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Dragoris



Cerbère des Portes de la Fiction


Le vent soufflait plus fort, répandant dans la grotte un son horrible et déformé, répercuté en écho par les parois de pierre. Newton, quelque peu apeuré, s’assit dos contre mur en regardant les autres. Ils avaient l’air calmes, paraissaient attendre patiemment que l’orage parte. Contemplant les éclairs qui apparaissaient aussi subitement qu’ils disparaissaient, Newton se souvint d’avoir appris un jour que la foudre était la principale malédiction d’Ominos.
Selon le Livre Cristal -où était raconté le début du monde, la création des Mechons et les récents évènements qui s’étaient déroulés ces dernières semaines-, au début de tout régnait le Dieu Ominos sur le monde. Il modela les océans et les continents à sa guise jusqu’à ce que, s’ennuyant et ayant besoin d’esclaves pour vivre dans le plus grand luxe, il créa Mater qui donnait naissance aux Mechons, quelque peu différents de son image afin d’accentuer la supériorité du Dieu.
Mais Ominos se montra comme étant un véritable tyran insupportable. Traitant bien pire les Mechons que ses animaux, les torturant parfois même pour le plaisir de la méchanceté, il finit par attiser la colère de l’ensemble de ses esclaves dans le monde qui se rebellèrent contre leur créateur. Il y eut une immense bataille éprouvante, qui dura pendant très longtemps des journées et des nuits entières, et Ominos fut finalement défait. Sentant proche sa fin, il maudit ses fils jusqu’à la fin des temps, leur promettant que le ciel le vengerait en envoyant la foudre contre eux, puis il explosa en des milliers de morceaux. Chaque fois qu’un morceau atterrit par terre, il se remodelait pour donner une Bête, jusqu’à ce que des milliers de Bêtes apparurent et se réunirent dans le territoire maudit, où elles sévissaient depuis lors, protégées par des pièges divins laissés par Ominos.
Des centaines de fois, des armées puissantes ont pénétré le territoire maudit pour le conquérir. A chaque fois, les troupes étaient décimées par les pièges puis repoussées par les Bêtes. Cependant, les stratèges avaient rempli des cartes afin de signaler la présence de pièges divins dans certaines zones. Ainsi, plus les Mechons pénétraient dans le territoire et se faisait décimer, et plus ils gagnaient du terrain pour la prochaine attaque. Newton en était persuadé : un jour viendra où les Bêtes disparaîtront à jamais, ne subsistant que dans de vagues histoires peuplés de monstres et de pièges…
Newton regarda un à un ses compagnons. Chacun discutait avec les membres de sa propre classe. Les éclaireurs parlaient avec les éclaireurs. Le stratège avec le stratège. Les mages avec les mages. Seul le Goliath et lui restaient seuls dans leur coin.
Pourquoi se retrouvait-il toujours tout seul ? Était-il donc aussi bête qu’un Goliath ? Non, bien sûr que non. Il ne parlait avec personne car il était différent des autres. Personne ne lui ressemblait. En tout cas, lui ne ressemblait à personne de son espèce. Y’avait-il un lien avec la mission qui incombait à cette expédition ? Sûrement. Il se souvint que Mater avait expressément ordonné à Asward-chef-des-armées-des-pays-du-Nord que son dernier fils devait impérativement accompagner le groupe qui partait pour le Voyage. Mais il ne comprenait pas pourquoi il était nécessaire qu’il vienne. Il ne savait rien faire de spécial, il ne possédait aucun pouvoir particulier, aucune intelligence surdéveloppée, aucune aptitude physique pour se mouvoir mieux que les éclaireurs… La seule chose qui le distinguait des autres, c’était son caractère étrange et sa mémoire impressionnante. Mais il ne voyait pas en quoi cela aiderait la mission.
Les heures passaient mais l’orage ne semblait pas vouloir partir. Les stratèges avaient fini de parler entre eux mais les éclaireurs et les mages continuaient chacun de leur côté. Newton, bien qu’ayant peur de se faire une nouvelle fois réprimander, ne put s’empêcher de vouloir en savoir plus et s’approcha de Fenris pour démarrer une discussion avec lui.
