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L'Alpha et l'Omega

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Dragoris



Cerbère des Portes de la Fiction


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L'Alpha et l'Omega

Note très importante : Mechons : se prononce [Mékonnz]. RETENEZ-LE ! En plus si on lit comme ça se prononce, ça fait pas beau lol.

Ils venaient d’entrer dans le territoire des Bêtes.
Le simple fait de dire cette phrase faisait trembler de peur n’importe quel Mechon. Le territoire des Bêtes était synonyme de mort pour chacun d’entre eux, mais ceux-là affrontaient son ombre avec courage et détermination car ils savaient que leur mission était beaucoup trop importante pour se laisser envahir par la panique.
Newton regarda autour de lui. Le paysage semblait soudain beaucoup plus différent de celui de son pays natal. Une faune et une flore qu’il n’avait jamais vu auparavant s’étendait devant ses yeux : des petits insectes bourdonnaient autour d’un grand lac d’un bleu clair et limpide où s’agitaient des poissons énormes. De gros animaux velus, crocs et griffes menaçants, se prélassaient sous le soleil radieux. Mais surtout, il y avait ces arbres, que Newton n’avait jamais vu de ses propres yeux auparavant. De l’herbe verte, des feuilles vertes et des insectes verts. Il y avait tellement de vert, partout où il posait son regard, qu’il lui semblait qu’aucune autre couleur n’existait dans ce monde hostile et peu habituel pour les Mechons. Seul le bleu de l’eau et du ciel rendait cette vue plus poétique.
- Par où devons-nous passer, chef ? demanda Newton à Shokarr le stratège.
Ce dernier consulta pour la énième fois la carte.
- Nous avons deux possibilités, répondit-il en regardant droit devant lui puis à sa droite. En face, il y a un piège horrible mais facile à éviter. Je préfère cependant faire un détour par le sud, car même si le chemin est plus long il n’y a pas de piège.
- Dans combien de temps arriverons-nous au prochain piège ? demanda à son tour Fenris, second stratège du groupe.
Shokarr regarda à nouveau le plan et réfléchit un instant.
- Si les Goliaths marchent sans s’arrêter, je dirai dans environ cinquante quatre heures et vingt-sept minutes. Autant commencer tout de suite.
Il se tourna vers la droite et marcha lentement, aussitôt suivi par le reste de la troupe. Newton, qui restait en queue de file, regarda ses compagnons. Devant lui se dressaient deux Goliaths, les seuls enfants de Mater à ne savoir ni parler, ni réfléchir. Respirant sans cesse bruyamment, ils ne savent qu’accomplir les ordres qu’on leur donne. Ce type de Mechon est le plus lourd et le plus lent qui soit, mais il connaît une force que personne ne possède. Les Goliaths sont généralement utilisés pour débarrasser le chemin de pierres énormes ou pour creuser des tunnels au milieu des montagnes.
Devant eux marchaient deux mages, Arcanas et Katos. Les mages sont les Mechons les plus puissants, même si ce sont ceux qui possèdent l’espérance de vie la plus courte. Ils ne savent faire que trois choses : brûler, geler et paralyser les animaux. Lorsqu’un mage lance un sort, sa durée de vie diminue de quelques heures. Et lorsque l’on sait que les mages peuvent utiliser plusieurs milliers de fois leurs pouvoirs au cours de leur existence, cela revient à quelques années perdues. Par exemple vivre quarante-huit années au lieu des cinquante habituelles.
Plus en avant se trouvaient les deux éclaireurs Liran et Gargar. Les éclaireurs ont été créés par Mater dans le but d’explorer le territoire ennemi. Ils ne sont pas faits pour se battre, leur corps léger, rapide et agile leur permet plutôt de grimper aux arbres ou de s’agripper à des falaises de 90° voire moins. Leur vue, leur ouïe, leur odorat et leur sens de l’équilibre sont tout simplement hors du commun. L’expédition comprenait deux éclaireurs de plus, Fénérile et Gaémor, mais ceux-ci étaient déjà en exploration afin de savoir si aucune Bête n’était présente dans les environs.
En tête de la troupe marchaient les deux stratèges Shokarr et Fenris et enfin les deux autres mages Lowell et Namatos. Les stratèges sont les Mechons les plus intelligents mais aussi les plus rares qui soient. C’est pourquoi ils sont aussi les plus rapides pour courir : lorsqu’une bataille est perdue, les stratèges vaincus ont pour ordre de fuir le plus vite possible afin de préserver leur vie précieuse.
