Petit rappel historique
Je m'adresse ici aux vieux du Refuge, car le jeu dont je vais vous parler a bientôt 13 ans d'âge. Je veux parler évidemment de Total Annihilation, puisque sans lui Supreme Commander n'existerait sans doute pas. Souvenez-vous. Vous n'aviez pas tout à fait fini de vous émerveiller sur Warcraft 2, sorti l'année précédente, quand cette bombe débarque sur votre micro-ordinateur préféré.
Commercialement, c'est un pétard mouillé, le jeu se vend assez mal, mais pour ceux qui arrivent à en tirer la substantifique moelle, il devient un must-have incontesté. Car sous des dehors un peu austère, ce STR est en avance de 5 ans sur ses concurrents ? Trop d'avance tue l'avance ? Petit tour d'horizon des particularités de ce jeu :
- Une pléthore d'unités : dans quatre domaines distincts (robots, véhicules, navires, aéronefs) il y a 5 ou 6 unités disponibles pour chacun des 3 niveaux technologiques.
- Un relief crucial : pour la première fois dans un STR, le relief joue un rôle stratégique, arrêtant les tirs directs, offrant des avantages logiques à être au-dessus plutôt qu'en-dessous (et inversement, beaucoup d'unités ne sachant pas forcément tirer vers le bas). Pour rappel Starcraft, sorti 1 an après, gèrera le relief par une affreuse probabilité pour un tir d'en-bas de toucher une cible d'en-haut.
- Des unités full 3D : le thème des unités robotisées a permis de limiter le nombre de polygones par unité, ce qui rend ce jeu jouable dans un environnement technique dominé par la 2D. Les bénéfices sont nombreux : augmentation possible de la résolution (au-dela de ce qui avait été prévu initialement dans le jeu original), gestion de la ballistique des tirs (Starcraft : mouche à tout coup), orientation libre des unités... A noter qu'une centaine d'unités pouvaient être présentes à l'écran sans que le jeu bronche (l'ordinateur qui faisait tourner le jeu, si)
- Un système de gestion des ressources en flux tendu : pendant que les *craft faisaient la part belle aux péons et aux coûts de construction prélevés en bloc au début de la construction, et que les C&C & Dune misaient sur les moissonneuses donnant des gros revenus, tandis que les coûts de construction étaient répartis sur la durée de construction, Total Annihilation tire le meilleur de chaque système pour proposer des "flux" de ressources, exprimés en unités par secondes. Ainsi, une mine produira 2 unités de métal par seconde, et un constructeur pourra consommer de son côté 1.5 unité de métal par seconde, ce qui donnerait un surplus de 0.5 unité de métal ajoutée au stock chaque seconde. Les stocks sont limités également, mais des bâtiments permettent de repousser les limites pour avoir de meilleures marges de manoeuvres économiques. Poussant encore plus loin le détail, chaque ennemi abattu laisse une carcasse recyclable par les ingénieurs, offrant un petit bonus de ressources à qui contrôle le champ de bataille après l'escarmouche.
- Gestion de ligne de défense : Si Total Annihilation fournit des dizaines d'unités, il n'est pas en reste non plus côté bâtiments, notamment bâtiments de défense, chacun avec leurs forces et leurs faiblesses. Savoir combiner les différents types de tourelles est une science qui permet souvent de faire la différence entre une base bien défendue, et une base rasée.
Après lecture de cet inventaire, on peut se demander pourquoi Total Annihilation n'a pas été le succès planétaire attendu. La réponse est plutôt simple, elle tient dans le fait que Total Annihilation en fait tout simplement trop. Trop d'unités différentes, trop d'espace dans les cartes qui conduisait à des parties trop longues et trop complexes. Il est donc resté cantonné à une minorité qui ont tout de même pondu un nombre impressionnant de mods en tous genre.
Actuellement Total Annihilation est jouable via plusieurs mods de
Spring
, qui est un moteur de jeu open-source.
Ça suffit les vieilleries !
Si je vous ai parlé en long et en large de son ancêtre, c'est pour vous présenter en partie Supreme Commander, car il reprend la majeure partie des fonctionnalités de Total Annihilation tout en l'actualisant un bon gros coup. Petit tour d'horizon des grands changements par rapport à papy TA :
Un jeu racé
Si TA faisait se batailler sans relâche l'Arm et le Core à propos de l'épineux sujet des relations entre humain et machine, Supreme Commander propose trois nouvelles factions, que sont la Fédération Terrienne Unie (FTU), organisation militaire humaine classique, les Cybrans et leurs implants bioniques, et enfin les Aeons, fervents disciples de la philosophie d'une race extraterrestre décimée par la FTU.
Au contraire de Starcraft dont les races avaient chacune leurs unités propres, Supreme Commander propose globalement les mêmes unités pour chaque camp, avec de subtiles différences qui peuvent orienter les stratégies sans fermer complètement toutes les autres options.