- Frère Fenris, parle-moi des Bêtes s’il te plaît. Comment sont-elles ?
Le stratège tourna lentement la tête vers le visage innocent de Newton.
- Tu en rencontreras bientôt, tu peux en être sûr, répondit-il d’une voix calme et posée.
- Oui mais j’aimerais savoir maintenant. Tu as dû en voir beaucoup, non ? Quand tu parles d’elle, j’ai l’impression que tu en sais beaucoup plus que les autres. Pourquoi dit-on ici que je leur ressemble?
- Parce que c’est vrai.
- En quoi est-ce que je leur ressemble ?
- Ton visage est presque pareil que le leur, sans le pelage qui les caractérise et qu’ils possèdent partout sur le corps. C’est tout. Tu ne possède pas la façon de marcher caractéristique de leur espèce. Elles se balancent sur le côté à chaque pas, alors que les Mechons comme toi et moi sont droits et fiers. Elles sont beaucoup moins fortes et robustes que nous, communiquent entre elles par des sons et des cris, accompagnés de gestes brusques et presque violents de leurs pattes. Dans leur troupeau, seuls les mâles les plus forts deviennent chef et s’emparent des femelles.
- Elles ont l’air très sauvages, fit Newton, impressionné.
- Ne t’y fie pas, répliqua gravement Fenris, ses yeux semblant voir dans le vide de vieux souvenirs. Les Bêtes ont montré plus d’une fois qu’elles étaient intelligentes. Comme tu as pu le constater, même un Mechon aussi agile et rapide qu’un éclaireur peut tomber dans l’un de leurs pièges sophistiqués. Elles s’en servent pour chasser les animaux.
Newton fut sur le point de poser une autre question lorsque intervint Shokarr.
- Fenris, dit-il calmement sans accorder le moindre regard à son plus jeune frère, après maintes réflexions je pense que nous nous sommes trompés sur la marche à suivre passées les montagnes…
Se retrouvant à nouveau seul, Newton s’adossa à nouveau contre la paroi de la caverne et songea aux paroles de Fenris. L’orage était encore là et semblait ne pas vouloir bouger de là. Chaque fois qu’un éclair frappait, la lumière se répercutait sinistrement dans les ténèbres de la grotte, mais le tonnerre était encore pire… La pluie, en revanche, produisait un son continu qui semblait apaiser au plus haut point le jeune Mechon. Savoir que dehors, tout était mouillé et désagréable, alors que lui était sec et détendu à l’intérieur lui donnait l’impression d’être en situation plus confortable qu’à l’ordinaire. Ses paupières, devenant lourdes, se fermaient peu à peu et Newton se laissa guider dans les ténèbres…

Mais l’obscurité se dissipa soudainement et il se retrouva non plus dans la grotte mais dans une place dont le sol était fait de pavés de pierre. Devant lui se dressait un édifice qu’il n’avait jamais vu auparavant. C’était une tour immense, faite de cristal noir, bien droite et qui semblait toucher le ciel, aller au-delà même. D’autres bâtiments se tenaient alentour, blancs, bleus ou gris, mais beaucoup plus petits, ridicules face à la tour de cristal.
Tout à coup, Newton se sentit attiré malgré lui vers cette tour, propulsé sans le vouloir vers l’édifice. S’arrêtant devant elle, il fut abasourdi de constater que ses pieds étaient absorbés par les dalles de marbre sur lesquelles reposait son poids un instant auparavant. Tentant de se débattre, il sentait que c’était peine perdue, mais il ne voulait pas disparaître ainsi, dans une situation qu’il ne comprenait pas, par une force qu’il ne connaissait pas. En fait, il ne voulait pas mourir, tout court. Mais il ne pouvait rien faire. Une force invisible l’empêchait de bouger. Déjà, sa tête commençait à être absorbée à son tour. Le menton, la bouche…
Il ferma les yeux, tentant de rester sans respirer le plus longtemps possible. Lorsqu’il n’en put plus, il inspira un grand coup et, à sa grande surprise, il se rendit compte qu’il arrivait à encore respirer de l’air. Ouvrant les yeux, il vit une grande pièce remplie de choses qu’il ne connaissait pas. Jamais les Mechons n’auraient pu construire cela. Dans ce cas, à qui appartenait tout cela. Aux Bêtes ? Non, c’était impossible. C’était des êtres primitifs n’est-ce pas ? Ce que Newton avait sous les yeux était quelque chose de très avancé.
