Les deux jeunes enfants parlaient de tout et de rien, et Lowell savait à quel point tous deux appréciaient ces petits moments tranquilles et privilégiés. L’ambiance était souvent chaleureuse, très agréable, et il y avait toujours des taquineries entre eux. Ils adoraient particulièrement cela.
La journée était ensoleillée mais le vent était très frais. Les oiseaux ne chantaient pas. Il y avait longtemps déjà qu’ils avaient tous été mangés. Et leurs cousins semblaient suffisamment intelligents pour ne pas vouloir suivre le même chemin.
Toutes les rues étaient grises, humides et sinistres. Et celles qui ne l’étaient pas appartenaient aux chefs des mafias. Eux possédaient la Ville. Eux possédaient le Pouvoir.
Pourtant, des rumeurs circulaient… Des palabres qui ne faisaient rien d’autre que de donner un peu d’espoir au gens qui étaient ensevelis sous le désespoir. On prétendait que quelqu’un, un jour, mettrait fin à ce règne de malheur. Qu’un jour, un héros se lèverait, et sauverait cette ville des griffes des quatre chefs des mafias. Mais ce n’était rien d’autre que des rumeurs, et n’avaient pas d’autre fonction que d’empêcher les plus malheureux de se suicider.
Lowell et Fénérile retrouvèrent quelques jeunes de leur âge sous un tas de ferraille, vestiges de voitures qui auraient pu vivre plus longtemps sans cette anarchie prospère. C’était un lieu à l’air libre, bénéficiant d’une grande tôle - de ce qui avait été la citerne de camion - pour les jours de pluie. L’unique manière d’y accéder était d’entrer par une petite grotte étroite, ce qui ne faisait qu’accroître la sécurité (n’avoir qu’un seul endroit à surveiller était une stratégie de base et très pratique).
- Qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ? demanda Clarisse, une jeune fille avec des lunettes rayées - elle y voyait toujours mal mais c’était tout ce qu’elle avait pu trouver pour sa vision défectueuse.
- On peut jouer à cache-cache, proposa Laurent, un garçon avec plusieurs cicatrices sur le visage.
- Encore ! Mais on n’arrête pas d’y jouer ! s’exclama Luc.
- Si tu ne veux pas jouer, personne t’y force, répliqua Lowell avec un grand sourire.
- Heu… Non non, ça ira.
Et une nouvelle fois, c’est Laurent qui commençait à compter. C’était lui le plus grand et le plus véloce parmi les autres. Il était donc naturel que ce soit lui qui devait attraper les autres en premier.
Et comme toujours, Lowell se cacha dans le même endroit que sa sœur. En fait, c’était plutôt le contraire, mais elle affirmait que non, et lui préférait ne rien dire.
Quelque chose clochait… Lowell ne comprenait pas. Le temps s’était arrêté ! Plus aucun objet, plus aucune personne ne bougeait. Même ce pauvre Laurent était suspendu en l’air, figé dans sa course contre Fénérile.
Il regarda autour de lui. Etait-il donc le seul à voir ce qu’il voyait ? Etait-il le seul à ne pas s’être arrêté ? Il était resté planté là, découvert par Laurent, qui avait préféré poursuivre sa sœur, et tout s’était soudain paralysé. C’était incroyable ! comment était-ce possible ? Avait-il des hallucinations ? Etait-il malade ?
Ses yeux se posèrent sur sa sœur. De tout cœur, il espérait que rien ne lui arriva. Rêve ou réalité, il espérait juste que rien ni personne ne lui fasse mal. Alors que tout était tétanisé, figé. Elle avait un pied devant l’autre, en position déséquilibrée. Mais elle ne tombait pas ! Plus rien ne bougeait, pas un seul son n’était entendu. C’était à la fois sinistre et apaisant. Un petit frisson parcourut l’échine de Lowell. Que se passait-il donc ? De quelle diablerie était né ce phénomène incroyable ?
Et comme si l’univers avait lu ses pensées, une lumière blanche apparut. Lowell ne la remarqua pas tout de suite, mais, du coin de l’œil, il put ensuite la voir. La lumière semblait s’étendre de plus en plus, devenant presque éblouissante. Elle semblait provenir du vide, là, à un mètre de hauteur, à sa droite.
