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Je vous propose aujourd'hui un petit voyage dans le temps, à l'époque où les machines alignaient fièrement leurs processeurs 16 bits accompagné de 1 ou 2 méga-octets de mémoire pour les plus chanceuses d'entre elles. Ces limitations techniques n'étaient pas pour autant un frein à la création vidéo-ludique, puisque de grands jeux sont nées à cet époque. Les modules audio sont une des preuves de l'ingéniosité débordante des premiers développeurs, des chevaliers de l'informatique adepte des BBS (ancêtre des forums) dont le surnom "Hackers" était alors une marque de prestige.
Les premières consoles de jeux pouvaient se contenter de leurs sons "chip-tunes", les petites musiques entraînantes de Mario et Wonder Boy sont encore dans toutes les mémoires.
Mais ensuite, pour créer des jeux de plus grande envergure, il fallait passer à l'étape supérieure au niveau des rendus graphiques et sonores. Bien que le hardware avait remarquablement progressé au milieu des années 80, il restait nettement insuffisant pour supporter des médias en haute définition. Il faut également prendre en considération que le marché devait s'adapter au public en proposant du matériel performant et au moindre coût. Vu son prix à l'époque, personne ne pouvait investir dans un PC juste pour jouer, cette machine était alors cantonné à une utilisation professionnelle.
L'Amiga est une des machines qui apporta une réponse à cette problématique. Chimère hybride pouvant cumuler les fonctions de console de jeu et d'ordinateur personnel simplifié, elle restait chère mais plus abordable que le PC. De plus il a déjà les prémices des architectures des consoles modernes, avec des composants dédiés pour certains effets graphiques et surtout des co-processeurs ayant la gestion du rendu sonore. Le processeur central ainsi délesté, toute sa puissance de calcul est libérée et permet une bonne fluidité du programme.
En réalité, l'idée du « module audio » est très ancienne, puisqu'on peut l'attribuer aux « automatophones » mécaniques du 17eme siècle (merci wikipédia !), autrement dit du bon vieil orgue de barbarie. Remplacez la manivelle par un timer et la boîte à soufflets par une archive regroupant des sons 8 bits bien couillus , il ne reste que le carton perforé qui est désormais inutile. A la place, c'est toute une partition qu'il est possible de faire défiler ! Le principe est donc simple comme bonjour, plutôt que je jouer un seul son numérique trop indigeste pour le processeurs, c'est une myriade de petits sons qui sont joués dans un ordre précis et qui peuvent l'être plusieurs fois dans le même temps.
Légende : Smooth McGroove reprend le même principe avec originalité, avec une vidéo par voie audio, le tout composant le module.
Si l'Amiga pouvait nativement jouer 4 canaux simultanément, les possibilités furent rapidement doublées grâce à des techniques de programmation. C'est ainsi que naquirent les premiers Tracker , outils de création musicale 100% numérique. Le principal intérêt de ce format est aussi son fantastique taux de compression, puisque vous pouvez très bien composer des heures de musique avec le même pack de son, la partition ne pesant pas plus lourd qu'un fichier de texte brut.
Cette technique a permis la création de véritables petits bijoux, permettant une créativité sans limite. Grâce à la souplesse du tracker , il est possible de réaliser une musique dynamique qui peut évoluer en fonction du contexte affiché à l'écran, sans transitions, sans coupures et sans ruptures. De plus il est également possible de donner des effets divers aux sons utilisés, comme l'on ferait sur un échantillon d'image pour l'assombrir ou l'éclaircir, avec toute une panoplie d'effets disponibles.
A titre de comparaison, si vous tendez l'oreille sur les jeux actuels, vous vous apercevrez que des subterfuges sont utilisés. Exemple avec « Sins of a solar Empire » : une musique est utilisé en vue galactique, puis lorsque vous zoomez sur une planète la musique fait un fade out vers une musique complètement différente. Puis en dé-zoomant de nouveau la musique en vue galactique reprend là ou elle s'était arrêtée avec toujours un système de fade out comme transition.
Légende : La musique du jeu "Chaos Engine" évolue sans ruptures ni transitions en fonction des zones explorées dans une même map.
Le PC profita également de cette technique à la fin des années 90, dès que l'informatique domestique c'est popularisé et avec l'aide des cartes sons. Mais la tare génétique apportée par les sons midi ne se tue pas immédiatement, car même si le hardware était présent, encore fallait-il l'exploiter. Ce fut enfin le cas à l'approche de l'an 2000 pour Unreal qui donna une identité originale au jeu mais aussi à tous les jeux utilisant le même moteur, tels que Deus Ex ou Runes .
