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Dragoris



Cerbère des Portes de la Fiction


Il n’eut pas le courage de finir sa phrase, et il se sentit si faible qu’il retomba mollement sur sa chaise. Arcanas le comprenait parfaitement, même s’il n’était pas du genre à compatir. Aller à l’encontre de la volonté des Dieux était chose terrible. Une punition effroyable attendait ceux qui l’osaient, et l’ensemble des Démons en avait eu l’expérience le Jour Maudit. Cependant, Arcanas ne se sentait nullement concerné en ce moment par une éventuelle punition d’Erebos, puisque lui-même n’était pas en cause.
- Celui-Qui-Domine-Les-Ténèbres sera furieux après vous, jubila-t-il. Jamais il n’acceptera de vous pardonner.
- Il te punira aussi, dit Namatos dans un accès de fureur. Tu es membre du Conseil, comme nous.
- Certes, mais je n’aurais jamais pris une telle décision. Je crois… avoir enfin compris quel était le rôle du Prophète.
- Ha oui ? fit Katos avec un calme surprenant étant donné son rythme cardiaque. Pourrais-tu nous en faire part ?
- Certainement. Depuis le début, je savais ce qui allait se passer. Depuis la naissance de Lowell en vérité, j’ai été suffisamment intelligent pour apercevoir quelle était la vérité. N’est-elle pas évidente, Conseillers ?
Il sourit avec une étonnante chaleur, mais ses yeux demeuraient froids et cruels.
- Pas pour nous, non, répondit Namatos.
Arcanas ouvrit grand ses bras, comme si ce qu’il allait dire était l’évidence même.
- Mais pour permettre à celui qui le contrôle de devenir Roi des Démons, bien sûr !
- Et pourquoi donc ? Nous, le Conseil, sommes déjà là pour les diriger.
- Mais un Conseil est faible. Jamais une oligarchie ne pourrait survivre pendant des siècles, nous en avons eu la preuve avec les Elfes. Des cinq personnes pour diriger le monde ne peuvent naître que divergences et conflits. Si un seul Démon commandait l’ensemble de notre race, il n’y aurait plus de problèmes, puisqu’il n’y aurait qu’une seule voix à laquelle il faut obéir. La mienne, en l’occurrence.
- Ha vraiment ? demanda Katos, ses yeux pétillant comme jamais. Et pourquoi toi ? Pourquoi pas un autre ?
- Mais parce que moi, j’ai été capable de deviner l’avenir lorsque le Prophète est né, j’ai pu en comprendre le potentiel qui existait en cet enfant. Il était impossible de choisir une personne du Conseil et la désigner comme Roi, car tout le monde se verrait dans ce rôle. Alors Erebos a envoyé Lowell afin de savoir qui serait assez intelligent pour le comprendre. Et cette personne, c’est moi !
Son sourire était celui du triomphe. Il avait gagné, il en était sûr et certain ! Comment en pouvait-il être autrement ? Toutes les pièces du puzzle s’emboîtaient parfaitement les unes sur les autres, pour laisser apparaître la seule image possible : celle qu’avait déjà deviné à l’avance Arcanas. Il ne pouvait en être autrement.
- Alors, dit Katos sans se débarrasser de ses yeux pétillants, tu as fait en sorte que l’enfant s’attache à toi, et ce dans le seul but évident de nous renverser et de te proclamer Roi des Démons. Je me trompe ?
- Absolument pas, répondit Arcanas sans se lasser de sourire. L’enfant n’est bien sûr qu’un objet, il ne peut qu’être l’instrument du plus intelligent d’entre nous. En outre, il sera celui qui vous tuera tous, et il m’aidera à faire respecter mon autorité au sein des Démons. Il ne peut en être autrement, puisqu’il ne sert qu’à cela !
- J’ai bien peur que tu ne te sois trompé dans tes plans, dit alors Katos en souriant à son tour, la peur le quittant petit à petit.
- Et pourquoi cela ?
- Tout simplement parce que l’enfant… est derrière toi. Et il a entendu ce que tu as dit. Et d’après moi, il n’a pas l’air « du tout, mais du tout content ».
Ce fut comme si la scène se figeait pour Arcanas. Il n’y avait pas un seul bruit pour rompre la fixation du temps. Son visage se décomposa peu à peu, et le sourire froid qu’il affichait depuis plusieurs minutes déjà se transforma petit à petit en un horrible et irréel rictus d’effroi.
Non ! Ce n’était pas possible ! Comment cela se pouvait-il ? C’était une stratégie pour le déstabiliser, il ne pouvait en être autrement… Mais si c’était vrai ? Tout son être priait pour qu’il n’en fut pas ainsi. Cependant, la meilleure façon de le savoir était de se retourner.
Lentement, faisant des efforts insurmontables pour vaincre sa peur et pouvoir faire demi-tour, il se retourna. Et effectivement, Lowell, le Prophète aux pouvoirs surpuissants, se tenait là, sur le seuil. Son visage était empreint de déception. Des larmes coulaient sur ses petites joues fines et rougies.
- Je… Tu… Qu’est-ce que tu fais là ? bafoua Arcanas en s’emmêlant les pinceaux. Je t’avais dit de rester.
Il ne s’attendit pas à la réaction de l’enfant. Il pensait qu’il allait se morfondre, sangloter et s’enfuir… Mais au lieu de cela, Lowell s’avança vers lui d’un pas déterminé, comme s’il ne ressentait aucune peur.
- Depuis que je suis petit, j’ai toujours pensé que tu étais avec moi parce que tu m’aimais , dit-il alors que la colère montait en lui, tel un volcan dont le bouchon contenant la lave était sur le point d’exploser. Depuis que je suis petit, je te considérais comme un père, comme mon père, oncle Arcanas. Je suis venu ici parce que je m’inquiétais pour toi ! Jamais il ne me serait venu à l’esprit que tu n’étais avec moi que pour m’utiliser, comme si j’étais un simple instrument pour prendre le pouvoir.
- Mais Lowell, dit faiblement Arcanas en essayant de se ressaisir, ce n’est pas vrai… J’ai dit cela, mais c’était pour les tromper, je ne pensais pas du tout…
- TAIS-TOI ! hurla le jeune garçon sans retenir ses larmes. Tant de solitude, tant de souffrances… J’ai passé toute ma vie dans une prison à cause des Démons ! Votre… cruauté, votre intolérance, votre sauvagerie, et enfin votre ambition, tout ce qui vous est caractéristique… Vous êtes tous pareils ! Vous ne méritez pas votre force, ni votre puissance !
- Calme-toi Lowell, la colère ne t’aidera pas, fit Arcanas en regardant dans tous les sens, cherchant une sortie de secours qui n’existait pas.
Puis il se tourna vers les membres du Conseil et leur dit, d’un ton suppliant :
- Aidez-moi ! Si nous ne le tuons pas, il nous anéantira !
- Ho, répondit Katos, de toute façon, tu l’as dit toi-même, nous sommes déjà condamné par Erebos. En revanche, j’aimerais voir ce que fera le Prophète à ton sujet. J’ai dans l’idée que ce sera bien pire que nous. Bien pire…
Arcanas chercha à nouveau une issue, mais n’en voyant toujours pas, il se tourna vers Lowell.
- Tu ne peux pas me tuer. Tu oublies que je t’ai sauvé la vie ! Deux fois ! Vas-tu t’en prendre à ton sauveur ?
- Je ne vais pas te tuer, répondit le jeune garçon d’un ton froid et sadique. Je vais faire bien pire que cela. La mort serait trop douce pour toi.
- Que vas-tu faire ?
- Jadis, « mon oncle », tu m’avais parlé du Jour Maudit. Tu m’avais raconté comment la perte des pouvoirs chez les Démons leur causèrent la plus grande honte et à quel point c’était devenu pour eux la pire des disgrâces. Aujourd’hui sera un nouveau Jour Maudit pour votre race de Démons. Votre caractère maléfique n’aura qu’une portée limitée dans l’espace et le temps…
- Que vas-tu faire ? répéta Arcanas, de plus en plus inquiet quant à ce qui pourrait sortir de l’imagination du Prophète.
Mais il n’obtint aucune réponse. Déjà, Lowell commençait à être entouré d’une aura rouge comme le sang, aussi lumineuse que les yeux des Démons. Petit à petit, le corps du jeune garçon se couvrit de pointes hérissées en tous sens, puis il y eut une grande lumière aveuglante, blanche et pure comme la plus pure des licornes. Un son aiguë, de plus en plus fort, couvrit le crépitement du feu des torches et sembla assourdir ses oreilles.