Et puis il y avait lui, Newton. Le tout dernier enfant créé par Mater avant que sa vie ne s’éteigne. Ses dernières paroles à son sujet étaient claires : si les Mechons tentaient quelque chose pour la faire revivre, Newton devait impérativement être de la partie. Pourtant, il n’appartenait à aucun type de Mechon connu. Il ne savait rien faire de spécial, possédait un caractère différent de ses frères et, comble de malheur, quelqu’un lui avait dit un jour, avec beaucoup de dédain, qu’il ressemblait beaucoup en apparence aux Bêtes du territoire maudit, paroles que Newton avait eu beaucoup de mal à digérer. Était-ce vrai ? Lorsqu’il verrait une Bête (car il savait qu’il en verrait une), allait-il réellement leur ressembler ? Le simple fait d’avoir cette pensée dégoûta Newton de lui-même au plus haut point, mais quelque chose, en haut d’une colline vers l’est, attira son attention et éloigna rapidement ses ténébreuses pensées.
- Regardez ! cria-t-il à ses compagnons en pointant du doigt les ombres qu’il voyait.
Newton regarda les éclaireurs fermer à moitié les yeux pour voir plus loin.
- Ce sont… des épouvantails, répondit Liran avant de regarder autre part. Des carcasses de Mechons sur des poteaux en bois. Sûrement l’œuvre des Bêtes.
- Je ne savais pas que les Bêtes étaient capables de fabriquer des épouvantails, dit Newton d’une voix innocente.
- Il ne faut jamais sous-estimer l’intelligence des Bêtes, affirma à son tour Fenris. Elles sont capables de créer des pièges presque aussi complexes que ceux des stratèges…
-Ne raconte pas de bêtises, dit à son tour Lowell. Les Bêtes, égales des stratèges ? Jamais !
Fenris allait répliquer quelque chose de cinglant lorsque Gaémor, l’un des éclaireurs parti en exploration, s’écrasa, sanglant, au milieu de la troupe à partir de l’arbre au-dessus duquel se tenait tout le monde. Aussitôt, tout le monde se tut et se précipita vers le blessé. Celui-ci, étendu sur le sol, gardait les yeux ouverts mais bougeait le moins possible afin de ne pas s’abîmer un peu plus le corps d’où s’échappait un liquide bleu fluorescent.
- Que s’est-il passé ? demanda précipitamment Shokarr.
Gaémor, tournant doucement la tête vers lui, lui répondit, calmement :
- Je suis tombé dans un piège.
Un murmure de panique se répandit parmi la troupe. Shokarr se renfrogna et se pencha sur son compagnon.
- Un piège divin ? demanda-t-il d’une voix légèrement empreinte de trouble. Non mentionné sur la carte ?
L’éclaireur secoua négativement la tête.
- Un piège construit par les Bêtes.
- Tu veux dire que tu t’es fait prendre dans quelque chose d’aussi primitif ? s’énerva le stratège en se redressant de toute sa hauteur. Je ne connais aucun éclaireur qui puisse être aussi incompétent que toi. Se blesser dans un piège de Bêtes !
- C’est quelque chose que je n’avais jamais vu auparavant, protesta Gaémor. Elles ont utilisé les arbres, des cordes et des os pointus d’animaux pour me blesser. Simplement en posant mon poids sur une branche, je me suis fait prendre et je n’ai rien pu faire pour me libérer avant que le mécanisme ne m’envoie dans un trou rempli d’os, pointes effilées tournées vers le haut.
Lorsqu’il eut finit de parler, un silence pesant s’installa, que Fenris écourta en intimant l’ordre aux mages de soigner le blessé. Lowell, s’agenouillant aux côtés de Gaémor, lança avec ses deux mains un sort de feu afin que les blessures se referment.
- As-tu détecté des Bêtes ? demanda Fenris. Si elles posent des pièges dans cette zone, c’est qu’elles ne sont pas loin n’est-ce pas ?
Gaémor fit “ non ” de la tête.
- Je n’ai vu ni entendu personne.
Shokarr, pensif, consulta à nouveau sa carte.
- Goliath 1, transporte Gaémor jusqu’à ce qu’il se régénère. Nous devons repartir dès maintenant.
- Chef, allons-nous passer notre chemin en sachant qu’il existe un regroupement de Bêtes non loin ? intervint Fenris. Plus nous ferons de victimes, mieux se portera ce monde, non ?
- Non ! s’écria Newton.
- Le but de notre expédition n’est pas de conquérir le territoire mais de trouver un moyen de ressusciter Mater, répondit Shokarr patiemment. Pour une fois, et tout au long de la mission, nous éviterons les combats inutiles pouvant entraîner des pertes indésirables.
Fenris approuva après une courte réflexion. Shokarr s’assura que le Goliath avait bien pris en main Gaémor et recommença à marcher, deux mages l’escortant à chaque côté.

