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Les Feydars - morphologie - :
D’après les données que nous avons recueillies, les Feydars ont un patrimoine génétique assez uniforme, et quelle que soit la région de leur planète d’où ils sont originaires, ils ne présentent pas de différences physiques notables. Les Feydars ont une peau mate, les traits métisses et les cheveux noirs ou très foncés. Ils ont tous des yeux très clairs, ce qui est étonnant pour un gène récessif, et les représentants masculins sont imberbes. La structure osseuse du squelette en général et de la boîte crânienne est humaine sans conteste mais ne peut être rapprochée avec les différentes catégories répandues partout ailleurs. En moyenne les Feydars ont une musculature régulière et bien développée, certainement le résultat de leur mode vie assez difficile. La proportion d'obèse par exemple est inférieure de 93% à celle de la moyenne galactique. La première explication qui a été trouvée pour expliquer le métissage des Feydars est qu’ils seraient les descendants d’une colonie de pionniers très réduite, et extrêmement ancienne. Le peuple Feydar aurait ensuite évolué en se différenciant légèrement des autres mondes faute d'un brassage génétique suffisant.
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Rapport d’Aykin,
Base de l’Union sur Asyl - 9381 GS
Le plafond était carrelé de dalles lumineuses. La lumière lui paraissait forte mais elle devait pourtant être relativement diffuse. En tournant légèrement la tête il aperçut les bras du grand droïd chirurgien. Il y avait d’autres lits mais il ne pouvait pas voir s’ils étaient ou non occupés. Ses abdominaux étaient douloureux, il s’en rendit violemment compte en essayant de se relever. Résigné, il resta étendu sur le dos. Un chuintement du sas attira son attention puis un visage bien connu se pencha sur lui :
_ Massad, tu te sens mieux ?
_ Je me sens tout court, c’est déjà ça, articula-t-il en grimaçant.
_ Repose-toi. Tu sais si nous n’étions pas ici dans cet engin avec ces médecins artificiels, tu serais sûrement mort. Je n’ai jamais vu personne survivre à de telles blessures.
_ Merci, ça me réconforte énormément ce que tu me dis là… Tu peux approcher de moi le bras du droïd qui se termine par une boule noire ?
Elida disparut de son champ de vision et revint un instant plus tard avec l’embout en question en lui demandant :
_ Celui-ci ?
_ Ouais, diagnoskit, quels ont été mes soins ?
Une voix artificiellement féminine lui répondit lentement :
_ Nous avons remplacé une bonne partie de votre ossature interne au niveau de la cage thoracique par des prothèses céramiques. Vos organes vitaux n’ayant été que légèrement touchés, il n’a été nécessaire de remplacer qu’une petite partie de votre intestin par un substitut qui se résorbera d’ici quelques mois. Les os de votre avant-bras droit ont également été remplacés. Voulez-vous d’autres renseignements ?
Massad assimilait doucement. Ainsi il était à son tour transformé en une sorte de cyborg… De tels remplacements n’étaient pas autorisés sur tous les mondes. Mais la Cosmoguarde évidement se souciait peu de cela. Il était donc logique que les droids médecins de leurs navires militaires ne s'embarrassent pas trop de détails. Il y avait même des rumeurs au sujet d’une garde d’élite dont les squelettes étaient intégralement remplacés. Il demanda enfin :
_ Les prothèses sont détectables facilement ?
_ Non monsieur, l’alliage céramique utilisé n’est différentiable de l’ossature humaine qu’avec un examen approfondi ou des outils chirurgicaux. Ceux-ci ne font apparaître que les références et la date de la pose. Vos os remplacés seront bien plus solides que les anciens.
_ Formidable, dit-il d’un ton ironique. Ça fait combien de temps que je suis dans le cirage ?
_ Vous êtes resté inconscient pendant deux jours, aujourd’hui s’achève le troisième. Vous pourrez quitter ce lit vraisemblablement demain. Attention cependant, la cicatrisation ne sera définitive que d’ici une semaine. Il faudra que vous soyez suivi par un examen périodique pendant quatre mois.
Le transport de troupe de l’Union était posé sur la grande place devant la maison de Farad. Les médecins avaient été bien accueillis par les Feydars et s’étaient aussitôt mis au travail avec leurs diagnoskits. Les commandos ZVEA assistaient les techniciens dans leurs études du lieu et des technologies feydares. Certains d’entre eux se relayaient pour rester en communication directe avec les troupes restées en orbite. Cette fois, le système solaire de Feyd était sous surveillance. Kérian et son général, Fed Aykin, discutaient dans la petite salle de briefing de l’engin. Les vents extérieurs faisaient vibrer les parois et des plaintes métalliques couvraient parfois leur conversation :
_ Cette planète est décidément bien étrange, je n’avais jamais entendu parler d’une peuplade humaine primitive. Toute une planète isolée de la galaxie, c’est à peine croyable ! et puis cet environnement… Comment supportent-ils un climat aussi pourri ?