Juste en face de lui se tenait, debout, quelque chose de grand avec des lumières rouges et vertes qui bougeaient et clignotaient. Un trou un peu plus gros que le diamètre d’un pouce se trouvait au centre. A côté, une lumière jaune vira au vert et du trou sortit une lumière blanche, belle et pure. Il eut soudain la tentation, le désir de faire… De faire quoi ? Il ne savait pas, mais il fallait qu’il le fasse.
Lentement, sa main droite se leva. On aurait dit que ce n’était pas lui, comme s’il était dans un état second et que quelqu’un tentait de faire ça à sa place. Il approcha son membre de la lumière, petit à petit, jusqu’à ce que les premiers doigts furent sur le point de la toucher.
Une voix grave et familière s’éleva alors de nul part. On aurait dit qu’elle provenait de partout à la fois et semblait s’adresser à lui.
- Newton… Newton… Que fais-tu ? Nous devons partir !

Newton sursauta au contact de la main de Lowell. Regardant alentour, il se rendit compte qu’il était revenu dans la caverne, au milieu de ses compagnons. Un instant désorienté, son regard se posa sur le visage neutre de celui qui l’avait réveillé.
- Où étais-je ? demanda-t-il un peu trop brusquement peut-être.
Le mage, déboussolé par la question, répondit :
- Nulle part. Tu es resté inactif pendant deux heures cinquante six minutes.
Newton demeura perplexe.
- Tu veux dire que je n’ai pas bougé d’ici pendant tout ce temps ? Tu es sûr ?
- Certain, répondit Lowell. Lève-toi à présent, les autres sont déjà sortis. L’orage s’est éloigné et la pluie a cessé de tomber.
- Mais j’avais l’impression d’être parti ailleurs ! protesta Newton en se levant péniblement. Je le sais, c’était bien réel.
- Tu es resté inactif, c’est pour cela. Lorsqu’un Mechon l’est, il voit des choses du passé ou qui n’existent pas. On appelle cela les rêves.
- Mais je ne pouvais pas être inactif puisque je n’ai pas été blessé !
- Qu’importe ? commença à s’exaspérer le mage. Tu aurais pu poser la question à Mater mais il se trouve que nous sommes ici pour la faire revivre, alors dépêche-toi parce que je dois prendre mon poste à côté du chef.
Ils sortirent tous deux et chacun se plaça dans la position du groupe qui leur avait été attribué, Lowell à droite de Shokarr et Newton avec les deux autres mages en arrière, puis l’expédition reprit la marche.
L’herbe était froide et humide, il était agréable de marcher dessus. Une odeur naturelle de fraîcheur parvenait aux narines de Newton qui se sentit heureux de goûter aux joies que procuraient toutes ces sensations. Les oiseaux continuaient de chanter et même les nuages gris qui obscurcissaient le jour ne semblaient pas affecter le moral du jeune Mechon. Comment avait-il pu avoir des réticences à participer au Voyage ? Il ne savait pas que le territoire maudit abritait de si belles choses…

Une semaine et demi durant, les Mechons marchèrent sans s’arrêter une seule fois. Aucun orage ne vint troubler leur voyage, aucun piège, ni divin ni des Bêtes, ne leur apparut. Plusieurs fois, les éclaireurs signalèrent la présence de troupeaux de Bêtes dans les environs, mais celles-ci ne les avaient pas trouvé et eux ne tenaient pas spécialement à se faire remarquer.
Ils finirent par arriver devant les montagnes noires de Kah. Allant encore plus haut que les oiseaux ne pouvaient voler, leurs cimes abritaient des neiges éternelles. Seules quelques rares plantes aux racines profondes y vivaient, ainsi que des animaux à quatre pattes faisant des bonds incroyables. Le reste n’était que pierres froides et dures, ne cassant que pour faire tomber les Méchons dans les précipices vertigineux qui s’étendaient de toutes part.
