Paris (France), 9 Juillet 1976
John était pensif. Il se trouvait au troisième étage de la Tour Eiffel. Il voyait combien la ville se transformait, lui qui avait assisté à la construction de la Tour pour l’exposition universelle de 1900. Au loin, il apercevait un quartier en pleine expansion, la Défense, illuminé par de grands projecteurs. La fête nationale approchait. Mais il n’était pas ici pour admirer la vue… Il se résigna à descendre car la Tour allait fermer puis se dirigea vers le Trocadéro, le traversa, marcha pendant une dizaine de minutes et se retrouva à l’endroit qu’il cherchait, un vieil immeuble délabré. Il y entra. L’intérieur était complètement moisi, seul un escalier semblait être propre. Le vampire sourit. Ca allait faire un sacré choc à son vieux pote Ilpo ! Il entra dans le seul appartement en parfait état. Un homme, ou quelque chose qui y ressemblait, dormait sur le canapé. John s’assit sur une chaise, attendant le réveil du dormeur.
Sentant une présence, celui-ci se réveilla.
« Salut, comment vas-tu ? »
L’homme sursauta comme s’il voyait un fantôme.
« John ? »
« C’est bien moi. »
« T’es gonflé de venir me réveiller après quinze ans d’absence ! »
Les deux vampires se regardèrent puis éclatèrent de rire.
« -Ca fait plaisir de te voir. »
« A moi aussi. Je suis venu te demander quelque chose. »
« Je m’en doutais. Vas-y, demandes toujours. »
« Tu sais où se trouve Kellios ? »
« Qu’est-ce qui te fait croire que je le sais ? » fit Ilpo, soudain soucieux.
John remarqua l’inquiétude qui gagnait son ami.
« Disons que tu as des contacts bien placés. »
« Il est sur la Cote d’Azur. Il a ouvert un hôtel à Nice, le Dojo, où sous prétexte d’organiser des soirées ésotériques, il forme une armée de Grantyas, des démons fanatiques qui le serviront jusqu’à la mort. Il a déjà rallié à sa cause trois clans de démons mineurs. Fais attention à toi. »
« Ne t’en fais pas pour moi. Merci pour tout et adieu. »
John quitta l’immeuble et se dirigea vers la gare puis acheta un billet de train pour Nice. L’heure de la revanche avait sonné.
Hôtel Dojo et Grottes, Nice (France), Soirée du 12 Juillet 1976
John s’approcha de la porte de l’hôtel. Il avait bien observé les lieux et connaissait le chemin qui menait aux grottes sous l’hôtel où se trouvait un Nexus Démoniaque. Ce n’était pas pour rien que Kellios s’était installé ici : il disposait d’une réserve d’énergie maléfique quasi-illimitée. John s’était entraîné pendant trois jours et s’était infiltré dans l’hôtel les trois nuits pour faire une reconnaissance des lieux. Il savait également que les serveurs et réceptionnistes étaient des vampires, mais plus faibles que lui. Il s’approcha du grand comptoir de réception.
« Bonsoir, je voudrais voir Kellios. »
« Pardon ? »
Le réceptionniste était inquiet : ici, on connaissait son patron sous le nom de Monsieur Jones. Seul les serviteurs de Kellios, comme lui, connaissaient son nom et sa nature… Mais ses ennemis le connaissait sûrement aussi.
« Je pense que tu as bien compris » fit John en prenant sa forme vampirique.
« Alerte, un vam… »
L’ancien allié des Juges bondit par-dessus le comptoir et envoya à terre le jeune démon. Il sortit Ouranos et l’embrocha. D’autres vampires arrivaient, sous l’œil affolé des quelques clients présents dans le hall. Le Fléau de Londres augmenta sa perception en ralentissant le temps, utilisant le pouvoir que Mekzal lui avait ‘’donné’’. Ses adversaires ne faisaient pas le poids : ils n’arrivèrent même pas à le toucher une seule fois. Une fois la salle nettoyée, c’est à dire les vampires réduits en poussière grâce à son épée, John entendit un bruit bien désagréable : les sirènes de police. Il resta pour empêcher la police de trouver Kellios. C’était sa tâche et personne ne le ferait à sa place… Les premiers policiers entrèrent dans la salle. On les avait avertis qu’un massacre venait d’avoir lieu. Quelle ne fut pas leur surprise quand ils virent la salle sans corps mais avec un type armé d’une épée…
« Encore un serial-killer qui fait cramer ses victimes ? »
« J’en sais rien mais faites gaffe, il a l’air dangereux. »
Le vampire compta rapidement les représentants de l’ordre. Ils étaient une dizaine, tous armés. Il se dirigea d’un pas sûr et rapide vers eux et ralentit le temps au moment où ils s’apprêtaient à tirer puis plana au-dessus d’eux et retomba dans leurs dos. Il les désarma à coups de pieds et brisa leurs armes avec son épée. Les policiers, abasourdis (l’action n’avait duré qu’une trentaine de secondes), restèrent à l’endroit où ils étaient, ce qui permit au vampire de passer au sous-sol en refermant derrière lui la lourde porte en bois et en la bloquant à l’aide de planche. Désormais, il était seul contre tous.
John avançait d’un pas sûr vers la salle de combat et de méditation de Kellios. Il avait tué quelques gardes au passage, mais aucun ne lui avait résisté bien longtemps. Il déboucha dans une vaste salle où un étrange sceau dans le sol brillait d’une lueur rougeâtre.
« Le Nexus » murmura le vampire.