Le voyage dura deux jours et demi sans interruption. Il n’y eut aucun incident et Gaémor, récupérant peu à peu de ses blessures, était devenu capable de marcher correctement puis de se déplacer presque comme avant, malgré quelques faiblesses à la jambe droite. Liran l’avait remplacé en attendant sa régénération totale et était parti explorer les environs, un peu plus loin en avant, se déplaçant avec le plus grand soin sur les arbres afin de ne pas tomber dans le même piège que son compagnon.
En chemin, Newton put s’émerveiller de la quantité de couleur et de la diversité de la faune et la flore. Là où ses compagnons étaient dégoûtés et répugnaient à trop regarder, Newton tentait de s’imprégner de cette atmosphère qui lui semblait merveilleuse. Cette herbe fraîche et humide à ses pieds le matin, ce bruit de feuilles bercées par le vent, ces animaux volants qui chantaient de partout… Il avait l’impression d’entrer dans un lieu sain et que sa présence constituait une intrusion de cet endroit, un sacrilège que les Goliaths accentuaient par leur respiration sifflante et bruyante et leur pieds gigantesques qui écrasaient tout sur leur passage.
Tout à coup, les deux éclaireurs présents dans la troupe s’arrêtèrent en faisant signe aux autres de faire de même. Leurs têtes tournées vers le nord, ils cherchaient des yeux ce qui avait attiré leur attention. Après quelques secondes, Gargar consentit à informer les autres de ce qu’ils avaient détecté.
- Ca sent le brûlé. Or le vent vient du nord, ce qui veut dire que quelqu’un ou quelque chose dans cette direction est en train de faire brûler quelque chose…
- Des Mechons ou… des Bêtes ? demanda Shokarr.
- L’odeur du feu couvre les autres. Impossible de savoir.
- Bien. Dans ce cas, inutile de prendre des risques, nous poursuivons notre route vers l’est.
Soudain, Fénérile, éclaireur parti en exploration, atterrit au milieu de la troupe dans un geste parfait. Elle se tourna aussitôt vers son chef.
- Camp de Bêtes au Nord.
- Nous sommes déjà au courant, répondit Shokarr d’un ton patient. Combien sont-elles ?
- J’ai pu compter trente-deux femelles et dix mâles.
Fenris parut contrarié.
- C’est mauvais signe, dit-il d’une voix grave.
- Pourquoi ? demanda Newton.
Fenris, surpris de voir un Mechon s’intéresser à la question, regarda son compagnon avec étonnement. D’habitude, seuls les stratèges interrogeaient les autres pour récolter le plus d’informations possible. Or, Newton n’avait pas posé cette question parce qu’il devait réfléchir à une tactique, puisqu’il a été démontré à sa naissance qu’outre le fait d’apprendre très vite et de pouvoir stocker en mémoire un nombre quasi illimité de connaissances, il ne réfléchissait pas aussi vite que les stratèges. Mais s’il n’avait pas posé cette question pour élaborer un plan grâce à une collecte d’informations, pourquoi a-t-il demandé quelque chose qui n’était pas sensé l’intéresser ?
Après quelques secondes de silence, Fenris consentit à répondre.
- Dans un camp de Bêtes, il existe autant de mâles que de femelles. Or, dans ce camps il y a trois fois plus de femelles que de mâles. Ce qui veut dire que ces derniers sont partis du camps, sûrement pour chasser de la nourriture.
- Chasser de la nourriture ? demanda à nouveau Newton. Qu’est-ce que ça veut dire ?
- Les Bêtes vivent plus longtemps que les Mechons, répondit Fenris avec un peu plus de surprise dans les yeux, mais ils ont besoin d’introduire des substances dans leur corps. Ils tuent des animaux ou arrachent des plantes, puis les chauffent avec le feu ou les mélangent avec de l’eau pour les mettre dans leur bouche.
- Ils tuent pour pouvoir vivre ? Ils vivent au détriment d’autres vies ? C’est horrible !
- Ce ne sont que des animaux ! intervint Lowell. Il n’y a rien de pire sur ce monde que d’être né Bête. Maintenant, si nous pouvons repartir tout de suite…
Il reprit la marche seul, avant d’être suivi par le reste de la troupe. Tout en marchant, Newton tentait d’en savoir plus auprès de Fenris, resté un peu en arrière.
- Comment se fait-il que tu en saches autant sur les Bêtes ? demanda-t-il avec une grande soif de connaissances.
