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Le soleil rouge rayonnait de mille feux, dardant le paysage de ses piques lumineuses, répandant sa chaleur au gré du paysage, qui déjà s'affaissait devant son passage. Toute la végétation se recroquevillait devant la fraîcheur.

Bienvenue sur Clamitonia, où il fait plus de cinq cents degrés le jour, mais la température est plus généreuse dans ce qui devrait être la nuit : seulement mille cent cinquante degrés Celsius. Et dire que sur certaines autres planètes, le moindre degré était capital. Allez savoir pourquoi.

Le monde avait changé paraît-il. On croyait que les scientifiques seraient mécontents, mais le résultat qui parvint à la fin du Cycle était d'après eux "tout à fait conforme à leurs espérances". Allez savoir pourquoi ça l'était : la température avait soit disant baissé, la végétation ne mourait pas, l'espèce était restée identique. Je ne vois pas en quoi tout ça a changé.

Ça et là, quelques explosions. Les Forces Armées du Gouvernement repoussaient l'assaut des Forces Anti-Militaristes. Les arcs de ces derniers réduisaient en charpie les troupes des FAG, mais cela était normal.

La nourriture en rations, les activités sportives également. Comment faisait-on pour avoir aussi peu de ressources ? En plus, tout ce que le peuple voulait, c'était refusé. "

Il est 5 heures et demie du matin, et Raself rentrait chez lui, dans la pénombre de la nuit. Il s'était arrêté sur un banc pour lire son bouquin, tranquillement. Il le ferma, puis le jeta dans la poubelle située à sa droite. Ce genre d'histoires était ridicule. Le titre lui avait semblé bien : "Le Monde à l'Envers, et autres différences ". Ridicule.
Comment un livre pouvait être aussi barbare ? Tout était différent d'ici, sur Tryul. Les mots d'ordre de cette planète était Patience, Générosité et Paix. Ce système fonctionnait depuis les temps illustres, au moins... Raself ne le savait pas en fait. Il n'avait jamais été bon en histoire. Lui c'était le génie technologique sa passion. La technologie dans ce monde féerique.

Il sortit de la bulle gravitationnelle, tout en prenant le soin d'activer ses chaussures à gravité. Il ne valait mieux pas se retrouver dans les airs, à flotter pour l'éternité. Surtout que l'éternité c'est long...
Un peu partout, des bancs entourés de bulles identiques à la sienne, étaient disposés, parfaitement, parallèlement. Tout ça était de lui. C'était Raself qui avait inventé les bancs, les bulles, les poubelles, tout, lui qui possédait le titre de "Grand Inventeur". Tout le monde le saluait, même si c'était assez bref. Une voiture passa.

Tout, tout, tout ! Toutes les innovations techniques étaient de lui. Tout était sorti de son cerveau à lui, et personne n'essayait de le contredire, ni de lui faire concurrence. Mais malgré tout ça, il ressentait quand même un vide. Quelque chose manquait sur cette planète, mais quoi ? Bah... Raself trouvera bien quelque chose.

Il rentra chez lui, pour retrouver son appartement chéri. Tout était bien rangé, classé, trié, nettoyé. La maison idéale. Il regarda par la fenêtre, la ville qui s'étendait sous ses yeux. Il avait oublié qu'il habitait le plus grand immeuble de la ville, c'était pour ça, mais il s'émerveillait quand même à chaque fois qu'il contemplait le panorama. Il se servit une limonade, de Raself Industrie évidemment. Partout, son nom était gravé, peint, affiché. Il était même rentré dans l'Histoire de Tryul. Mais c'était bizarre, car la page sur laquelle on avait écrit ça était la première du livre. Bah... du moment qu'il vivait heureux. Il s'attela de nouveau à sa contemplation. Au loin, le Mur, qui séparaient les Tryuliens de... De quoi déjà ? Aucune importance.

Il vérifia son agenda. Libre. Son Bonheuromètre grimpa encore plus, pour atteindre son apogée. Il allait pouvoir faire ce qu'il voudrait de sa journée. Que pouvait-il bien faire ? Une sieste semblait convenable.

Raself se dirigea vers sa chambre, et se mit tranquillement dans son lit douillet. Une femme apparut au plafond. Elle était belle : une brune, dans une grande robe noire. Elle commença à chanter d'une voix divine, une mélodie entraînante. L'inventeur s'endormit sur-le-champ.

Son sommeil fut remplit de fées, de gens divers qui l'accompagnaient le long d'un couloir. Tout était d'un blanc immaculé. "Le Paradis" lui avait dit une jeune dame un jour, qui lui caressait le front, tandis qu'il se réveillait. Il ne l'avait plus jamais revue.

Il se réveilla, ouvrit les yeux. Une femme familière se tenait au bout du lit, les mains sur les hanches, une expression de colère imprégnée dans le visage. Elle s'en alla. Aujourd'hui, elle avait mis une chemise noire, avec une robe noire également. Que de gaieté exprimée aujourd'hui !

