Gérard avait toujours raison. Ou du moins se le figurait-il. Car, à vrai dire, il avait très souvent, du point de vue de la majorité à laquelle il s’opposait sans sourciller, tort. Il n’en avait cure. Il savait pertinemment de quoi il en retournait vraiment. « Non Gérard, je t’assure que tu as tort. ». « Bien sûr que non, c’est toi qui as tort, moi j’ai raison et tu as aussi tort quand tu me dis que j’ai tort, puisque c’est toi qui a tort. ». Gérard ne ressentait même pas la douleur et la solitude de l’incompris, il était toujours de bonne humeur et arborait constamment le sourire bienheureux caractéristique de celui qui n’a rien à prouver, puisqu’il ne doute pas. Il en était insupportable, et cela finirait mal.
Un jour comme ça, alors qu’il était paisiblement occupé à dire à des gens qu’ils avaient tort sur internet, Gérard remarqua que la surface de son verre d’eau commençait à se troubler. Alors que l’eau frémissait de plus en plus nettement, il songea : « Sûrement un tyrannosaure comme dans ce flim.». Comme il adorait les tyrannosaures, il sortit voir cela de plus près ; sur le pas de sa porte, il vit un nuage de poussière sur le chemin qui menait à sa petite maison, un nuage qui avançait en grondant, dans lequel une masse sombre et mouvante se discernait de plus en plus nettement. Bientôt, la masse se désolidarisa en une multitude de silhouette agitées qui vinrent se camper devant la maison de Gérard. Une voix : « Tu fais chier Gérard. » ; une autre : « arrête de croire que tu as tout le temps raison, tu as souvent tort. ». Gérard sourit ; ce tyrannosaure avait tort. « Vous avez tort, même si vous êtes un tyrannosaure. » ; « Nous ne sommes pas un tyrannosaure » ; « Vous avez tort. ». Gérard reçut alors un morceau de parpaing sur la tempe. Il conserva son sourire paisible lorsque les pierres se mirent à fuser comme d’un commun accord. « S’ils savaient… »
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