- Un nombre impressionnant d’armées Mechons s’est fait exterminé ici, dit Fenris en regardant le sommet de plus haut. En dehors des pièges naturels qui regorgent de toutes parts, Ominos y a aussi laissé les siens. Ils sont tous redoutables. Alors l’un des stratèges eut l’idée de passer en dessous des montagnes en construisant un grand tunnel, long de plusieurs centaines de kilomètres. On dit qu’il avait fait amener spécialement pour cela les trois quarts des Goliaths du pays et qu’il lui a fallu trois mois entiers pour arriver de l’autre côté.
- Et où est-il ce passage ? demanda Shokarr.
- A un kilomètre au nord, répondit Fenris en consultant la carte de son chef.
- Alors allons-y.
A nouveau, le groupe se remit en marche, longeant les montagnes en direction du nord.
Un peu plus tard, ils arrivèrent devant un gouffre béant creusé au milieu de la roche. Newton n’avait rien vu dans sa vie d’aussi impressionnant (mis à part cette tour de cristal qui semblait ne jamais finir, mais apparemment elle n’existait pas autre part que dans son esprit). On aurait dit une gueule grande ouverte et prête à aspirer quiconque passait trop prêt d’elle. Les Mechons avaient-ils vraiment réussi à creuser un tunnel pareil sur des centaines de kilomètres ?
Shokarr entra le premier, sans aucune hésitation, son second et sa garde rapprochée le suivant de prêt. Celle-ci était visiblement méfiante vis-à-vis de l’obscurité qui régnait à l’intérieur du tunnel, bien que les Mechons possédaient la faculté de voir dans l’obscurité. Le reste du groupe suivit leur chef et entrèrent à leur tour.
A peine avaient-ils marché une vingtaine de minutes qu’un premier incident survint. Shokarr, d’une main, stoppa tout le monde. En effet, il y avait eu un effondrement et des rochers énormes bloquaient complètement le passage.
- Goliath ! Déblaie-nous tout cela ! ordonna le stratège en chef.
L’interpellé s’avança jusqu’au bouchon de gravats et entreprit de soulever, lentement, les plus grosses pierres une par une. Lorsque les plus lourdes furent posées sur le côté, tout le monde, excepté les deux stratèges, déblaya ce qui restait à la main, le Goliath prenant des poignées impressionnantes de cailloux à chaque fois, jusqu’à ce qu’au final, le passage fut plus ou moins restauré. Le groupe put donc passer et recommença à avancer dans le long tunnel obscur, jusqu’à ce qu’ils arrivèrent à nouveau devant un éboulement trois heures plus tard.
Balayant une nouvelle fois cet obstacle, ils se remirent en route une nouvelle fois. Mais cinq heures plus loin, le même problème se répéta.
- Ce n’est pas normal, dit cette fois Fenris. Jamais il n’y avait autant de bouchons les dernières fois.
- Peut-être est-ce la volonté d’Ominos qui ne veut pas que nous arrivions au terme de notre voyage, dit Gargar. Après tout, il arrive encore à diriger la foudre sur nous, non ?
- Peu importe les raisons de ces effondrements, dit Shokarr. Nous risquons de mettre des semaines entières avant d’arriver à l’autre bout. Peut-être devrions-nous faire le tour de Kah pour continuer en avant.
Il déroula le parchemin où était inscrit le plan du territoire maudit et le regarda attentivement pendant que le Goliath et ses frères se chargeaient de déblayer une fois de plus le passage.
- Le problème, c’est que tous les autres passages sont truffés de pièges divins plus ou moins atroces, et difficiles à éviter.
- Suivons en avant, dit à son tour Fenris. Quelle importance a le temps que nous mettrons pour traverser les montagnes ?
Un tremblement de terre aussi soudain que bref ponctua la question du stratège. Pendant quelques secondes, un grondement sourd et amplifié par les parois du tunnel sortit des profondeurs de la terre, et de nouveaux gravats vinrent s’ajouter à ceux que déblayaient déjà les autres Mechons. Newton se sentit apeuré. On aurait dit que c’était Kah elle-même qui tremblait et grondait, comme pour protester contre l’intrusion de ces visiteurs importunant.
