Jehan évitait les embrouilles.
— Papa, pourquoi je vis ?
— Mmh oui ?
— Papa, pourquoi je vis ?
— Reformule ta question.
— Papa, quel est le but de mon existence ?
— Encore.
— Papa, quel est le sens de ma vie ?
— Encore.
— Papa, quel est le sens de la Vie ?
— Encore.
— Papa, la Vie a-t-elle un sens ?
— Encore.
— Papa, ne sommes-nous que de pauvres chairs transies par l’inertie du vide de l’univers et mues par de vagues réactions en chaîne ?
— Encore.
— Papa, sommes-nous condamnés à entretenir l’illusion de lutter contre l’entropie primordiale qui se révèle en fin de compte avec le plus moindre recul, infaillible ?
— Encore.
— Papa, existe-t-il une réponse à cette question ?
— Encore.
— Papa, existe-t-il la moindre réponse à la moindre question ?
— Encore.
— Papa, existe-t-il, au fond, un sens à quoi que ce soit ?
— Encore.
— Papa, quand je mourrais, ce qui paraît inévitable n’aurais-je finalement vécu qu’en attente inconsciente de cette fin ?
— Encore.
— Papa, j’ai envie de vomir. Je n’ai plus envie de rien. Je crois que je ferais mieux de dormir.
— Bonne nuit mon chou.