Journal d’Isuke, le 16 de la lune hasardeuse, ère des Grands Guan
Aujourd’hui je suis sorti faire mon inspection des fermes alentours comme à mon habitude… les demandes de plus en plus importantes en riz du gouverneur, forcent les paysans à des actions dont leur nature devrait les écarter. Apres avoir encore fait taire plusieurs récolteurs aux humeurs rebelles, je suis sorti dans la soirée me détendre a la taverne. Au milieu de la nuit, un de ces agitateurs révolutionnaires a sorti ses paperasses et est monté sur une table en commençant ses discours provocants et indignes de sa condition de serviteur de l’Empereur. Poussé par une curiosité qui me fait honte en ce moment, je l’ai laissé parler encore un peu avant d’agir... Il tenait des propos au dessus du niveau intellectuel d’un paysan sans éducation et je me demandais alors qui il était pour avoir un discours aussi persuasif.
Prenant l’Empereur pour responsable des mauvais traitements qu’on leur faisait subir, il avouait carrément son envie de rejoindre les troupes de brigands dans la montagne et tourner le dos à l’empire et à sa céleste Loi. Il incitait les clients rassemblés ici à le suivre et à quitter la ville... Je me suis décidé à agir alors que la salle allait devenir trop chaude, l’apostrophant au nom du gouverneur, je l’ai fait taire et l’ai envoyé dans les geôles du Yamen. La loi en ce qui concernait les traîtres était auparavant de les envoyer à la garnison pour exécution, et il ne doivent maintenant leur survie provisoire qu’à un nouveau décret du gouverneur Usaru qui semble leur réserver un usage utile à l’Empire ; peut-être cherche-t-il à percer à jour les réseaux révolutionnaires qui déstabilisent le pays, mais je doute qu’il y parvienne en capturant de simples orateurs comme celui-ci. Une fois encore ma mission n’est pas de critiquer ou mettre en doute les volontés de l’Empereur ; ses actions m’échappent mais elles servent l’Empire et sa stabilité. Dans sa lumière, le Fils du Ciel nous sauvera de tous les maux…
Le détachement quitta la ville le lendemain de l’exécution, saluant profondément le gouverneur Usaru qui dans sa loyauté envers le Fils du Ciel faisait honneur à l’Empire tout entier. En tout cas c’était ce que disaient les discours ; Yasu se moquait de ce que ces magistrat poudres pouvaient agiter comme mensonges et hypocrisies sous le nez de l’armée. Il se doutait bien que dès lors qu’un changement majeur se ferait percevoir ils lâcheraient leur beau masque et se joindraient au plus fort... c’était le problème actuel de l’Empire, car bien peu de ses habitants avaient réellement rejoint un camp par leurs convictions. La plupart d’entre eux ne faisaient que suivre, suivre les ordres, suivre sous les menaces, suivre par principe ou par nécessiteé Il ne restait plus que les rebelles et les généraux impériaux qui aient une véritable volonté de continuer... le fait que les généraux aient le pouvoir, c’était uniquement parce que leurs rangs comptaient plus d’indécis qui suivaient par peur de la famine...
Ils se mirent en route vers la capitale impériale, réduisant les villages tumultueux et proférant exemples et menaces muettes sur leur passage... cinq jours plus tard, il arrivaient enfin a destination, franchissant les portes de la ville comme un autre de ces détachements qui ne posait même pas le pied a terre entre chaque mission... ce n’est pas ici que l’on prenait la peine de leur faire une parade pour leur retour, et seule la présence réconfortante d’une famille restée dans la crainte de perdre leur seul soutien, réchauffait encore le cœur des soldats. Beaucoup d’entre eux étaient rentrés de la bataille, mais pour ceux qui étaient restés là-bas... La subvention versée par l’armée, permettrait de payer leur cercueil et il faudrait sûrement que leurs enfants s’engagent eux aussi pour permettre à leur vielle mère de survivre. L’armée impériale était ainsi faite qu’elle grandissait autant de ses victoires que de ses défaites, ses rangs grossissants en orphelins chaque fois qu’un père manquait à l’appel ; Les soldats les plus agaillardis disaient même qu’elle se nourrissait de ses propres morts... mais cette expression était sévèrement punie puisqu’elle portait atteinte à la dignité des victimes, et prêtait parfois à confusion.
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