La reconquête du nord
La paix aura été de courte durée. Charles VI, galvanisé par sa victoire contre l'Empereur, en veut plus et relance une offensive. Cette fois, il s'en prend à la Bourgogne.
Les Bourguignons sont alliés au Danemark et à la Bretagne. Le Danemark n'est pas une menace en soi, ils ne sont pas puissants et son trop éloignés géographiquement. De son côté, la Bretagne traverse au même moment des troubles intérieurs. Son duc à la légitimité contestée suscite des révoltes qui ont anéanti son armée. Il est à la merci des rebelles.
Lorsque la France envoie sa déclaration de guerre, le 4 mai 1402, répondent présents malgré tout la Bretagne et le Saint Empire. Un nouvel Empereur a été couronné, toujours souverain de la Bohême, et il est en quête de légitimité. Il espère faire mieux que son père avant lui et asseoir davantage son autorité face à l'Autriche grandissante. Le duc de Bretagne, quant à lui, espère sans doute que les armées françaises pulvérisent les rebelles. Il semble haïr davantage le nouveau prétendant que les Français. Son souhait sera exaucé. Charles ne s'attendait en revanche pas à l'entrée en guerre de la Suisse, alors alliée à la Bohême. Les piquiers suisses sont reconnus comme des troupes vaillantes et puissantes, c'est là complètement inattendu.
Alors le temps presse. Charles pense qu'il faut attaquer rapidement la Bourgogne avant que les armées des autres nations n'arrivent. Rapidement, il tente d'investir les places fortes par un assaut massif. Mais la contre-attaque bourguignonne ne se fait pas attendre.
Les deux armées bourguignonnes de 12 000 hommes convergent pour défaire une à une les armées françaises qui font le siège de la Bourgogne et de Nivernais.
En Bourgogne, Philippe des Coulons apprend que toutes les forces ennemies convergent vers lui et décide de faire retraite vers le Charolais. Mais les Bourguignons n'en démordent pas et le poursuivent. Pour l'épauler, la deuxième armée française de 10 000 hommes, postée non loin, décide de faire jonction pour une grande bataille.
La bataille de Charolais, les 3 et 4 août 1402, est une écrasante défaite pour la France. 1 000 Français perdent la vie contre 5 000 Bourguignons, mais cela ne suffit pas, et leur moral faible les a mis en déroute vers le Bourbonnais. La Bourgogne les poursuit et anéantis la moitié de l'armée définitivement. L'autre moitié a réussi à se réfugier à temps dans le Berry, mais elle est complètement démoralisée et inutile pour quelques temps. La France ne doit plus compter que sur ses vassaux pendant un long moment.
Mais les vassaux, peu présent en Bourgogne, ont toutefois envahi complètement la Bretagne et font le siège de toutes ses provinces.
Charles décide malgré tout de recruter en masse parmi ses campagnes pour reconstituer la moitié de son armée. Pendant ce temps, Philippe des Coulons souhaite pas attendre davantage et intercepte 6 000 Suisses en territoire bourguignon.
Malgré un moral moyennement élevé, les troupes françaises défont les Suisses le 10 décembre 1402 et les poursuivent à Nemours où ils écrasent les survivants le 25 décembre 1402.
Peu à peu la Bourgogne perd du terrain. Son armée de 18 000 hommes n'est pas défaite, mais la majorité de ses provinces est assiégée, et le 20 février 1403 plusieurs nations frontalières lui déclarent une guerre opportuniste.
En guerre contre la Bourgogne, la France et ses vassaux, la Lorraine, Hainaut, Aix-la-Chapelle et les Pays-Bas.
De son côté, la Bohême est en proie aux difficultés avec un nouvel ennemi : la Hongrie, aidée de la Transylvanie.
Les multiples ennemis de la Bourgogne l'oblige à payer des sommes importantes pour être seul contre la France, ce qui l'appauvrit et l'empêche de recruter de nouvelles troupes.