Mais il y avait autre chose dans cette pièce, il le sentait. Quelque chose de vivant… Il entendit un bruissement de cape et se retourna. Rien. Cette chose voulait jouer avec ses nerfs ? Très bien. Il resta immobile, attendant le moment propice. L’être se glissa derrière lui. C’est à ce moment qu’il se retourna et dégaina son arme. L’autre aussi avait une épée à la main.
« Toi ! »
Le démon qui lui faisait face n’était autre que Rychart, celui qu’il pensait avoir vaincu lors de sa dernière mission pour les Juges.
« Surpris ? Ca ne m’étonne pas. Si la racaille dans ton genre n’était pas aussi sûre d’elle, vous nous vaincriez plus souvent. La dernière fois, tu as eu de la chance. Ce coup-ci, personne ne viendra à ton secours. En garde ! »
John et Rychart se mirent en position puis commencèrent le combat. Ce coup-ci, il dura bien plus longtemps que la fois précédente. Ils attaquaient et paraient automatiquement, comme s’ils devinaient chacun les pensées de l’autre. Aucun ne prenait l’avantage jusqu’à ce que le démon fasse un saut en arrière et lança une attaque élémentaire du feu. Le vampire, surpris, la prit de plein fouet. Il commença à se régénérer pendant que le démon s’approchait pour lui donner le coup de grâce. Au moment où celui-ci était tout proche, John fit un mouvement circulaire vers le visage de Rychart. Ce dernier poussa un hurlement et plaqua ses mains sur son visage pour arrêter le sang. Quand il retira ses mains, le vampire vit une cicatrice qui lui barrait tout le visage.
« Que m’as-tu fait ? Tu vas me le payer ! » fit le démon, plein de rage.
Le Fléau de Londres profita de la déstabilisation de son adversaire pour le pousser sur du sceau, qui c’était mis à briller pour recharger le démon. Au moment où celui-ci entra dans la colonne de lumière, il poussa un hurlement sauvage : le sceau absorbait son énergie. Le vampire lui asséna alors le coup fatal. Il reprit ses esprits et ses forces alors que la colonne de lumière s’éteignait, et regardant le corps à ses côtés. Une fois prêt, il descendit le dernier escalier qui le mènerait à son ennemi mais néanmoins créateur.
Salle de Combat (Grottes), Nice (France), quelques minutes plus tard…
John déboucha dans une vaste salle circulaire, composée d’une plate-forme entourée d’un lac de métal en fusion. Une silhouette humaine se dressait au centre de la salle, debout. La silhouette se retourna à son entrée.
« Je t’attendais. Tu t’es bien amélioré en un siècle et demi. Mais tu es encore trop faible pour me vaincre ! »
Kellios se retourna et lança un couteau vers le vampire. Celui-ci l’esquiva sans problème.
« Il faudra faire mieux pour m’impressionner. »
« Très bien. Je pense que tu es venu pour venger la mort de ta fiancée ? Je pensais que tu aurais oublié depuis tout ce temps. Prépares-toi ! »
Kellios se mit en position de combat. Le Fléau de Londres fit de même. Soudainement les deux vampires se précipitèrent l’un sur l’autre. Le choc fut violent mais aucun n’en tint compte. Ils se frappèrent pendant un moment : John était plus souple et plus rapide et concentré grâce à son pouvoir mais l’autre avait plus l’expérience du combat et une meilleure technique. D’ailleurs, ce dernier prenait l’avantage. Le jeune vampire, fatigué, décolla et atterrit une dizaine de mètres plus loin, tentant de se reposer. Kellios en profita alors pour le frapper sans relâche afin de la vaincre.
« Alors pauvre loque ? Déjà fatigué ? »
Il continua à le frapper, sentant que son adversaire lâchait prise.
« Pour Elisia… » murmura son fiancé.
Il se releva sous la pluie de coup et déclencha son pouvoir, puisant dans ses dernières forces. Le cours du combat s’inversa alors soudainement grâce à la rage du ‘gentil’ vampire. Il devait accomplir sa promesse… Mais Kellios lui aussi avait de l’énergie à revendre. Le créateur et sa création ne sentaient plus les coups, frappant et se faisant frapper, cherchant une faille. Le vampire expérimenté sortit alors un couteau, John son épée. Le combat au corps à corps devient un combat à l’arme blanche. Heureusement pour lui, l’allié du Bien était bien meilleur dans cette discipline. Au bout d’une dizaine de minutes, Kellios tenta une attaque désespérée en se jetant en avant. L’autre l’évita en lui envoyant un coup de pied circulaire pour l’amener près du bord de la plate-forme et, d’un coup d’épée, l’envoya dans le métal chauffé à plus de mille degrés. Sa vengeance était accomplie. Il reprit son visage humain, tomba à genoux et se tourna vers le ciel, qu’on pouvait apercevoir à quelques dizaines de mètres au-dessus.
« Ma mission est accomplie, je n’ai plus rien à faire dans ce monde. Rendez-moi ma mortalité ! »
John ressentit soudain une intense douleur à la poitrine tandis que ses pouvoirs le quittait. Son immortalité l’abandonnait, il se mit à vieillir en accéléré pour retrouver l’état qu’il aurait dût avoir : un cadavre en décomposition. L’épée disparut. Désormais, personne ne saurait que ce cadavre était celui d’un des plus redouté vampires.
Son âme trouva le chemin du monde des Morts, et c’est à cet endroit qu’il retrouva Elisia, pour l’éternité.