Arcanas ne put dire combien de temps il resta ainsi debout, son bras protégeant ses yeux. Mais lorsqu’il se rendit compte qu’il n’y avait plus que le silence et l’obscurité la plus totale, les torches s’étant éteintes, il essaya d’appeler quelqu’un.
- Lowell ? Katos ? Namatos ? Il y a quelqu’un ?
Mais personne ne lui répondait. Il chercha à tâtons la porte, la trouva et sortit.
Dans le couloir, les torches les plus éloignées ne s’étaient pas éteintes. Arcanas se dirigea vers la lumière, toujours vêtu de sa grande robe, ses mains noyées dans les longues et larges manches. Il chercha quelqu’un, ne serai-ce qu’un garde, ne serais-ce que pour être sûr que la punition ne consistait pas à être seul au monde.
A son plus grand soulagement, il finit par entendre des bruits de pas. Il se dirigea vers son origine et, apercevant son auteur, il s’arrêta soudain, les yeux écarquillés. Devant lui se tenait un être ressemblant étrangement à Lowell. La même couleur de peau, les même muscles moyennement développés, le même visage à la fois fin et charnu, des ongles à la place de griffes, et des yeux… noirs.
N’écoutant que son instinct et ses réflexes, il sortit une longue épée à deux mains de sous sa tunique et, devant le visage effaré du semi-Elfe, le transperça au niveau du cœur. Un sang rouge s’échappa de la plaie ouverte, et l’hybride tomba, raide mort, sans avoir poussé aucun cri.
Arcanas fut satisfait de constater qu’il n’avait pas perdu ses réflexes d’antan, à l’époque où il combattait les Elfes. Peut-être l’épée lui paraissait-elle plus lourde que jadis, mais on ne peut rien contre l’action du temps, le poids des années.
C’est alors qu’il regarda attentivement celui qu’il avait tué. Etrangement, celui-ci était vêtu de l’armure spéciale dont se revêtaient les membres de la Garde du château. Comment un semi-Elfe pouvait-il posséder une telle armure ? Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ?
Et soudain, une voix retentit.
Ce n’était pas une voix ordinaire, faite de son, non, du tout. C’était plus une voix intérieure, forte et puissante, comme si quelqu’un communiquait par télépathie avec lui, comme le faisaient autrefois les mages démoniaques, bien avant le Jour Maudit. Cependant, ce n’était pas un mortel qui parlait, la voix était trop puissante, trop autoritaire, trop caractéristique des Dieux pour cela.