Au cours des mois qui suivent, la France accentue la pression. En août 1403, la Bretagne est défaite rapidement, et contrainte de payer une faible somme d'argent mais de céder sa souveraineté à la couronne de France. Dorénavant, la Bretagne sera un vassal, rapidement alliée, puis obligée de lutter contre son ancien ami bourguignon. Bien qu'encore faible, le déséquilibre grandit. Les provinces de Bourgogne cèdent peu à peu du terrain.
Le 24 octobre, la guerre entre la Bohême et la Hongrie penche en faveur de la première, mais sans grande compensation. Cela lui permettra tout de même d'envoyer de nouvelles armées expérimentées en France.
Quelques escarmouches bourguignonnes détruisent de petits contingents français d'un millier d'hommes, mais cela n'influence pas le cours de la guerre jusqu'à la manœuvre brusque du général bourguignon. Celui-ci se dirige alors vers l'armée de 20 000 hommes de Philippe des Coulons, qui pris au dépourvu perd la deuxième bataille de Charolais le 6 décembre 1403. Les pertes sont faibles des deux côtés (1 000 morts) mais les Français fuient en nombre vers l'Auvergne, où ils sont rattrapés puis anéantis. Cette fois, la France n'a vraiment plus aucune armée, mais heureusement elle peut compter sur ses vassaux.
Et celle-ci continue pendant de nombreuses années sans victoire décisive des deux côtés. Milan rejoint la bataille du côté bourguignons et envoient quelques contingents. En avril 1405, 20 000 bohémiens arrivent par la Franche-Comté, persuadés d'y arriver facilement. 12 000 de ces soldats tomberont alors le 20 août 1405 dans une embuscade, menée par Philippe des Coulons, toujours lui, et sa nouvelle armée royale de 12 000 hommes également. L'armée ennemie subira de lourdes pertes avant d'être rattrapée et anéantie.
Philippe décide de pousser plus loin l'offensive et de monter au nord, du côté des Flandres, où il pense ne pas rencontrer de résistance. Mais il tombe à son tour dans une embuscade et, le 28 novembre 1405, il perd une grande partie de ses hommes contre une armée coalisée comprenant la Bourgogne, la Bohême et Milan. L'armée royale est ensuite rattrapée et anéantie, il ne reste à nouveau plus rien des forces françaises à part celles des vassaux.
C'est cette fois un réel coup dur pour Charles VI. Des forces très importantes ont investi son territoire, et il n'est plus tout à fait sûr de gagner cette guerre. Il lui faudra à nouveau recruter en masse. Seul point positif à ce moment, c'est que ses finances se maintiennent, malgré sa décision de ne pas prélever de taxe exceptionnelle auprès de la population, afin de ne pas se rendre impopulaire auprès d'elle, ce qui la ferait se révolter.
Le 1er février 1406, une autre mauvaise nouvelle tombe : l'Aragon entre en guerre contre la France. Cette fois, la nation est entourée d'ennemis.
Heureusement, afin de ne pas perdre d'hommes, Aragon fixe toute son armée de 14 000 hommes dans le siège du Béarn, vassal de France. Cela lui prendra un an ou deux avant de parvenir à occuper le territoire, ce qui laisse du temps à Charles VI pour faire le point sur la situation et se réorganiser.
Territoires français occupés en avril 1406. Les vassaux ont beaucoup souffert de la guerre, et la Bretagne, le plus puissant d'entre eux, est sujet à une révolte de paysans. La situation semble désespérée, mais Charles VI ne désespère pas d'un miracle.
C'est au stade le plus critique que quelques évènements viendront aider Charles VI. Tout d'abord, de multiples nationalistes français se révoltent dans les territoires occupés par les ennemis. Ceux-ci seront en majorité écrasés, mais cela fera gagner du temps. Ensuite, les taxes imposées par le royaume de Bourgogne au nom de la guerre ont fini par profondément outrer les paysans, qui se sont rebellés dans le nord. Occupée, l'armée bourguignonne ne s'est pas tout de suite occupé de ces jacqueries, jusqu'à ce qu'il soit trop tard et que les territoires soient occupés.
