprendre ce qu'elles disaient. Les voix s'intensifièrent. Les personnes viennent vers moi, très bien, se dit intérieurement Jade. Quand la sonorité des voix fut assez élevé pour montrer que les interlocuteurs étaient assez près, Jade regarda dans toutes les directions, mais personne... Puis elle comprit. Ce n'étaient pas des voix de personnes parlant, mais plein de voix qui chuchotaient en même temps, ce qui alarma Jade. Elle sortit Tonnerre, et scruta les alentours, quand elle remarqua une ombre en train de se déplacer sur un mur. Elle se déplaçait à l'allure d'une personne qui marche rapidement, faisant de grandes enjambées. Mais l'ombre n'avait aucune forme, ce n'était qu'une tâche sur le mur, mais qui se déplaçait. Après avoir brièvement réfléchi, Jade se lança à la sa poursuite. Les voix, tant que Jade restait à la même distance de l'ombre, restaient à la puissance, donc c'était l'ombre qui produisait ces sons. Jade essaya de déchiffrer les paroles, mais n'arrivait qu'à comprendre des petits bouts de phrases : "Le sang ... le maître... le sang... content... sommeil...", rien de très rassurant pour Jade. Puis l'ombre changea de mur, et se glissa dans les fentes d'une porte. Jade s'arrêta devant, ne savant quoi faire : rentrer ou repartir ? Elle se risqua et ouvrit doucement la porte, pour tomber sur un grand personnage noir, vêtu d'un grand manteau et d'un casque, une épée à la main, dégoulinant de sang. Il tourna la tête vers Jade. Ses yeux étaient deux lumières rouges, malveillantes. Rien qu'à le regarder, Jade en frissonnait. Il était entièrement noir, à part son casque et ses yeux, même son épée état noire. Elle conclut que ce devait être le maître de l'ombre. Pour le sang, elle se doutait que le chevalier noir venait d'égorger les personnes dans le lit, derrière lui. Il se propulsa vers Jade, l'épée à la main puis se métamorphosa en la tâche d'ombre, et sorti par le mur de la porte. Elle se risqua un coup d'oeil sur le lit : un homme et une femme étaient égorgés, mais rien ne sortait de la plaie. Elle sortit en courant, repéra l'ombre dans un coin qui tournait, et se précipita sur ses traces, sa hache à la main. Elle tourna puis tourna encore suivant l'ombre, puis elle arriva devant un escalier et l'ombre s'engouffra dedans. Sans réfléchir, elle le descendit aussi, suivant la tâche noire, et l'escalier déboucha sur une grande cave, remplie de tonneaux, des foudres pour être précis – des tonneaux de mille litres. La tâche s'arrêta, puis elle s'étira, jusqu'à devenir haute de trois mètres, et pris la forme du chevalier. Un coup de vent glacial souffla à travers la salle éteignant toute les torches. De maître de l'ombre émanait une lueur bleu givre, éclairant Jade et les environs.
" Que venez-vous faire ici ? "
La voix paralysa Jade sur place, tellement elle était glaciale et imposante. Elle resta plantée là, terrifiée, un masque de peur sur le visage.
" Partez "
A ces mots, Jade réalisa qu'il parlait dans sa tête. Elle rassembla son courage, qui la réchauffa un peu, chargea et frappa, les yeux fermés, de peur de le revoir. Son arme ne se heurta qu'au vide. Elle ouvrit les yeux et vu que le chevalier avait disparu. Mais la voix s'exprima de nouveau.
" Vous allez payer pour votre geste "
C'était tout à fait net pour Jade, qui se rua vers l'escalier, pour découvrir qu'un mur noir se formait à l'entrée. Elle le frappa de toute ses forces, jusqu'à avoir les membres engourdis. A sa surprise, la température remonta et les torches se rallumèrent.
" Elle a un problème la pierre précieuse qui sait bien manier les armes ! "
C'était cette fois-ci une petite voix nasillarde. Elle se retourna et aperçu une petite forme ronde, qui devait lui arriver aux genoux, enveloppée dans une cape.
" Qui es-tu ? "
Cette question lui était venu spontanément, un réflexe, et après un moment de silence – pendant lequel elle cru qu'il allait lui arriver un malheur – la petite forme reprit la parole :
" Non non non ma pierre ! C'est moi qui pose les questions ! "
La petite forme se mit à sautiller sur place, tourner sur elle-même, puis elle s'arrêta. Jade aperçu deux petites lueurs jaunes, qui la regardait, attentivement.
" Est-ce que la pierre est prête à répondre ? "
Jade ne répondit que d'un simple hochement de tête.
" Qu'elle me suive ! "
A peine la créature eut fini ses mots qu'elle partit à une vitesse folle, quittant la vision de Jade, qui courut dans la même direction. De temps en temps, elle l'apercevait, lui faisant signe de la suivre, puis la créature repartait. Jade entendait parfois des "allez ! Suivez-moi !" venant de derrière elle, mais à chaque fois qu'elle se retournait, il n'y avait personne. Quand elle arriva à une intersection, le petit bonhomme apparut devant elle, la main levée pour lui dire de s'arrêter.
" La pierre a bien couru ! Mais maintenant, voyons si elle sait penser... " puis il ajouta gaiement : " trouvez la solution ! " et il disparu.
Juste après, sa voix résonna, un peu partout :
" Je suis ce que je suis, mais je ne suis pas ce que je suis car si je suis ce que je suis alors je ne suis pas ce que je suis. Qui suis-je ? "
Jade n'en avait pas la moindre idée. Elle s'assit dos à un tonneau, et retourna la question dans sa tête, pour trouver la réponse de ce charabia.