Kérian ne savait que répondre, lui aussi s’était posé les mêmes questions mais les réponses restaient informulables bien qu’il les sente au fond de lui. Aykin reprit :
_ Et parle-moi un peu de ce “ Qeidal ”, qu’est-ce que c’est ? Et comment avez-vous pu vaincre les patrolers avec des armes aussi simples ?
_ Les armes que nous utilisons traversent toutes les boucliers de stase, général, et les femmes n’ont pas mis très longtemps pour trouver la manière de rendre leurs arcs aussi dangereux que les épées…
Aykin l’interrompit :
_ Des arcs ? c’est quoi ?
_ C’est… Il se leva et sortit de la pièce en revenant quelques instants plus tard. C’est ça, on met un projectile comme celui-là, ici, et on tire sur la corde.
La flèche traversa la pièce et rebondit sur le mur du fond avant de tomber par terre bruyamment. Aykin reprit la parole :
_ Curieux, mais ça doit être arrêté par le bouclier, non ?
_ C’est ce que je me disais aussi mais ça dépend de l’angle d’attaque et de la force initiale… Ce sont les femmes qui se servent de ça, en évitant de se mêler au corps à corps, et je te garantis qu’elles ont trouvé le moyen de rendre ces armes efficaces même contre des soldats équipés de boucliers.
_ Et le Qeidal ?
Kérian posa l’arc et se rassit en face d’Aykin :
_ C’est ce que les Feydars ont de plus puissant. Je ne peux pas vraiment te dire ce que c’est… Je n’ai pas eu le temps de vraiment comprendre et la seule personne qui pouvait m’expliquer est actuellement on ne sait où dans la jungle.
Aykin haussa les sourcils :
_ Dehors dans cette crasse ?
_ Oui…
_ Massad…
_ Oui ?
_ Parle-moi de ton monde natal.
Massad tourna la tête pour la voir. Elle regardait la projection holographique du plafond, la tête penchée en arrière. Elida était assise un peu avachie sur le fauteuil qui jouxtait son lit.
_ Est-ce qu’il ressemblait à ça ?
Elle regardait les images en relief qui les surplombaient : un champ de culture, avec un grand arbre feuillu dans un coin, au bout d’un petit muret en pierre plate. De grands nuages cotonneux s’étiraient lentement dans un ciel très bleu.
_ Non, ça c’est un film pour relaxer les malades. Je n'ai jamais vu de paysage tel sur aucune planète que j'ai visitée. Je ne me souviens pas trop comment c’était, celle où je suis né, nous étions jeunes avec Kérian, à l’époque. Je sais que notre monde était important et peuplé, le ciel devait être plutôt gris que bleu et il pleuvait souvent. Je sais qu’il y avait deux soleils, le plus gros des deux était rouge et quand il se couchait le dernier, le spectacle était fantastique…
_ Le ciel était gris ?
_ Oui, c’est à cause des industries et des usines. Elles brûlent comme la forge d’Horak Tunefel mais elles sont beaucoup plus nombreuses. Les fumées se concentrent et forment à la longue des “ dômes ” gris diffus autour des villes. Ça pue et c’est toxique. Ça rend les gens malades… Mais c’est comme ça partout.
La jeune femme le regarda :
_ Mais pourquoi vous continuez alors ?
_ C'est nécessaire. C’est une complexe question d’argent et de rentabilité économique…
_ Ah, oui, Kérian m’a parlé de ça mais je n’ai rien compris, ça me paraît très compliqué pour ne pas aboutir à grand chose finalement.
Il la regarda à son tour alors qu’elle avait de nouveau fixé ses yeux au plafond :
_ Je ne sais pas, je ne me suis jamais posé de questions là-dessus. C’est comme ça que ça a toujours fonctionné je crois. En tout cas sur les mondes peuplés par des humains.
_ Il y a des Gorgues ailleurs que sur Feyd ?
_ Non, pas de Gorgues mais des Kigurts, des Difoos et des Cetfans…
_ Ceux-là t’ont fait du mal, lui dit-elle en le regardant profondément.