« DEMONS ! JE SUIS EREBOS, CELUI-QUI-DOMINE-LES-TENEBRES. JE REFUSE D’ETRE DESORMAIS VOTRE DIEU PLUS LONGTEMPS, VOUS M’AVEZ BEAUCOUP DECU. C’EST LA DEUXIEME FOIS QUE VOUS ME DESOBEISSEZ. LA PREMIERE, JE VOUS AVAIS PREVENU QUE VOUS NE DEVIEZ PAS ATTAQUER LES ELFES. JE VOUS AI RETIRE VOS POUVOIRS. A PRESENT QUE VOUS AVEZ EXTERMINE VOS ESCLAVES, JE VOUS PRIVERAI DESORMAIS DE VOTRE FORCE. VOUS SEREZ A TOUT JAMAIS LE PEUPLE BATARD, LA SEULE RACE A NE PAS ETRE SOUS LA PROTECTION D’AUCUN DIEU. VOUS VOUS EN INVENTEREZ SI VOUS LE VOULEZ, AFIN DE COMBLER LE VIDE QUE VOUS SENTIREZ EN VOUS, MAIS VOUS SEREZ TOUJOURS DESESPEREMENT SEULS. »

Il y eut un court silence. Arcanas regarda subitement ses mains. Non ! Il ne pouvait en être ainsi ! Sa force ! Sa puissance ! Son endurance ! Il allait donc posséder pour le restant de ses jours un corps faible et fragile comme celui de Lowell ?
Il maudit à tout jamais les Prophètes et le nom de Lowell. Plus jamais, il ne voulait avoir à faire aux Dieux, plus jamais il ne voudra entendre parler de magie ou de Prophètes…
La voix emplie de colère et de noirceur du Dieu reprit :

« DEMONS ! VOUS NE SEREZ DESORMAIS PLUS CONNU SOUS LE NOM DE DEMONS. DESORMAIS, VOUS SEREZ LES SANS-DIEUX : LES HUMAINS… »

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