Journal d’Isuke, le 25ème jour de la lune hasardeuse, ère des Grands Guan
La sécurité a été renforcée autour du gouverneur et je déplore de ne pas avoir pu agir pour le moment. Il ne me reste plus qu’à espérer que les troupes Impériales arrivent avant que ma trahison ne soit découverte... je n’ai pu avoir de contacts avec le scribe Amada depuis qu’il m’a annoncé servir d’intermédiaire pour les troupes impériales, et l’inspecteur aux commerces Jama a disparu depuis peu. Je crains qu’il n’ait succombé ou qu’il ait été jeté au cachot... son impétuosité lui aura sûrement valu de faire tomber lui-même son masque. Les gardiens du traître Usaru ont l’œil preste et vigilant, et je ne dois qu’à ma diplomatie et mon sens de la mise en scène d’avoir pu à ce jour rester incognito dans son gouvernement. Il m’a même accordé des tâches plus importantes par suite de mon ancienneté ! Me voilà désormais Grand Commissaire aux Affaires Intérieures pour ce ver répugnant. Ce poste me fait honte, mais j’espère encore dans l’ombre provoquer la fin de son misérable royaume. Je ne peux pour l’instant rien tenter, mais dès que l’armée sera là, je pourrais enfin laisser aller ma colère contenue jusqu’a présent. Il ne faut pas que je cède ; seule une couverture parfaite m’évitera le Couperet. D’autant plus que la plupart des autres membres du gouvernement sont des bandits et des orateurs issus des basses couches sociales ! Je comprends a présent pourquoi il tenait tant à les garder en vie. Si j’avais pu me douter de sa trahison en voyant ces signes pourtant si alarmants, j’aurais pu agir à temps pour rompre ses ambitions impures et m’attirer toute la gloire ! Maintenant, il est trop tard, il possède de nombreux alliés et ses greniers sont pleins du riz qu’il a escroque aux populations. J’ai bien peur de ne pouvoir écrire dans ce journal avant bien longtemps tellement la crainte qu’il soit découvert m’en éloigne. Je prie pour que la volonté de l’Empereur me délivre de cette passe dangereuse, et lui serais fidèle jusqu’aux dernières lueurs de ma vie.
La troupe, forte de quelques deux cents hommes, arriva enfin au campement principal. La ville qu’ils devaient cette fois investir, était loin d’être de la même taille que les petits hameaux qu’ils avaient rasé par le passé... A croire que la révolution prenait de l’importance plus vite que Yasu ne l’avait prévu. Organisée comme une forteresse avec des remparts de pierre, la ville était dotée de deux enceintes fortifiées dont une pour le Yamen uniquement, et d’une garnison forte de trois à quatre cents hommes. Les généraux impériaux avaient encore une fois lésiné sur les moyens, n’envoyant que trois détachements, soit six cents hommes, pour détruire une pareille cité. Tant il est vrai que l’armée était nécessité dans tout l’empire, des insuffisances comme celle-ci montraient a quel point elle commençait a s’essouffler malgré les budgets investis dans la formation de troupes fraîches... Ils avaient désormais rejoint les deux autres détachements, constitués de jeunes recrues pour la plupart. Une bonne partie d’entre eux portaient le sabre pour la première fois... et sûrement pour la dernière. La guerre ne laisse pas beaucoup de place aux nouveaux, et il s’était écoulé tant de jeunes vies innocentes depuis que Yasu, lui-même, avait survécu à sa première bataille, qu’il savait désormais qu’un tiers d’entre eux tomberait au premier assaut. C’était dans les tactiques de l’armée de privilégier les vétérans, aussi l’on envoyait bien souvent les nouvelles recrues à la mort pour ouvrir le passage aux combattants plus anciens... sort tragique certes, mais Yasu s’en était sorti il y a bien longtemps et en récoltait aujourd’hui les fruits, et c’est ainsi qu’il comptait une fois de plus survivre a son destin...
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