Son regard était intense. Massad avait l’impression d’être transparent, de ne rien pouvoir lui cacher quand elle le regardait comme ça.
_ Oui, ce sont eux qui ont détruit mon monde natal. Kérian et moi, avec d’autres adolescents du même âge, nous étions partis en vacances sur Tyrr, la capitale, enfin, la planète la plus importante si tu veux, et pendant que nous étions là-bas, les Cetfans ont envahi notre planète… Nous n’avons plus jamais eu de contact avec ceux qui vivaient chez nous. Peut-être sont-ils morts ? C’est ce qu’on nous a dit à l’époque en tout cas. Nous avons été recueillis par les habitants de Tyrr et envoyés dans une école militaire. Ils avaient décidé de former une armée pour lutter contre les Cetfans, alors ils ont commencé par recruter tous les orphelins et victimes. Et puis voilà, dix ans après on n’a toujours pas pu attaquer un seul de ces foutus Cetfans ! Et tout ça à cause de ces pourritures de la Cosmoguarde !
La nuit était maintenant bien entamée sur Feyd. Le repas du soir tirait à sa fin et la plupart des Feydars étaient partis ou en train de le faire. Seule restait la vingtaine d’hommes et de femmes de l’Union qui étaient venus avec Aykin. Les discussions étaient animées, surtout du côté des médecins. D’après les bribes qu’en entendait Kérian il était question de guérison exceptionnellement rapide, de constitution hors norme… Aykin se rapprocha de lui et le sortit de sa rêverie :
_ Malgré tous les efforts de nos formateurs tu n’as jamais perdu cet état de semi-méditation, n’est-ce pas ? Un jour cette manie te causera des problèmes.
Kérian releva la tête, encore songeur, avant de lui répondre :
_ Jusqu’à maintenant je m’en suis plutôt bien sorti mais je prendrai la remarque en compte, général.
Aykin grimaça en rétorquant :
_ Tu peux toujours le dire, puis il reprit son sérieux. Kérian tu dois me donner plus d’information sur ce Qeidal, mes rapports sont formels, il y a des tas de choses qui nous échappent ici. Il tourna la tête pour indiquer l’autre bout de la table où régnait une discussion animée. Regarde-les, je ne les ai pas vus dans cet état d'excitation au moins depuis le jour où nous avions cru qu’une sonde revenait de chez les Cetfans.
_ Je me souviens de ça… nous avons été déçus.
_ Serons-nous déçus ici aussi ?
Kérian regarda Aykin sans lui répondre. Celui-ci essaya de lui tendre des perches :
_ Est-ce une religion fanatisante, une drogue ? Est-ce une sorte de concentration ? Comme celle que nous appliquons à l’entraînement des ZVEA, comme celle que tu as reçue ?
Kérian secoua la tête en se penchant vers sa timbale :
_ Non, l’entraînement des ZVEA permet d’être moins sujet à la peur, de raisonner la panique ; il permet de ralentir ses fonctions vitales pour attendre des secours… il permet de se concentrer pour sniper des cibles lointaines. Le Qeidal, c’est beaucoup plus que cela, je ne sais pas ce que c’est mais je peux tenter de te dire ce qu’il permet puisque tu le veux tant.
Il se plongea dans ses souvenirs quelques jours auparavant, alors qu'il se trouvait dans la pièce au sommet de la tour de Salat, et qu'il venait de rencontrer l'étrange occupante des lieu.
Waade s'était approchée de lui et l'avait guidé par le coude, l'entraînant vers la stèle de son père :
_ Voici Krypsahr, l’épée de Salat. Prends-la...
Il avait regardé la lame posée et sentit un petit quelque chose en lui se transformer en un frisson qui courut tout le long de sa colonne vertébrale. Il avait fait quelques pas et saisi fermement la poignée. A ce contact il avait senti naître en lui un énergie nouvelle qui s'était répandue dans son bras l’envahissait pour le presque submerger. Il s'était retourné vers Waade, mais son regard était dirigé vers l'épée, et quand il avait lui aussi tourné la tête, la lame brûlait de ce feu mystérieux qui assistait les Feydars au combat. Alors qu'il était toujours en train de tenter de dompter le souffle qui tournait en lui, la jeune femme lui avait donné comme seule explication :
_ C’est le Qeidal, Kérian, tu es toi pour la première fois de ta vie, ton corps s’éveille à l’écoute de lui-même... Salat l’avait découvert en quelque sorte mais d’autres avant lui aussi... Cette force que tu sens c’est celle de la vie, de ta vie. Tu vas découvrir des choses en toi que tu ne soupçonnais même pas. Il te suffira d’être attentif à tout ce qui t’entoure… Tu verras que la conscience qui t’habite n’est pas le seul cadeau que puisse t’offrir la vie. Tu verras que tes muscles peuvent être plus forts et plus rapides, que tes oreilles perçoivent plus que ce dont tu as l’habitude. Tu verras que tes yeux ne sont pas tes seuls organes sensoriels, que ton corps entier est un immense capteur sensible. Tu apprendras à sentir avec lui, à écouter ce qu’il te dit. Tu pourras sentir la vie à travers tes mains. C’est ça le Qeidal, c’est l’énergie qui t’habite depuis que l’assemblage d’atomes qui te constituent est vivant. C’est ce qui te différencie de la matière inerte, tu l’as toujours possédé sans t’en servir… Aujourd’hui tu te réveilles vraiment pour la première fois, Kérian.
