Jack tournait en rond dans sa cellule. Il avait mis dix ans pour réussir à se persuader qu’il était innocent. Et voilà que d’un seul coup, sa culpabilité revenait le hanter, plus forte que jamais. Malgré une semaine de prison, il n’avait pas trouvé de solution.
Le cliquetis de la porte se fit entendre, laissant entrer un homme en costume noir. Sans doute son avocat songea-t-il.
« Bonjour M. Everal. Je m’appelle Peter Drewmare et j’ai été chargé de votre défense. »
Gagné, pensa l’ancien inspecteur. Le visage de l’homme lui était quand même vaguement familier.
« Nous allons étudier les charges qui pèsent contre vous pour vous constituer une défense en béton. Commençons. »
Ils s’assirent autour de la minuscule table de la cellule et commencèrent. Jack, toujours exténué, lui raconta toute l’histoire, depuis son arrivée à l’orphelinat Harvard jusqu’à aujourd’hui.
« Vous comprenez bien que votre histoire est… disons invraisemblable. Avez-vous des preuves de ce que vous avancez ?
- Aucune, sinon que vous connaissez certainement cette histoire mieux que moi.
- Je ne comprends pas ce que vous voulez dire, fit l’avocat feignant la surprise.
- Je ne pense pas que Titan me laisse croupir ici alors que je connais leur existence et que je suis le seul pensionnaire à s’être évadé de leur manoir. J’ai aussi remarqué que vous avez bien évité de me serrer la main en entrant. J’en déduis donc que vous n’êtes pas plus avocat que moi et que l’organisation vous envoie. »
L’avocat fouilla dans sa poche et sortit un petit boîtier qu’il activa.
« Ceci créé une bulle d’insonorisation. Vous avez raison, vous êtes trop dangereux pour Titan, mais en même temps le seul homme capable de nous aider.
- Et pourquoi aiderais-je des gens qui m’auraient laissé crever dans des caves remplies de pièges ?
- Pour vous évader. Nous vous faisons évader demain : le camion qui vous emmènera sera intercepté par un commando de fausses forces spéciales qui vous libèreront et vous mènerons en sûreté. Une fois à l’endroit sécurisé, vous nous direz qui est notre ennemi commun et vous nous aiderez à le trouver… et le neutraliser. Voilà le marché. Acceptez-vous ? »
L’ancien inspecteur réfléchit durant de longues minutes.
« C’est d’accord, fit-il enfin.
-Très bien, merci de votre coopération. A demain. »
L’homme reprit son boîtier et sortit, laissant le médium dans ses réflexions.

Le lendemain après-midi, Jack fut conduit dans un camion sécurisé pour être amené au Palais de Justice de New York. Deux hommes l’attendaient dans la cellule du camion, arme à la main.
Le véhicule prit l’avenue centrale de la nouvelle ville pour arriver devant le Palais. Au bout de quelques kilomètres pourtant, le camion fut arrêté par un barrage de forces spéciales.
« Qu’est-ce qui se passe ? demanda le chauffeur du camion sécurisé.
- Une bombe a explosé, il y a quelques minutes. Nous devons vérifier que les véhicules qui passent ne cachent pas de terroristes. Veuillez ouvrir les portes arrières.
- Nous transportons un prisonnier.
- Ca m’est égal, j’ai des ordres. Ouvrez ces fichues portes ! »
Les deux gardes accompagnant Jack s’exécutèrent de mauvaise grâce. Ils n’eurent pas le temps de sentir les balles paralysantes les neutraliser ainsi que le conducteur, tandis que le faux commando faisait sortir Jack et le conduisait dans une voiture. Un homme était déjà au volant. La voiture démarra, laissant derrière elle les hommes endormis.

La silhouette marchait d’un pas rapide sur les rives de l’Hudson, l’air visiblement furieuse. Elle parlait seule à voix haute, ruminant de noires pensées.
« Ainsi, Jack et Titan se sont alliés… Je m’attendais à mieux de la part de mon ancien camarade ! »

Jack avait senti l’intrusion dans son esprit, mais son adversaire n’avait pu le contrôler. La maison était sûrement protégée par un isolant psychique.
« Vous l’avez senti aussi ? demanda un homme en entrant.
- Vous !
- Et oui… Cela faisait longtemps, n’est-ce pas, Horus ?
- Mon nom est Jack. »
Il se rappelait que chaque partie de Titan était attaché à une mythologie. Les médiums étaient attachés à celle des Egyptiens, aussi ses membres forcés recevaient des noms de dieux de cette civilisation.
« Vous êtes toujours à la même place dans votre groupe de cinglés ? Les promotions, vous connaissez pas ?
- Ne sois pas insolent ! Tu sais très bien pourquoi je suis ici.
- Très bien. Notre ennemi est Hermès. »
La mythologie grecque était utilisée pour les pensionnaires ayant plusieurs dons.
« Quoi ? Franck Chase ? C’est impossible, il est mort…
- Comment ça ?
- Après son évasion ratée, quand tu l’as abandonné--
- Je ne l’ai pas abandonné ! Il est tombé !
- Appelle ça comme tu veux… Après sa chute donc, nous l’avons soigné et obligé à passer les épreuves. Ayant brillamment réussi, il est devenu notre messager. »
Jack savait ce que cela signifiait et compris désormais pourquoi Franck cherchait à se venger. Le ‘‘messager’’ de Titan accomplissait toutes les sales besognes de l’organisation : meurtres, vols, massacres, manipulations, chantages, menaces…
« Dix ans plus tard, il y a sept ans donc, il s’est pris une balle dans la tête et est resté dans le coma pendant six ans. L’année dernière, il est mort. »
- Vous avez une photo du corps ? »
Hypérion sortit la photo d’une enveloppe et la lui montra. Jack regarda attentivement.
« Ce n’est pas Franck.
- Explique-toi.
- Franck Chase avait une cicatrice sur le front qu’il cachait sous une mèche de cheveux. L’homme de la photo est chauve. Voyez-vous une cicatrice quelconque ?
- Qui est le cadavre alors ? »
Jack reprenait confiance. Franck avait été son meilleur ami, il connaissait tout de son enfance.
« Cet homme est probablement Matthew Chase, le jumeau de Franck. Disparu il y a huit ans dans un accident d’avion. Son corps n’a jamais été retrouvé. Vous pouvez vérifier dans les archives de l’HyperNet. »
Hypérion souria.
« On voit que tu as été flic. Nous allons immédiatement repérer Franck grâce à la puce que nous lui avions implantée. »
L’homme s’apprêtait à sortir. Au moment où il atteignait le perron, il se retourna.
« Tes appartements sont à l’étage. Soit prêt demain matin à la première heure. La chasse à l’homme est lancée ! »

Cronos, le chef de l’organisation Titan, roulait à bonne allure vers la maison où Jack était logé.
Il sentit soudainement une présence dans son esprit et fut pris d’un malaise. Il s’écroula sur le volant. Sa voiture effectua un virage et plongea directement dans l’East River. Les dernières paroles qu’il entendit furent « Adieu, vieux salopard. »