- Qu’est-ce que cela peut faire ? demanda Fenris en commençant à s’énerver. Pourquoi poser autant de questions si tu n’utiliseras pas les réponses pour la cause de la mission ?
- Je ne sais pas, protesta Newton. J’avais juste envie de savoir.
Fenris resta longuement silencieux. Newton se demandait pourquoi le stratège réagissait ainsi. Il ne pouvait deviner que son compagnon devenait nerveux face à sa ressemblance surprenante avec les Bêtes, tant physique que mental. Comment pouvait-il savoir que cette soif de connaissance qu’il cherchait à apaiser s’appelait la curiosité et qu’elle n’était connue que des stratèges chez les autres Mechons ?
Devenant nerveux face au silence de Fenris, Newton tenta de trouver un autre thème de conversation, sans succès. Il avait découvert aussi que cette faune et cette flore que l’expédition traversait rendait totalement indifférent ses compagnons, alors que lui trouvait cette nature d’une beauté et d’une pureté extraordinaire. Quelque soit la conversation, Newton se retrouvait toujours en position défensive, ayant une opinion toujours différente de celle de ses frères. Ressemblait-il tant que cela aux Bêtes ? Serait-il donc un Mechon, le seul, le plus honteux de tous, qui ressemblait à ceux qui tuaient des animaux simplement pour “ se nourrir ” ? Pourrait-on le comparer à un animal ? Tant de choses se bousculaient dans sa tête… Avait-il mérité de naître et vivre ainsi ? Être incompris de ses frères, les dégoûter par sa ressemblance avec les Bêtes, qu’avait-il donc fait pour être ainsi puni par Mater ?
Peu à peu au fil des heures, les nuages s’amoncelèrent jusqu’à former un ciel d’un gris obscur. Au loin, mais se rapprochant de plus en plus, des éclairs bruyants et lumineux zébraient le ciel dans les ténèbres grandissantes. La nuit s’abattait peu à peu parmi la nature alentour et il semblait urgent pour les Mechons de trouver un refuge pour s’abriter de la foudre.
Déjà, les deux éclaireurs absents étaient revenu parmi la troupe afin de leur désigner une grotte trouvée au bas d’une falaise de pierre.
- Nous devons nous dépêcher, dit Shokarr à ses subordonnés. Poussez les Goliaths ou transportez les à la main s’il le faut, mais nous devons impérativement arriver devant la grotte avant la foudre !
Puis, réfléchissant à une stratégie pour aller plus vite, il ordonna aux mages de geler complètement l’herbe humide afin de créer un chemin de glace devant les Goliaths jusqu’à la grotte, dans le but que ces derniers arrivent en patinant, poussés derrière par les autres Mechons. L’idée était brillante, mais la foudre avançait beaucoup trop vite dans leur direction. Les quelques gouttes qui étaient déjà tombées se transformaient petit à petit en une pluie fine mais intense. Shokarr, calculant les probabilités, estimant les distances, prit une décision en tant que chef de groupe.
- Tous aux grottes, laissez les Goliaths avancer seuls !
- Si nous ne les aidons pas, le ciel les attaquera ! dit fortement Lowell pour se faire entendre à travers le vent qui soufflait de plus en plus fort.
- Si nous les aidons, nous nous ferons tous détruire. Courez vite vous abriter avant qu’il ne soit trop tard !
Les Mechons eurent d’abord un instant d’hésitation, mais finirent par suivre leur chef qui avait déjà commencé à courir, laissant tous derrière eux leurs deux frères qui continuaient à marcher le plus vite possible. Une fois à l’abris dans la grotte, le reste du groupe regardait les deux Goliaths traîner péniblement dans la pluie devenue beaucoup plus drue.
Tout à coup, un énorme éclair frappa l’un des deux Goliaths dans un grondement sinistre. Tandis que l’autre continuait à marcher sur un pas lourd, l’autre, foudroyé, s’était arrêté et laissait échapper, au lieu de l’habituelle respiration sifflante et bruyante, des claquements secs et rapides mais de plus en plus espacés, jusqu’à ce que finalement plus aucun son ne sortit. Son frère, quant à lui, put rejoindre le reste de la troupe à l’intérieur de la grotte, à l’abri de la foudre et de la pluie.

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