Mais quand il regarda plus attentivement les alentours, il remarqua qu'il faisait encore nuit. Comment avait-elle pu pénétrer dans sa chambre la nuit ? Mais elle n'était pas sortie. Elle attendait là, non loin du lit, les mains toujours sur les hanches, sauf qu'elle avait changé de tenue. Elle portait maintenant une grande robe noire. C'était la même femme que sur le projeteur holographique, sauf que celle qui se tenait devant lui était rousse. Il se rappela au dernier moment de qui il s'agissait : sa femme, à lui. Comment s'appelait-elle déjà ? Ah oui, Julia, c'était ça. Il fallait qu'il invente un système permettant de ne pas perdre la mémoire un de ces jours.
- Bien dormi chéri ?
Il laissa échapper un son sourd comme approbation. Julia avança, et s'allongea sur le lit, à ses côtés. Ils s'enlacèrent, puis s'endormirent. Il ne pouvait rêver mieux comme situation. Il fallait dire aussi que personne n'était pauvre ou malheureux dans Tryul, grâce à Raself. Il donnait régulièrement de l'argent à tout le monde. Les mots "malheur", "tristesse" et "peine" n'existaient pas ici.

Le réveil sonna. Raself laissa sa femme dormir, tandis qu'il se levait. Il prit sa douche, déjeuna, enfila son costard puis partit faire la visite de la ville. Le Mur était toujours aussi splendide : au départ fait de pierres lugubres, les habitants l'ont décoré au fil du temps, par des peintures, et plein de choses de ce genre. Le vide à l'intérieur de l'Inventeur se ressentait de plus en plus. Tout le monde aujourd'hui le regardait encore. Sauf que cette fois, ils ne disaient pas "bonjour" d'une voix claire et chaleureuse, mais un bonjour rapide, presque sec des fois. Que se passait-il ? Étaient-ils tous en attente d'une nouvelle invention ? Ou en train de lui faire une surprise peut-être. Qui aurait donc organisé cela ?

Il regarda le Mur. Les statues étaient toujours là, en train de scruter l'horizon de leurs yeux de verre. Il croisa un Ancien, mais ce dernier ne lui adressa même pas un mot. Ah ! C'était vrai ! Les Anciens ne parlaient jamais. Il savait maintenant son invention du jour au moins.

Il régla ses chaussures sur le mode maximal, et bondit jusqu'à son atelier. En moins de trente sauts, il traversa Tryul. Immédiatement, il se mit à dessiner des plans farfelus, et à gribouiller du texte un peu partout. L'inspiration était sa principale source de vie, et la sienne était intarissable. Il allait vivre éternellement avec un peu de chance. Il se planta ensuite devant son ordinateur, et ses doigts voltigèrent sur le clavier, tel des oiseaux virevoltant en plein vol. Encore un produit de Raself Industries !

Elle se réveilla dans le lit douillet. Comment s'appelait-elle ? Julia voilà. Et son mari... Raself. Elle sentit une petite piqûre au niveau du cou, puis sa vision s'obscurcit, tandis qu'elle sombrait dans les profondeurs du sommeil, encore. Comme si elle n'avait pas assez dormi aujourd'hui.

Une heure plus tard, le premier prototype était conçu. Un petit cercle à ingurgiter, une fois pour toute. Les résultats étaient une disparition de la perte de souvenirs. "Le souvenir est une chose précieuse" avait-il lu, il n'y avait pas si longtemps. Mais seuls les Anciens n'oubliaient pas. Tout le reste de la population avait ces trous de mémoire en matière de l'Histoire. Il faudrait qu'il demande un jour aux Anciens pourquoi ils se rappelaient toujours tout.

Il prit une vingtaine de cercles, et les mit dans un petit sachet. Distribution gratuite. Cela ferait encore des heureux, si l'on n'est pas assez heureux déjà. Le souvenir... Rien qu'à cette pensée, Raself en jouissait d'avance. Il avala un des prototypes, puis sortit faire sa distribution. Dix-huit au total seraient distribués à la populace, le dernier était pour Julia. Tiens... l'objet faisait déjà effet : il se rappelait le nom de sa femme.

Elle se retrouva dans une pièce assez sombre. Sombre ? Mais comment cela était-il possible ? Les pensées sombres n'existaient pas à Tryul. Elle devait faire un cauchemar. Mais ils n'existaient pas non plus ! Comment pouvait-elle penser ça ? Des choses... Horribles. Elle se prit la tête de ses mains, et s'affala à terre. Quand elle ouvrit de nouveau les yeux, ce fut pour voir des paires de bottes, vert foncé. Une voix forte et caverneuse parla :
- Qu'est-ce que vous faites là, vous ? C'est une propriété privée !
Foutez-moi le camp ou j'appelle la garnison ! La garnison ? Qu'est-ce que c'était ? Elle était incapable de parler. Elle ouvrait la bouche, mais aucun son n'en sortait. Aucune autre solution : elle fuit. Alors qu'elle passa la porte, elle atterrit dans un grand jardin, remplit de plantes... Mortes, grisâtres. Cela puait le charnier. Elle leva les yeux, pour apercevoir un grand mur, fait de dalles aussi sombres que la nuit. Où était-elle ? Derrière elle, l'homme resurgit, brandissant une fourche dans sa direction. Elle tenta de crier mais ne réussit pas. L'outil se planta en plein dans son ventre, irradiant son corps de douleur. Elle ferma les yeux sous la douleur, et commença à pleurer. Elle les ouvrit... Les draps étaient trempés de sueur.

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