- Au moins, s’exclama Fenris, nous savons maintenant pourquoi il y a des éboulements !
Shokarr, comme s’il n’avait rien entendu ni senti, préféra répondre à la question de son second.
- Il se trouve que j’ai quarante-huit années et sept mois de vie, mon frère. Je compte chaque seconde qui passe comme autant de pas que fait la mort à mon encontre. Et comme nous ne savons pas combien de temps durera ce Voyage, je n’aime pas perdre du temps sur des obstacles que l’on pourrait éviter.
- Je comprends, dit gravement Fenris. Cependant, nous n’avons pas d’autre choix que de poursuivre notre chemin dans ce tunnel, c’est le moyen le plus sûr et, jusqu’à preuve du contraire, le plus rapide. Nous ferions mieux de continuer dans ce sens là.
Shokarr, approuvant de la tête, passa à travers le nouveau trou formé, derrière les deux mages lui servant d’escorte et suivit du reste du groupe.
Le périple à l’intérieur du tunnel dura une semaine et trois jours. Les Mechons étaient passés au travers de dizaines d’éboulements, et supporté autant de tremblements de terre. Le principal accident survint vers le milieu du neuvième jour. Alors que le groupe venait de passer l’un des obstacles, une nouvelle secousse ébranla la montagne dans sa totalité. Mais cette fois-ci, elle eut une conséquence importante : un liquide rouge, visqueux et atrocement chaud sortit de l’éboulement par lequel venait de passer l’expédition. Une expression d’horreur se dessina sur le visage de Newton lorsqu’il réalisa d’où venait ce bruit peu commun.
- De la lave ! cria-t-il à plein poumons. Courez, il y a de la lave !
En effet, la roche liquide avançait rapidement dans leur direction, glissant sur le sol sans aucun effort apparent. Le groupe commença à courir mais se rendit compte au bout de quelques secondes que ce n’était pas possible : le Goliath, incapable de se mouvoir rapidement, resta en arrière, menaçant de se faire avaler par leur poursuivant. Shokarr, en tant que chef, se devait de prendre une décision rapide.
- A tous les mages ! dit-il calmement, malgré la situation que Newton trouvait désespéramment paniquante. Mettez-vous en arrière et lancez vos sorts de glace. Il faut ralentir la lave le plus possible pour laisser au Goliath le temps de nous débarrasser des autres éboulements.
Lowell, Arcanas, Namatos et Katos se retournèrent et se mirent en ligne, derrière tout le monde. Tendant tous leurs bras en même temps devant eux, ils firent sortir de leurs mains un gaz extrêmement froid qui frappa de plein fouet le liquide visqueux, le ralentissant dans sa course. Ils continuèrent ainsi à projeter du froid, reculant peu à peu à la même vitesse que leur ennemi élémentaire. Pendant ce temps, le Goliath marchait le plus vite possible en avant du tunnel. Arrivé devant un autre éboulement un peu plus loin, il commença à retirer les plus grosses pierres sans perdre de temps, tandis que les quatre éclaireurs l’aidaient du mieux qu’ils pouvaient dans sa tâche. Ils parvinrent in extremis à ouvrir un passage et à laisser les quatre mages passer au dernier moment.
La tension, qui avait été à son comble, retomba brutalement. Newton était encore déboussolé à cause du stress provoqué par la peur de la mort. Il inspira profondément afin de se calmer le mieux possible. Jamais il n’avait ressenti cette sensation intense, la peur mêlée à une conscience accrue de la situation. Il avait senti ses pensées et ses mouvements devenir plus rapides. Il ne trouvait pas de nom pour ce sentiment mais il y avait une chose qu’il savait : à présent que tout danger était écarté et qu’il devenait calme, il pouvait dire qu’il aimait ça. Ho oui ! Il avait adoré cette sensation forte !
A peine les Mechons avaient-ils récupéré que Shokarr s’écria :
- En route ! Ne perdons pas de temps !
Et tout le monde suivit, bon gré mal gré. Newton ne voulait pas se plaindre, mais il avait l’impression de traîner un boulet, comme si son corps pesait des tonnes. En fait, le problème venait de ses jambes : il les sentait faibles. Autant avant, pendant le moment de stress intense, il avait l’impression de ne jamais pouvoir se fatiguer, autant à présent que tout danger était écarté il avait beaucoup de mal à les faire marcher correctement.