Aykin attendait toujours devant lui. Ses réminiscences n'avaient duré qu'un instant. Kérian commença à tenter d'expliquer :
_ Le Qeidal permet aux feydars d'être plus rapides et plus forts. Il leur permet de doper leurs sens normaux loin au-delà de leur sensibilité normale. Il leur permet de cicatriser et récupérer plus rapidement.
_ Mais d'où cela vient-il ?
_ Je ne sais pas. Ça n'a pas l'air d'être quelque chose qu'ils ont en eux et dont les autres gens seraient dépourvus : j'ai moi-même eu l'occasion de sentir ce potentiel. C'était bref, et je ne saurais pas dire d'où ça venait, mais pendant un instant, j'ai su que j'étais capable de prouesses qui m'auraient paru impossible en temps normal. Mais pour les feydars, cet état est permanent. Je suppose que c'est quelque chose qui s'apprend et qui demande un entraînement pour s'affiner.
Il s’était tu et les autres membres de l'Union s'étaient rapprochés d'eux pour suivre leur discussion. Le silence dura quelques secondes, puis une femme du groupe des médecins prit doucement la parole :
_ Ils guérissent et cicatrisent plus vite que nous. C’est comme s’ils savaient la partie de leur corps qui ne fonctionne plus et que toutes les autres cellules contribuaient consciemment à l’effort de guérison.
Un autre lui répondit :
_ C’est vrai, j’ai remarqué ça aussi. Mais leur anatomie est normale et humaine, il n’y a pas de différences notables entre eux et nous. Tous les relevés sont normaux, et pourtant, le métabolisme des blessés se modifie pour permettre une récupération bien plus rapide.
Aykin ne savait que penser de tout ce qu’il entendait, tout semblait si improbable, mais d’un autre côté si c’était vrai, cela ouvrait des possibilités nouvelles extrêmement intéressantes pour l’Union, et tout particulièrement pour lui, Général des forces spéciales. Kérian reprit la parole :
_ Mais ce n'est pas le phénomène le plus étonnant. Ce qui nous a réellement permis de vaincre les patrolers avec une telle efficacité c'est ça.
Et il se leva pour dégainer l'antique épée de Salat, qu'il avait ramené de son expédition dans la tour. Il la sorti de sa gaine, et aussitôt ressenti le picotement dans la main, comme s'il touchait une source d'électricité. Il ramena l'épée devant lui, pour maintenir fermement la poignée de ses deux mains, et ferma les yeux pour mieux se concentrer. Il entendit presque aussitôt des murmures étouffés, et su qu'il avait de nouveau réussi à produire cette sorte de « feu » autour de la lame. Il rouvrit les yeux et leur annonça :
_ Je ne sais pas ce qu'est cette énergie, mais je peux vous assurer qu'elle ne vient pas de l'épée. Ces armes sont forgées avec un grand soin, mais ne sont rien de plus que des lames de métal très tranchantes. Je ne peux pas expliquer cette chose qui l'environne, ni comment je la produis. Les feydars, eux, ne restent pas à ce stade, qui ne fait guère que produire de la lumière. Ils arrivent ensuite à réduire cette énergie en un mince filet qui suit le fil de l'épée. Et c'est alors que l'ensemble devient aussi tranchant qu'une torche à plasma. Aucune matière solide ne semble pouvoir y résister, et pourtant, les boucliers de stase ne lui opposent aucune résistance.