Il est également étonnant que cette technique n'ait pas été utilisée non plus pour les débuts d'internet et de la téléphonie mobile. Les seules possibilités était les infâmes midi ou les trop lourds mp3. Pourtant il existe des plugins pour exploiter les modules dans les pages web, mais victime de leur méconnaissance, les rares personnes qui les utilisent se retrouvent tout aussi seules à pouvoir afficher cet additif custom dans leurs navigateurs.
Reste les programmeurs de la demoscene , ce petit monde de l'art alternatif qui compose de manière optimisée des spectacles en son et lumières pour leur seul plaisir. On pourrait par la même occasion parler des techniques de dé-pixelisation pour les images de faible résolution, même si le principe est différent l'idée reste la même : comment faire mieux, avec peu.
Légende : Célèbre demo Amiga du groupe Spaceballs.
De nos jours, les machines ont une telle puissance que l'on n'accorde plus grand cas à ces méthodes de production. Les logiciels de création musicale proposent d'incorporer directement des « samples » en haute définition dans une multitude de canaux, quant aux jeux, ils sont de plus en plus réalistes mais aussi de plus en plus gourmands en ressources.
Qu'à cela ne tienne, les fabricants de hardware sortiront une machine qui sera au niveau, même si il est possible d'avoir le même rendu en imaginant différentes techniques software . On peut alors se demander si les contraintes techniques de l'époque n'était pas un vecteur de création plus puissant, c'est peut être une raison pour laquelle certains jeux d'aujourd'hui peuvent paraître si vide malgré un rendu de haute définition. Mais cela est une autre musique !
posté par Human Ktulu il y a plus de 10 ans , édité par Ertaï il y a plus de 10 ans
Pas de souci, j'ai surtout corrigé beaucoup de fautes d'accord et de conjugaison
Human Ktulu il y a plus de 10 ans
J'ai omis de te remercier pour le coup de main sur la mise en page, voila chose faite
Ertaï il y a plus de 10 ans
Pareil, je ne savais pas qu'il y avait quelque chose à côté du MIDI et des samples. A propos des téléphones portables, cependant, mon vieux Nokia n'avait ni banque midi, ni samples numériques. Tu pouvais créer une sonnerie toi-même en définissant la durée et la hauteur des notes. Bon après il n'y avait qu'une seule piste, mais des gens arrivaient quand même à simuler des morceaux multi-pistes avec des astuces de contre-temps...
Personnellement, mon premier contact avec la création musicale assistée a été avec Dance eJay qui permettait de combiner visuellement les samples sur plusieurs pistes, avec une fonction de magnétisme pour permettre l'enchaînement des samples sans coupure.
Aka Guymelef il y a plus de 10 ans
Mmmh étonnement j'associais ce genre de technologies avec le midi justement or tu semble bien faire une distinction entre les deux ?
Human Ktulu il y a plus de 10 ans
Si on compare les modules à Smooth McGroove, alors les midi ressemblent à peu près a ça : http://www.youtube.com/watch?v=yHJOz_y9rZE
Aka Guymelef il y a plus de 10 ans
Je vois bien que tu ne porte pas dans ton cœur le format MIDI mais même l'analogie que tu donnes me laisse perplexe. Une petite explication plus technique serait la bienvenue
Human Ktulu il y a plus de 10 ans
Salut,
Je ne connais pas suffisamment ce format pour te donner une raison purement "technique". Néanmoins pas besoin d'être un virtuose pour se rendre compte de quel coté se trouve le massacre auditif entre un jeu PC pré-1999 et Amiga.
En fouinant il apparait que le format midi est a la base un protocole de communication entre des instrument de musique et un enregistreur numérique. Il est indiqué que ce format supporte 16 voies, mais j'ai rarement entendu des midi de jeux PC faire plus de 2 voies ... une limitation du hardware PC ?
En tout cas voici la tête d'un logiciel de création midi : http://freewares-tutos.blogspot.fr/2010/10/aria-maestosa-un-editeur-midi.html
Ça ne ressemble pas trop à du tracker ...
Human Ktulu il y a plus de 10 ans
Salut,
J'ai un peu creusé et trouvé la différence fondamentale entre le format tracker et midi.