Puis elle diminua en intensité, jusqu’à perdre peu à peu son éclat, jusqu’à ce qu’elle finit par disparaître. Purement et simplement. Mais à la place, il y avait un homme.
Mais était-ce vraiment un homme ? En tout cas, il en avait l’allure. Physiquement, il en était proche, mais quelque chose d’indéfinissable le distinguait des autres mortels. Comme une sorte d’aura importante qui se dégageait de lui. Ce n’était pas une aura négative, au contraire même : elle apaisait d’une manière très singulière, tout en rendant majestueux celui qu’elle entourait. C’était très étrange.
L’inconnu portait des vêtements très simples : une longue robe, d’un rouge très profond avec des reflets dorés superbes, qui touchait et traînait sur le sol humide sans pour autant se salir. Un instant, il demeura, lui aussi, paralysé comme tout le reste, et la situation semblait s’être figée davantage encore –si c’eut été possible. Puis, tournant la tête lentement – très lentement, de sorte que ce mouvement provoquait un terrible sentiment de peur – vers Lowell, il commença à s’avancer vers lui, d’un pas très pesant et impérieux. Lowell n’était pas vraiment quelqu’un de courageux, et malgré le fait que tout en lui criait, hurlait même, qu’il fallait s’enfuir, il demeurait là, bloqué. Non pas par la peur, mais par l’aura qui se dégageait de l’inconnu. C’était très puissant, invisible, mais presque palpable, hypnotisant les yeux et les jambes de Lowell.
Enfin, l’homme s’arrêta devant lui et le contempla de la tête aux pieds, puis inversement. Et son regard imposant se fixa sur ceux de Lowell. C’était une situation complètement irréelle, saugrenue, qui n’avait pas de raison d’être, et le garçon aurait pu se répéter sans cesse “ Ceci n’existe pas, c’est un rêve que je fais. Ou un cauchemar. Peu importe ce que c’est, je suis dehors sur le matelas, et je vais bientôt me réveiller ” s’il n’était pas autant absorbé par la contemplation de l’être qui était issu de la boule de lumière, tel un dieu qui serait descendu parmi le monde des mortels.
Et enfin, l’inconnu parla. Et Lowell fut intensément surpris. Ce n’était pas une voix tonitruante, qui semblait venir de partout, irréelle et froide, comme il l’aurait pensé. En fait, c’était une voix normale. Normale ! Tout ce qu’il y avait de plus humaine !
- Lowell. Tu dois être surpris, non ?
Pendant un instant, Lowell regarda l’inconnu sans comprendre un seul mot. Puis, comme si le sens des paroles passaient tour à tour dans une machine qui décryptait, il finit par en saisir le sens et commença à recouvrer ses esprits, ses yeux cessant d’être hypnotisés par l’allure imposante du nouveau venu, ses rouages arrêtant de grincer douloureusement pour se remettre à nouveau en marche.
- A peine, répondit-il sans se rendre compte de l’ironie qu’il employait dans ses propos. Qui êtes-vous ?
Peut-être son ton était-il sec… Mais il ne le remarqua pas non plus. Et il s’en moquait, à vrai dire. Les circonstances l’excusaient grandement.
- Je suis Layos, l’intermédiaire des Dieux, dit l’inconnu en s’inclinant légèrement vers l’avant pour témoigner du respect.
- D’accord… Et tout ça, c’est quoi ? demanda-t-il en montrant les personnes complètement paralysées. C’est vous qui en êtes à l’origine ?
- Pas exactement. Ce sont les Dieux qui ont figé le temps. Ils ont fait cela afin que ta surprise ne fasse pas trop de dégâts…
- Les Dieux ?
Lowell ne savait pas pourquoi, mais il considérait Layos comme légèrement atteint. Qu’importait que les gens étaient figés, que les jambes de Laurent étaient suspendues dans les airs, cette personne qu’il avait devant lui était fou. Il se prétendait prophète – un prophète est bien un intermédiaire des Dieux, non ? –, et avait un nom des plus bizarre. Non, sans aucun doute, ce type était fou.
- Je comprends, dit-il doucement comme s’il s’adressait à un enfant (le comble !). Et vous êtes venu pour moi, n’est-ce pas ?
- Tout à fait… Mais je discerne un certain sarcasme dans ta voix. (Il regarda autour de lui). Je saisis tout à fait que la situation t’est inhabituelle.