Profitant de ce gain de temps inespéré, le roi décide de recruter coûte que coûte dans les territoires où les ennemis ne sévissent pas encore. Que ce soit en Normandie ou à Caux dans le nord, ou du Périgord jusqu'au Languedoc dans le sud, en veillant à éviter toute bataille, il réunit patiemment les contingents entre eux jusqu'à former une nouvelle armée. Philippe des Coulons meure de maladie pendant ce laps de temps.
En juin 1409, la nouvelle armée de 16 000 hommes est opérationnelle et Charles décide d'agir. Il place à sa tête un nouveau général talentueux issu de son entourage, François de la Mothe. François part alors vers Orléans assiégé et annihile une armée de 6 000 bourguignons. Dans le même temps, Charles VI, toujours à Paris, lance en août 1409 une grande réforme qu'il appellera "Corps du génie". Elle permettra de rassembler les plus grands esprits de la nation en matière de technologie militaire et d'utiliser au mieux leurs compétences. De fait, les historiens sont d'accord pour dire que la réforme a permis une meilleure défense des provinces, et dans le même temps à ses généraux de mieux s'y prendre pour assiéger les places fortes.
L'armée menée par le général François de la Mothe monte vers le nord rejoindre encore 2 000 hommes supplémentaires qui grossiront son armée. Puis pour chercher la bataille contre l'armée principale de Bourgogne, composée de 13 000 hommes, et descendant vers Cambray.
Quelle n'est pas la surprise de François lorsqu'il se rend compte que les Anglais ont également déclaré la guerre aux Bourguignons ! 13 000 soldats anglais ont débarqué à Calais avant de faire le siège de l'Artois. Leur voyage sera rapide : la guerre durera quelques mois et la Bourgogne cédera alors les provinces de Picardie et d'Artois.
Mais qu'importe, François compte bien poursuivre le corps bourguignon et supprimer définitivement la menace.
La bataille de Picardie le 11 décembre 1409 voit l'anéantissement de l'armée principale de Bourgogne. Il ne reste plus que quelques armées éparses entre 1 000 et 6 000 hommes. Le général François parcourra des centaines de kilomètres pour les traquer tous et les défaire un à un, avec succès.
Mais une nouvelle menace lui fait perdre du temps, puisque la guerre trop longue a généré de nombreux troubles dans les provinces, jusqu'à ce que de nombreux rebelles se dressent. Ils ont des revendications multiples, qu'elles soient nationalistes, ou simplement paysannes. Chaque fois, les révoltes seront réprimées dans le sang.
En octobre 1410, François finit par mourir au cours d'un énième affrontement contre des rebelles, et il sera aussitôt remplacé par Firmin de La Galissonière.
Firmin aura l'occasion de montrer ses talents, les armées ennemies ont certes été anéanties, et une majorité de territoires repris, mais il reste encore beaucoup à faire. Néanmoins les ennemis sentent le vent tourner et essaient de se défaire le plus rapidement possible du conflit. Charles VI accepte de nombreuses paix blanches avec des pays comme la Suisse, qui était une vraie épine dans le pied, pour ne se focaliser que sur la Bourgogne et Aragon.
En mai 1411, Charles VI tombe gravement malade, et les Bourguignons tentent un ultime soubresaut à l'aide d'une armée de 10 000 hommes. Firmin engage la bataille dans le Bourbonnais avec ses 19 000 soldats et les écrase le 22 mai 1411. Le 23 juin, Charles VI meurt sans descendance. Dans la dynastie capétienne, la branche des Valois s'éteint définitivement et les pairs du royaume choisissent alors Louis XI de Neufville.
Alors que la situation de la France s'améliore sur le plan militaire, les nobles relâchent leur attention et se battent pour obtenir du pouvoir. Louis XI a réussi à se faire élire Roi sur la base de ses compétences et son expérience militaires, mais sa légitimité est malgré tout fortement contestée.
Qu'importe, Louis souhaite montrer ce qu'il sait faire de mieux. Il commande à Firmin de descendre vers le sud s'occuper de la menace aragonaise. C'est dans le Roussillon que, le 3 octobre 1411, les 18 000 français écrasent les 10 000 soldats d'Aragon.
