Le temps semblait s'écouler dix fois plus lentement autour d'elle. Elle ouvrait parfois les yeux pour découvrir un visage familier : Siya, Klelan, et parfois même Zirtan. Quand elle les refermait, c'était pour découvrir un torrent de souvenirs, bons ou mauvais. Comme celui où elle voyait sa mère adoptive se faire tuer devant ses yeux, au travers de ses yeux embués de larmes. Claree, voilà son nom, Claree. Ce nom sonnait comme une comptine dans son esprit. Son père adoptif, Plarn, était alors parti à la chasse, et quand il était revenu, c'était pour découvrir sa femme déchiquetée ainsi que sa fille en pleurs. Puis elle remonta encore plus loin dans le temps. Ses vrais parents. Elle se souvenait même du moment où elle était sortie du ventre de sa mère, son père la regardant. Son père... un thrakallar.
Les mâles thrakallars étaient bien différents des femelles. Eux étaient une montagne de muscles dépassant d'au moins cinq têtes un humain. Ils étaient capable de soulever un cheval à mains nues et le projeter. Moins facilement qu'un minotaure évidemment. Ils étaient de forme humanoïde et se tenaient sur leurs jambes. Malgré leur intelligence quasi-inapparente, ils recèlent d'une grande gentillesse et de raisonnement quand ils en ont besoin. Tout leur corps est recouvert d'une fine couche de poils allant du vert foncé au bleu clair. Son père était un meneur de tribu, témoignant sa fourrure exceptionnellement noire. Les femmes thrakallars étaient à la différence, frêles, d'une taille humaine. Elles possédaient une peau, dans les mêmes teintes que les mâles, et étaient généralement divisées en deux clans : les combattantes et les non-combattantes. Les non-combattantes s'occupait du camp, des soins et tous ce genre de choses. Les femmes avaient aussi la possibilité de quitter leurs tribus d'origine pour s'intégrer dans le monde humain, à leurs risques et périls.
Si longtemps. Vingt-deux ans, trois mois, et dix jours exactement. Comment savait-elle cela. Tout son corps lui fait mal. Elle ne sent pas particulièrement une douleur au ventre, mais partout. Une épée de l'ombre ne fait pas de cadeaux, et laisse d'énormes séquelles. Tout redevint noir. Un autre moment de sa vie, le jour de ses deux ans, où elle avait été abandonnée par sa mère devant une maison humaine, devant celle de Claree et de Plarn. Ils l'avaient découvert, et s'étaient occupés d'elle jusqu'à ses quinze ans, jusqu'à ce que Claree meurt. Ce jour, Jade avait juré de devenir une grande combattante, ce qu'elle était aujourd'hui... si elle survivait...
Un autre pic de douleur. Elle s'entendit échapper un gémissement, et sentit une larme couler le long de sa joue. Elle se sentait vidée de toute énergie. Les quelques repas qu'on lui amenait n'étaient qu'au quart mangés. Même sa tête lui faisait un mal de chien. Chaque petit mouvement lui infligeait un gouffre interminable de douleurs... Elle ferma les yeux et s'endormit.
Elle se réveilla. La douleur était moins grande. Ce devait être la nuit car aucune lumière ne sortait de ce qui semblait être les fenêtres. Elle distingua une personne sur son lit et essaya de deviner l'identité. De grands cheveux bruns clairs, une peau bleue claire, une grande robe... Siya. Celle-ci leva les yeux. De grandes cernes lui pendait sous les yeux.
" Tu devrais dormir, articula péniblement Jade. Tu as une mine affreuse... "
L'intéressée lui répondit par un sourire.
- " J'ai dormi combien de temps ? Demanda Jade
- Un jour.
- Un jour... Que s'est-il passé ?
- On te racontera quand tu seras rétablie.
- Je suis rétablie...
- Tu es forte, mais n'en fais pas trop quand même. "
Jade releva la tête, puis leva un bras afin de toucher la main de Siya. D'un geste qui lui sembla durer une éternité, elle s'appuya sur un coude.
" Non, tu devrais continuer de te reposer... ", lui dit doucement Siya.
Son dernier mot resta en suspend quand elle vit Jade se mettre assise puis debout. Elle fut pris d'un petit vertige, qui obligea Siya à la soutenir.
" Je vais bien, je guéris vite... ", la rassura Jade avec un sourire.
Elle regarda son ventre, plus aucune blessure n'était apparente. Puis elle tourna la tête vers Jade pour voir les yeux de Siya s'enflammer intérieurement d'un blanc pur et une aura se former autour d'elle.
" Dissipe ton sort Siya... "
Elle opina et l'aura disparu. Jade aperçut sa hache près du lit. Elle la prit et sentit une vague d'énergie s'insuffler en elle. Elle reprit ses habits, s'habilla et marcha un peu partout dans la pièce. Siya était éberluée.
" On y va ? " Demanda Jade
Siya acquiesça.