- Mais non, j’ai l’occasion de voir cela tous les j…
- Cependant, comprends bien que si les Dieux font cela, c’est uniquement parce que la situation est chaque jour plus désespérée. Ils ne peuvent tolérer cela.
- Qu’est-ce qui me prouve que tout cela est réel ? demanda Lowell sans se préoccuper de ce que pouvait dire Layos. Comment je fais pour savoir si, oui ou non, je ne suis pas chez moi en train de rêver ?
- Et bien, c’est facile, je peux te frapper pour que tu en sois sûr, répondit Layos d’un ton impatient.
Lowell réfléchit un peu, puis finit par dire :
- Ça ira.
- Bien, à présent que nous en avons fini avec les futilités, passons aux choses sérieuses. Tu as été choisi.
- Choisi ? Par qui donc ?
- Mais je viens de te le dire ! répondit Layos, qui sentait monter en lui une certaine colère. Les Dieux t’ont choisi pour arranger une situation de plus en plus dés… Mais que fais-tu ?
Lowell s’était pincé légèrement le bras et ne put s’empêcher de pousser un cri de douleur. Oui, tout était bien réel !
- Pourquoi moi ? demanda-t-il très vite, en voyant que Layos s’impatientait de plus en plus.
- Peut-être parce que tu as toutes les qualités requises. Qu’est-ce que j’en sais ? Je suis là pour t’aider et te guider dans l’Epreuve.
- Epreuve ?
Le visage de Lowell se fit plus méfiant.
- Qu’est-ce que cela veut dire, “ j’ai été choisi ” ? Je serai comme Jésus, j’accomplirai des miracles ? Et on écrira la moitié d’un livre sur moi ?
- Je ne pense pas que l’on fera ton éloge par écrit. Les Dieux n’accepteront pas de se montrer ainsi ouvertement aux humains. Mais sinon, oui, tu recevras des pouvoirs. De puissants pouvoirs.
- C’est vrai ? Comme quoi ?
Layos regarda fixement Lowell dans les yeux, puis plongea sa main dans la robe qu’il portait et en ressortit une longue canne en bois. Son extrémité était pourvue d’une boule de cristal rouge, tenue par ce qui semblait être quatre longs doigts gratifiée de belles et longues griffes. D’un mouvement ample, Layos passa la boule au-dessus de la tête de Lowell, tenant la cane par le bois, puis la rangea à nouveau à sa place originelle, sous la robe.
- Qu’avez-vous fait ? demanda Lowell.
- Je t’ai octroyé le pouvoir. A présent, tu devrais pouvoir ressentir un changement…
- Heu…
Il ne voyait pas vraiment où le dénommé Layos voulait en venir. Cependant… Il sentait effectivement quelque chose d’étrange. Quelque chose qui semblait bien caché dans son esprit, comme le souvenir de quelque chose qu’il essayait de se rappeler, sans savoir de quoi il s’agissait.
- Oui… Je sens quelque chose, dit-il en regardant ses mains comme si c’était la première fois qu’il les remarquait vraiment. Quelque chose de très spécial, inhabituel.
- C’est en quelque sorte l’interrupteur qui te permet d’enclencher les pouvoirs. Essaie de l’atteindre.
Cela paraissait fou, complètement absurde, Lowell le savait et en était totalement conscient. Mais quelque part… il avait envie d’y croire. Il ne savait pas vraiment pour quelle raison, mais il voulait que ce soit vrai.
En fait, il savait pourquoi. Être un héros avec des pouvoirs, c’était ce qu’il voulait. Voir l’admiration dans les yeux de sa sœur, n’y avait-il là rien de plus naturel pour lui ? Il voulait que Fénérile soit complètement fière de lui, que ses yeux soient emplis de fierté à l’unique pensée de son frère. Oui, c’était pour cela qu’il voulait croire que tout cela était vrai.
En plus du fait qu’il pourrait frimer devant les copains.
Résolu, Lowell ferma les yeux. Il se concentra sur lui-même, comme l’avait suggéré Layos. Il s’imagina un espace infini de ténèbres, uniquement du noir, des ombres, partout. Et au centre de cet infini, de sa conscience, se trouvait une petite lumière. Il ne savait pas comment il parvenait à s’imaginer cela, mais c’était le cas. Il était là, flottant dans l’espace, et faisant des brassées vers la boule de lumière.