Le 6 novembre naît Nicolas Henri, fils de Louis XI et héritier de la couronne de France. C'est une bonne nouvelle, mais il faudra attendre 15 ans avant de devenir majeur, et les régences sont souvent sources de trouble.
Aragon escomptait que les luttes de pouvoir en France l'affaiblissent, mais il n'en fut rien et, le 17 juillet 1412, la paix est signée. Le Roussillon deviendra province française et Navarre sera libérée de sa vassalité (ce qui ne durera pas). Dans le même temps, le Pape devient Français, ce qui n'est pas d'une grande aide pour Louis.
La France libère ses provinces de l'occupation ennemie à la tête d'une très grande armée (20 000 hommes), mais cela lui coûte très cher. Pour gagner beaucoup d'or, Louis lance à la fin de l'année 1412 une politique de dévaluation de la monnaie. Son inflation augmente et ses investissements technologiques chutent, mais qu'importe, le trésor se reconstitue et la menace d'une dette s'éloigne pendant quelques temps. Cette politique ne durera pas assez longtemps pour que l'inflation soit handicapante, mais suffisamment pour maintenir ses troupes à flot.
Au début de l'année 1415, Louis profite d'un léger répit dans les combats pour réformer son armée. Les récents progrès militaires l'encouragent à réorganiser ses troupes et leur équipement, et ainsi peu à peu les hommes d'armes sont mis en place, mieux équipés que la précédente infanterie. Cette amélioration confèrera un avantage non négligeable sur le champs de bataille et dans les sièges.
Louis aura l'occasion de les utiliser en juillet 1415, lors de la bataille de Vermandois qui verra la toute dernière armée bourguignonne, forte de 13 000 hommes, affronter les 18 000 Français menés par Firmin. C'est la débandade pour eux, et pratiquement la fin de toute résistance de la Bourgogne. Les troupes françaises et ses alliés n'auront plus qu'à prendre les territoires un à un.
La Bohême, de son côté, ne peut plus rien faire. Elle a été rejetée du territoire de France, et depuis deux ans elle n'envoie plus de troupes, aux prises avec... L'Autriche.
La guerre Bohême-Autriche est le moment d'un basculement dans le Saint Empire. La Bohême n'aura aucune chance contre l'énorme puissance autrichienne et mettre plusieurs décennies à se relever.
La paix entre la Bohême et l'Autriche, en faveur des Autrichiens, ne sera signée que le 27 septembre 1416, ce qui laissera largement le temps aux Français de prendre la grande majorité des places fortes de Bourgogne. De fait, une armée bohémienne de 12 000 hommes est envoyée précipitamment dans une ultime défense, mais l'expédition tourne au massacre : dans la province barroise, des rebelles craignant pour leur souveraineté leur tombent dessus le 24 janvier 1417. Les troupes impériales se réfugient au Luxembourg.
Cette division entre les rebelles bourguignons et la Bohême signe la fin de la guerre. Anéantie, la Bourgogne cède à toutes les exigences de Louis XI dans le traité de Paris du 5 février 1417 : toutes les provinces du nord, dans les Flandres, sont restituées à la couronne de France. Ce n'est pas une mince concession, puisque ces territoires sont très riches, d'autant plus qu'un centre de commerce siège à Anvers. Souvenez-vous les enfants, que celui qui détient un centre de commerce contrôle l'accès aux marchands et peut mieux placer les siens.
D'autre part, Louis parvient à arracher comme accord avec la Bohême de pouvoir vassaliser le duché de Trêves, électeur du Saint Empire. La concession est lourde car ainsi, la France pourra se mêler un peu de la politique impériale.
C'est ainsi que s'achève la première guerre franco-bourguignonne, après 15 ans d'âpres combats, de retournements de situation en retournements de situation. Les différents intervenants en sortent exsangues, les pays sont ruinés, les révoltes pleuvent, et il n'y a presque plus personne à engager dans les armées.