Pendant qu'il parlait, il se remémorait les batailles auxquelles il avait assistés, revoyant les feydars virevolter autour de lui avec leurs épées de lumière, et c'est alors que la surprise se produisit : une nouvelle exclamation de son auditoire le fit revenir à lui pour constater que devant lui les flammes translucides du feu sans chaleur avaient disparus, cédant la place dans un claquement sonore à un simple fil, presque invisible, aveuglant, courant le long du tranchant. Il l'avait fait. Détachant ses yeux pour regarder le petit groupe, il croisa leur regard et vit que ce n'était pas l'épée qui était la source de leur stupeur, mais lui-même. Et il se vit, par reflet sur la pupille d'Aykin en face de lui. Et il ne pu croire ce qu'il vit.
Un clignement de paupière rompit le charme. L'énergie avait disparu de l'épée et il ne sentait plus en lui se bouillonnement de possibles mais juste un vide, comme laissé par une émotion trop intense. Troublé, il rengaina sa lame et se retourna puis partit sans rien dire.
Le groupe de l’Union était stupéfait et personne ne dit mot avant qu'il n'ai quitté la salle. Ensuite, quelques murmures se firent entendre, puis la femme médecin qui avait parlé plus tôt lança d’une voix faible, s'adressant au général des ZVEA :
_ Ses yeux… ses yeux étaient brillants, non ?
L’aube se levait sur Horak Tunefel mais les occupants de l’aviso Vengeur n’en avaient cure. Pour eux, c’était le jour depuis plusieurs heures déjà. Quelques Feydars contemplaient à travers la baie de platzverre l’évolution des terribles formations nuageuses de la tempête Sahr sur la planète. Le noyau du cyclone était bien loin de la cité désormais mais son passage affecterait pendant quelques semaines encore le climat de la région. La porte de la salle de commande s’ouvrit en chuintant. Massad la franchit et vint s’asseoir sur un des sièges de la passerelle. Son corps était encore douloureux de partout, inutile de le fatiguer pour rien. Il regardait l’espace. Bientôt la rotation de l’appareil les emmènerait du côté ensoleillé, la baie vitrée se teinterait pour protéger du rayonnement solaire et les étoiles ne seraient plus visibles. Toutes ces étoiles, avec des mondes qui tournent autour, avec des milliers d’habitants, avec peut-être même des races qui restaient à découvrir.
_ Massad, tu n’aurais pas dû te lever !
Il tourna la tête vers le sas de la passerelle, Elida se rapprocha de lui.
_ J’en avais assez. Y’a toujours une odeur antiseptique bizarre dans les infirmeries, ça me rappelle des mauvais souvenirs.
_ Oh, mon pauvre chéri, viens là que je te fasse passer ces méchantes réminiscences, lui dit-elle avec un sourire coquin.
Ce faisant, elle s’assit sur la console de commande qui se trouvait devant Massad. Au moment précis où elle s’appuya dessus une sirène d’alarme se mit à sonner. Elle se redressa surprise en interrogeant Massad du regard. Celui-ci fronçait les sourcils puis scruta les écrans de la console en cherchant à comprendre leur rôle. La vision par la baie vitrée fut masquée par le passage silencieux de plusieurs engins de chasse. Massad appuya sur le bouton qui clignotait, la sonnerie s’arrêta et une voix retentit dans les haut-parleurs :
_ Alerte ! attention à tout l’équipage, des chasseurs ennemis et au moins un gros porteur ont été repérés par les scanners de proximité. L’identification est en cours, tout le monde à son poste de combat !
_ Mais qu’est-ce que c’est que ce cirque, les circuits de ce rafiot n’ont pas été neutralisés ?
La voix reprit par les haut-parleurs :
_ Identification terminée, une frégate de l’Union minimum, plusieurs escadrilles de chasse sont à envisager, je suggère un repli straté…
Elle s’interrompit brusquement, Massad ayant coupé le circuit général de l’Intelligence Artificielle de l’aviso.
_ Non, mais je vous jure, qu’est-ce qu’on en a à battre de son avis !
Il fit un signe réflexe de salutation de la main vers les escadrilles de Couroks qui passaient devant la baie vitré, machinalement, puisqu'à cette distance les pilotes n'avaient aucune chance de le voir au travers de la baie vitrée de la passerelle. Elida s’assit sur les accoudoirs de son siège en lui disant calmement :
_ J’ai cru un instant que c’était à cause de moi.
_ T’en fais pas, ça risque rien, c’est du matériel rustique, tu pourrais même danser dessus si tu voulais !
Il reprit d’une voix faussement suave :
_ Tu ne voudrais pas faire un petit massage à un pauvre éclopé ? J’ai un point douloureux, là…
Elle l’enlaça avec un sourire entendu.