Il tendit la main, lentement, pour l’atteindre, et finit par la toucher. Alors, il sentit que la lumière se développait, emplissait l’espace, éblouissait, faisant reculer les ténèbres, jusqu’à ce que finalement, tout passa du noir au blanc le plus complet. C’est alors que…
Il sentait son corps… vivre ! On aurait dit que pendant des siècles et des siècles, il errait sans fin dans une demi vie, un demi rêve, sans autre but que de marcher devant soi. Mais enfin, il avait l’impression que tout cela était fini, que les portes de la vérité s’étaient ouvertes uniquement pour lui, laissant les autres dans l’ignorance, il avait l’impression que sa vraie vie commençait enfin. Que son corps, à présent réveillé, allait donner le meilleur de lui-même.
Lowell ouvrit les yeux. Il regardait à droite, à gauche… Tout semblait pareil, et pourtant tout était si différent. Les odeurs, les détails de l’extérieur, tout était montré complètement à jour, enfin. Des choses qu’il n’aurait jamais senties auparavant étaient là, et il les voyait, les ressentait.
- C’est… incroyable ! murmura-t-il plus pour lui-même que pour l’autre homme.
- N’est-ce pas ? dit à son tour Layos en souriant.
Puis Lowell poussa un cri de surprise.
- Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-il en montrant ses mains. Elles sont…
- Entourées d’un halo bleu, comme le reste de ton corps, finit Layos. Lorsque tu activeras tes pouvoirs, il en sera toujours ainsi.
- Quoi ? Mais pourquoi ?
Layos se sentit apparemment exaspéré de devoir tout expliquer à un humain, mais il fit un effort de patience et dit, d’un ton condescendant :
- Afin que tu n’utilises pas tes facultés devant tout le monde, tu comprends ? Donner des pouvoirs à un être humain, ce n’est pas quelque chose dont peut se vanter tout le monde.
- Mais… Je suis capable de faire quoi, maintenant ?
- Théoriquement, tu dois savoir utiliser dès maintenant tout ton potentiel, alors habitue-toi dès maintenant au fait que, pendant un combat, tu te sentiras obligé de faire des actions dont tu ne te savais pas auparavant capable. Mais je vais te les récapituler. Ton aura te permet d’accéder à une bien meilleure force, endurance, précision, rapidité des mouvements, vitesse de réaction, approfondissement des cinq sens, etc… Il ne manque plus que le costume pour que tu ressembles à un vrai super héros.
- Vraiment ? demanda Lowell en contemplant ses mains –et l’aura bleue autour– d’un air dubitatif.
- Tu t’y feras. C’est un don merveilleux que tu as là, et la mission que l’on m’a fixé est de ne pas te voir le gaspiller.
- Comment ça ? demanda Lowell en redressant brusquement la tête, visiblement méfiant.
- Je suis ici afin d’être sûr que tu réussiras l’Epreuve que les Dieux t’ont imposée.
- Haaaaa ! Donc, je ne suis pas libre de faire ce que je veux.
- Il est évident que ces pouvoirs ne te sont pas livrés gratuitement. Voit cela comme… Les outils qui te permettront de travailler pour les Dieux.
Lowell contemplait encore ses mains. Il réfléchissait à ce qu’il devait dire, mais il avait du mal à dégager ses yeux de cette aura bleue. C’était beau !
- Mais je fais comment pour que ma sœur et moi on vive ? Si je travaille, comment je vais faire pour la nourriture ?
- A qui crois-tu avoir affaire ? demanda Layos avec irritation. Ce sont les Dieux qui m’envoient. Tu entends ? Les Dieux. Les Dieux. L’argent ne sera pas un obstacle à la mission, d’ailleurs, tu n’as aucune excuse. Sauf, peut-être, celle de la lâcheté. Le travail demandera un peu de nerfs solides, parce que tu peux risquer ta vie.
- Donc je suis sensé faire quoi ? Sauver le monde.
- Par extension seulement, indirectement, répondit Layos en fronçant les sourcils. Ton objectif est de sauver cette ville. Tu dois lutter contre le crime et sauver les innocents. Un travail de héros, en quelque sorte. Tu as été désigné champion des Dieux !