Le fichier midi ne comporte qu'une partition comportant des notes et des instruments normalisées selon des critères constructeurs (iso). Si tu as le midi d'un synthétiseur, tu peut utiliser ce midi pour le lire sur le synté. C'est un peu comme une sauvegarde donc. Sur PC, c'est le lecteur qui comporte les sons pré-déterminés, voila pourquoi les midi se ressemblent tous : ils utilisent tous la même base de donnés de sons. La qualité du rendu dépend donc du player et de la manière dont a été constitué le midi.
Les tracker permettent bien plus de diversité puisqu'il est possible de jouer n'importe quel son numérique, son qui est stocké dans le fichier même. Autrement dit chaque module comporte sa propre base de donnée de sons.
En espérant avoir été suffisamment explicite
Ertaï il y a plus de 10 ans
Merci pour l'explication, et ça donne du sens à une phrase que tu as écrite dans ton article :
Le principal intérêt de ce format est aussi son fantastique taux de compression, puisque vous pouvez très bien composer des heures de musique avec le même pack de son, la partition ne pesant pas plus lourd qu'un fichier de texte brut.
Cette citation faisait aussi penser au MIDI car tu n'avais pas indiqué que le pack de son pouvait être joint (ou est joint en standard ?) au fichier final. Le gain de place est effectivement de plus en plus intéressant à mesure que le morceau est long, car la partition doit représenter une petite fraction du poids du pack de son.
Aka Guymelef il y a plus de 10 ans
Merci pour l'explication. Cela explique aussi pourquoi les anciens jeux MIDI avaient une sonorité différente suivant la carte audio puisque j'imagine que c'est justement la carte audio qui devait amener sa banque de sons.
Ertaï il y a plus de 10 ans
Oui, chaque carte fabricant de carte son a sa banque de son préférée, et puis il est possible d'en télécharger d'autres. C'est l'un des avantages mais aussi l'un des inconvénients du MIDI : les fichiers ne pèsent rien, mais le rendu peut changer du tout au tout entre deux restitutions si la banque de sons n'est pas la même.
Human Ktulu il y a plus de 10 ans
Salut, merci pour ces précisions !
Perso je n'ai jamais été botté par les Amiga NG. Oui l'Amiga m'a donné l'occasion de vivre une expérience unique (maitriser à 100% une machine ainsi que son OS offre moultes possibilités), mais j'ai été d'avantage attiré par les jeux. Aujourd'hui un PC me convient mieux, même contraint et forcé d'utiliser cet OS obscure qu'est XP, car cela offre le meilleurs accès à la ludothèque.
D'ailleurs c'est ce que je dit toujours, Windows sert à jouer, si c'est pour uniquement utiliser des applications bureautiques, on trouve bien mieux sous linux.
SpiceGuid il y a plus de 10 ans , modifié il y a plus de 10 ans
Les chipsets Amiga avaient de jolies surnoms féminins (Denise,Paula,...). Paula gérait une partie du son tandis que Denise gérait plutôt le graphisme. J'ai donné mon matériel et ma Bible de l'Amiga (le tout pour 20€ symboliques) à un nostalgique. Paula ne gérait que 4 canaux audio, OctaMED en simulait 8 en utilisant le cpu pour faire le mixage. Sur la capture d'écran on reconnaît les widgets standard de la GadTools.library .
Cette machine de légende qui avait évolué vers l'Amiga 600, Amiga 1200 et Amiga 4000, a laissé derrière elle un double héritage, matériel et logiciel :
Le matériel a évolué vers le PowerPC, une déclinaison desktop des cpu workstation IBM, les même modèles qu'utilisés par les Power-Mac d'Apple. D'ailleurs la pression de la demande Apple et la restriction de l'offre IBM ont eu deux conséquences : d'abord une pénurie de cpu pour les Amiga-compatibles, IBM préférant fournir prioritairement Apple, puis finalement une lassitude d'Apple qui s'est tourné vers Intel.
Au niveau matériel il existe plusieurs modèles PowerPC. Le Pegasos (une machine à part) ainsi que de nombreux modèles Apple-PowerPC peuvent être équipés du système MorphOS (une évolution de l'AmigaOS vers le toolkit MUI).
Les autres machines AmigaOS 4 supportent une évolution de l'AmigaOS vers le toolkit Reaction.
Tous ces matériels et systèmes propriétaires sont encore disponibles sur le marché du neuf ou de l'occasion.
Enfin il existe AROS , un projet libriste de clone de l'AmigaOS 3.5
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Ertaï il y a plus de 10 ans