Harry mangeait tellement qu’un jour, il le savait, il en mourrait. Cela le rendait très malheureux. Il était un gros tas de chagrin que les sanglots agitaient comme une gelée anglaise. Il pleurait de grosses larmes grasses et huileuses qui coulaient sur son visage bouffi en y laissant deux traînées luisantes tandis qu’il engloutissait une pile de saucisses cuites au micro-onde. L’idée de sa mort prochaine laissait en lui un gouffre abyssal qu’il tentait de combler en mangeant plus encore et qui lui semblait s’élargir à chaque bouchée. Il ne pouvait s’arrêter de pleurer tant sa peine était grande, et il pleurait d’autant plus qu’il savait que ces larmes ne suffiraient pas à le débarrasser de sa chair débordante et morbide. Il était un individu terriblement excédentaire.
Harry décida qu’il lui faudrait pour survivre cesser de manger jusqu’à ce qu’il se sente vivant pour de bon et non plus en sursis. Il mura fenêtre et portes, jeta la clé, puis se cousit les lèvres. Il mourut deux semaines plus tard de l’infection qui avait gagné sa bouche suturée par une aiguille mal stérilisée, incapable de sortir de chez lui pour être soigné.
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