Lowell réfléchit. Ce n’était pas plus mal. Non seulement avoir des pouvoirs exceptionnels, mais aussi passer dans les journaux. Il s’imaginait déjà, lisant le journal le matin, un bol de chocolat chaud à portée de main (oui parce que si les Dieux donnent tout l’argent qu’il veut, il pourra enfin avoir du vrai chocolat chaud !), puis montrant à sa sœur la photo qu’il y avait de lui en première page. Un gros titre afficherait “ Un héros sauve la ville ”, et Fénérile se jetterait alors dans ses bras en criant “ Tu es mon héros frérot. Je suis fière de toi ! ”.
- C’est bien payé au moins ? demanda Lowell en levant la tête vers Layos.
- Juste assez pour bien manger tous les jours et posséder un très bon confort.
Lowell fut un peu déçu de la réponse, mais il se ressaisit. Jusque là, il avait vécu avec pas grand chose. Il n’avait pas besoin d’avoir tout ce qu’il voulait !
- Il n’y a pas à trop travailler, au moins ? Je veux dire… Je n’aurais pas six heures de temps libre, que je passerais à dormir, au moins ?
- Tu devras partir lorsque l’on aura besoin de toi. Les méfaits ne s’accommodent pas à l’emploi du temps du héros, c’est plutôt l’inverse ! Tu imagines les chefs des gangs dire “ ha non, aujourd’hui c’est jour de repos pour Lowell, on ne braque pas de banques aujourd’hui ! ”.
- Hé ! J’ignorais que les Dieux possédaient un sens de l’humour aussi “ affûté ”, se permit Lowell en souriant du coin des lèvres.
- Je t’ai déjà dit, il me semble, que je ne suis pas un Dieu, mais ton guide pendant l’Epreuve.
Lowell fronça les sourcils.
- C’est la deuxième fois que tu parles de cette Epreuve. C’est quoi ?
Layos soupira.
- Il est évident que l’on ne confie pas d’aussi grands pouvoirs à de simples mortels, qui plus est à des humains. L’Epreuve est un test, en quelque sorte. Ton objectif est de neutraliser un individu possédant des pouvoirs similaires aux tiens.
- Je pensais être le seul à posséder de pareils facultés !
- C’est le cas. Mais les Dieux ont choisi de donner ces même pouvoirs à un humain mauvais, afin de voir quelles seront tes réactions et comment tu utiliseras tes pouvoirs.
- Alors… Je devrai être plus fort que lui ?
- Exactement, répondit Layos en proie à l’exaspération. Tu devras trouver un moyen de devenir plus fort que ton ennemi. Mais ce ne seront pas uniquement tes capacités physiques qui seront mises à l’épreuve, mais aussi ta mentalité, tes réactions, afin de voir si tu es digne ou pas de recevoir de tels pouvoirs, afin de sauver la ville du chaos et de l’anarchie. Es-tu prêt à assumer ce rôle ?
Lowell respira un grand coup. Il connaissait déjà la réponse.
- Oui, c’est d’accord.
Puis il regarda Layos droit dans les yeux.
- Et je commence quand ?
- Maintenant !
Et soudain, le temps sortit de sa torpeur. Tous les gens présents, comme si de rien n’était, comme s’ils n’avaient pas remarqué qu’ils avaient été figés pendant très, très longtemps, vaquaient à leurs activités. Fénérile courait en riant et Laurent la poursuivait derrière, doucement. Le changement était brutal. Lowell s’aperçut que son aura avait disparu et, regardant autour de lui, il eut du mal à reprendre totalement ses esprits.
Il n’était pas très sûr de ce qu’il devait faire. Devait-il rester planté là où il était ?
Indécis, il réfléchit à ce qu’il venait de se passer. Tout cela avait-il été bien réel, ou était-il victime de son imagination (follement débordante, il fallait le reconnaître !) ? Il resta là, quelques secondes, ne sachant que faire.
Il secoua la tête et mit de l’ordre dans ses idées. D’abord, il n’était pas certain que ce qu’il venait de voir était vrai. Pouvait-il avoir des preuves ? Non. Pas de Layos en vue, pas d’aura sur lui… Devait-il la faire apparaître pour s’en convaincre ? Si elle apparaissait, il ne saurait l’expliquer aux autres. On lui avait dit que l’aura était là pour dissuader de l’utiliser en public. Donc, il ne devait pas la montrer aux autres. Mais alors, comment Lowell pouvait-il être sûr que cette histoire était réelle, qu’elle n’était pas sortie de son imagination ?