Le groupe continua donc sa route pendant plus d’une demi-journée dans le long tunnel taillé dans la roche, jusqu’à tomber à nouveau sur un bouchon.
Comble de malchance, un tremblement de terre frappa une nouvelle fois après que tout le monde fut passé, tout le monde sauf Gaémor. Dernier du groupe, il se retrouva seul. Entre lui et ses frères coulait la lave, revenue plus brûlante et liquide que jamais.
- Fais demi-tour et pars ! cria Shokarr à l’éclaireur pour se faire entendre. Attends que la lave refroidisse et fais ton rapport à Asward-chef-des-armées-des-pays-du-Nord. Pendant ce temps, nous continuerons la mission.
- D’accord, fit Gaémor en faisant un signe d’adieu avec sa main. Bonne chance et que Mater vous accompagne !
Shokarr fit demi-tour et avança avec le Goliath, Newton et le reste des éclaireurs pendant que les quatre mages, en file derrière eux, refroidissaient du mieux qu’ils pouvaient la roche liquide en fusion. Sauf que cette fois-ci, ils avaient beaucoup plus de mal : la quantité de lave qui s’écoulait était bien supérieur à la fuite d’avant. Ce qui se traduisait par une plus grande vélocité de l’ennemi élémentaire.
Pendant six heures, les Mechons ne rencontrèrent aucun éboulement fort heureusement, mais la lave ne cessait de les poursuivre sans arrêt, ne ralentissant en aucun sa course malgré les efforts désespérés des quatre mages. Très certainement la lave était-elle alimentée par d’autres fuites provoquées par les fréquents séismes qui sévissaient.
A nouveau, ils se retrouvèrent devant un autre éboulement et à nouveau, ils durent tout faire pour balayer les gravats le plus vite possible. Mais ce n’était pas assez rapide. Déjà les mages ne pouvaient reculer plus sans gêner les autres dans leur travail.
- La lumière ! s’écria soudain Newton. Il y a la sortie du tunnel derrière ces rochers ! Nous sommes sauvés !
- Pas tous, mon frère ! dit calmement Fenris en voyant l’un des mages, Katos, être atteint par la coulée de lave.
Le mage ne dit rien en voyant sa jambe fondre. Déséquilibré, il tomba en avant en plein sur le liquide brûlant, mais continua encore pendant quelques secondes à se débattre et à lancer le sort de glace. Puis il n’y eut plus de mouvement, plus de bruit de sa part.
Les deux stratèges et Newton finirent par passer les premiers par le petit trou fait parmi les gravats. Derrière suivirent les trois éclaireurs puis deux des trois mages. Lowell dut attendre de voir passer le Goliath et fut pris à son tour par la lave. C’était contre les ordres de Shokarr, mais il semblerait que le frère sans intelligence n’ait pas entendu. Il fut prit aussi par la lave, malgré ses tentatives pour passer à travers un trou plus petit que lui… Ses sifflements se firent plus aiguës au fur et à mesure qu’il fondait, difficilement supportable pour les oreilles, mais tout finit par s’arrêter et le Goliath mourut.
Essoufflés, les survivants de la montagne se regardèrent entre eux. Des treize Mechons partis au début de l’expédition, il ne resta plus que huit d’entre eux. Newton ne put s’empêcher de ressentir un certain malaise à cette idée. Son cœur se serrait à la pensée qu’il ne reverrait plus ni Lowell ni Katos. Le sort des deux Goliaths lui importait peu, il ne les avait jamais considéré comme des frères à part entière. Quant à Gaémor, s’il était encore en vie et qu’il était revenu à la base, peut-être aurait-il l’occasion de le revoir… Si lui survivait !
Admettant que ses subordonnés étaient éprouvés, Shokarr leur laissa faire une pause de quelques heures afin de récupérer quelque peu. Ils trouvèrent un haut châtaigner puis montèrent dessus, et, tous appuyés sur des branches robustes, ils commencèrent à dormir d’un sommeil profond, Newton le premier.

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