Soudain, il sursauta et ne put s’empêcher de pousser un cri de surprise.
- Vous ! s’exclama-t-il en regardant celui qui était soudainement apparu devant lui.
En effet, Layos était là, assis en face de lui. Et il semblait assez exaspéré.
- Hé bien alors, qu’est-ce que tu fais ? Ne restes pas planté là, va faire un tour en ville, pour voir si quelqu’un a besoin de toi !
- Mais… Comment ça ?
- Arrêtes de jouer avec eux et parcours la Ville ! Tu ne possèdes l’aura que pour une chose : aider les gens. Et pour cela, il va falloir que tu cesses de jouer avec tes amis et que tu arpente la Ville.
- Et ma sœur dans tout ça ? demanda Lowell d’un ton suspicieux.
- Ne t’inquiètes pas pour ta sœur, elle est entre de bonnes mains ici, non ?
Lowell n’était pas si sûr. Ceux avec qui il jouait n’étaient pas de vrais amis. Tout au juste des copains, voire simplement des compagnons de jeu. L’amitié n’existait pas dans ce monde où l’on n’hésitait pas à trahir les siens en échange de sa propre vie. Lowell n’avait donc qu’une confiance très limitée en eux.
Je ne peux pas l’emmener avec moi ? demanda-t-il.
Layos réprima son énervement. Il se contenta de soupirer très profondément afin de se détacher de ce genre de sentiments hostiles. Mais ses yeux lançaient toujours des éclairs.
- Tu plaisantes ? Elle sera davantage en danger avec toi qu’avec eux !
- D’accord, d’accord, soupira Lowell, mal à l’aise à l’idée de laisser sa sœur entre des mains aussi peu sûres. Bon, alors qu’est-ce que je dois faire ?
- Mais je te l’ai déjà dit ! s’exclama Layos. Laisse tes camarades ici et patrouille dans les rues. Une sensibilité particulière te permettra d’aller là où des gens auront besoin de toi. Allez, dépêches-toi !
Hésitant quelque peu, Lowell finit tout de même par céder. Il se leva lentement, regardant autour de lui les vieilles carcasses de voitures cassées, avant de se diriger vers la sortie de la décharge. Il entendit un vague “ tu vas où ? ”, ce à quoi il se retourna pour répondre :
- Veillez sur ma sœur ! Je vous en tiens pour responsable !
C’était vraiment très bizarre. Jamais, au cours de sa vie, il n’avait laissé sa sœur plus de quelques minutes. Or, là, il partait pour plusieurs heures, peut-être plus. Il sentait l’inquiétude l’envahir mais il tenta de ne pas y faire trop attention. Cependant, il ne put s’empêcher de se tourner vers Layos.
- J’espère qu’il ne lui arrivera rien. Si jamais il lui arrive quoi que ce soit…
- Tu vas me tuer ? demanda Layos en éclatant de rire. Tu ne peux pas.
- Je mettrais cette Ville encore plus à feu et à sang que toutes les racailles de ce monde.
Layos cessa soudain de rire. Surtout parce qu’il se rendait compte que son interlocuteur était sérieux.
Lowell secoua la tête afin de faire partir ces pensées. Il devait à présent faire confiance à… aux Dieux…
Mouais, de ce point de vue là non plus, ce n’était pas très rassurant. “ Les Dieux ” n’avaient jamais rien fait pour améliorer le sort des humains, sinon, tout le monde l’aurait su, non ? Pourquoi est-ce que, d’un seul coup, ils avaient décidé de sauver cette Ville ? Et pourquoi précisément cette Ville-ci ? Et pourquoi lui exactement, alors que l’agglomération comptait plusieurs millions d’habitants ?
Mais bon. De toute façon, avait-il le choix ? Resterait-il toute sa vie là, à aller tous les jours jouer avec des copains, à voler, jusqu’à ce qu’il soit trop vieux pour pouvoir courir ? Sa sœur ne pourrait-elle jamais connaître le confort ? Tant pis, il valait mieux prendre un risque. “ La chance sourit aux audacieux ”.