Un arbre technologique simplifié
Si les trois niveaux de technologie sont toujours présents, des coupes franches ont été faites dans la liste des unités disponibles. De 4 types d'usines, on passe à 3 (les robots sont intégrés aux véhicules terrestres), il n'y a plus qu'un seul type d'ingénieur amphibie (contre 1 type d'ingénieur par type d'usine), et le nombre d'unité par niveau technologique a aussi légèrement diminué.
Il n'y a maintenant plus que trois grande catégories d'unités militaires terrestres : les unités d'assaut, les unités d'artillerie, et les unités anti-aériennes, ce qui est encore largement suffisant pour faire des combats variés tout en limitant la complexité de la composition d'armée.
A côté de ces allègements vis-à-vis de TA, de nouvelles unités font leur apparition dans Supreme Commander: les unités expérimentales. Au nombre de 3 ou 4 pour chaque camp, ces unités sont les plus puissantes de votre arsenal , et visuellement les plus grosses.
Le Fatboy de la FTU et le Czar Aeon
Pour puissantes qu'elles soient, ces unités ont pourtant toujours un point faible qui n'en font jamais l'unité universelle. Outre un coût prohibitif et un temps de construction démesuré, ces unités ont généralement la fâcheuses tendance à ne pas savoir correctement se défendre contre les bombardiers quand elles sont sur la terre ferme, ni contre les unités sous-marines quand elles parcourent les fonds marins.
Pour pierre angulaire d'une attaque frontale, elles n'en seront toujours qu'une composante, ne pouvant gagner seules une bataille (ou alors contre une base mal défendue)
Visuellement impressionnante, ces unités sont très gratifiantes à construire puis à diriger, tant l'impression de puissance est présente.
A noter que dans le lot des unités expérimentales se trouvent également des bâtiments d'artillerie à très très très longue portée qui sont généralement qualifiés de "game-enders" par leur capacité à précipiter la fin de la partie en faveur de celui qui a réussi à achever une de ces imposantes constructions.
Des graphismes suprêmes
Visuellement, Supreme Commander envoie du lourd, pour qui peut se le permettre. Unités détaillées, cartes gigantesques, effets visuels soignés sans être envahissant, on est là bien loin des graphismes de TA et de ses unités difficilement reconnaissables : allez dire la différence entre un cube et un cube ! Son support natif du double-écran ravira les aficionados des tours de contrôle et de leurs écrans multiples, au prix là encore de performances dégradées sur des machines peu récentes.
Et si à sa sortie seuls les plus fortunés pouvaient se permettre de pousser les détails graphiques à fond ou de placer la barre de limite d'unité à 1000, ce n'est plus le cas aujourd'hui, les cartes graphiques actuelles sont capables d'endurer une telle torture.
Mais à mon sens ce qui fait la grande force visuelle de ce jeu, c'est son outil de zoom qui rend obsolète le principe de la mini-carte, pourtant cher au genre. Tout simplement parce qu'on peut dézoomer d'un tour de molette de souris pour passer d'une vue rapprochée à avoir la carte entière dans la taille de l'écran.
Ce zoom est à mon avis le principal atout de Supreme Commander en tant que jeu de stratégie en temps réel : permettant de garder un oeil sur la situation globale puis la seconde d'après de micro-manager un combat, ce zoom est en fait ce qu'on a toujours voulu dans RTS : un contrôle absolu de l'action. En outre, avec cette capacité à dézoomer puis rezoomer rapidement, on peut très vite passer d'une escarmouche à une autre à sa base, etc...
En mode mini-carte, les unités sont remplacées par des icônes de différentes formes selon leur nature (bâtiment, robot, véhicule, avion, bateau...) frappées chacune d'un signe pour distinguer les différentes unités d'un même type, par exemple les unités de tir direct, d'artillerie, anti-aériennes. Petit plus très important, tous les tirs des unités sont représentés en mode mini-carte, ce qui permet de savoir qui tire sur quoi, pour les tirs d'artillerie notamment c'est très important. Cet affichage a pourtant ses limites, les tirs anti-aériens étant également représentés, il n'est pas rare de voir des bouquet de roquettes perdues s'égayer en tous sens sur la carte, donnant des impressions trompeuses d'un combat au sol acharné.
Bon, mais la campagne dans tout ça ?
La campagne est une composante importante dans Supreme Commander. Trois factions, trois campagnes, mais les concepteurs ont trouvé un moyen très futé pour diminuer leur charge de travail tout en renforçant la cohésion de l'histoire : vers la fin de la campagne de chaque camp, les cartes dans lesquelles sont jouées les missions sont les même, seul le camp contrôlé est différent.
D'autre part, aucun danger de s'ennuyer à recommencer une nouvelle campagne sitôt la précédente achevée : construite sur des modèles complètement différente, la mission d'introduction favorise pour chaque camp un type d'unité différent. La FTU se base sur ses véhicules, les Cybrans lanceront leurs premières offensives depuis les airs, tandis que les Aeons partiront à l'assaut des mers.
Enfin, il n'y a que six missions pour chaque campagne, mais chaque mission est elle-même découpée en 4 ou 5 sous-missions au début desquelles la zone parcourable de la carte s'agrandit au fur et à mesure de l'avancée des missions. Ceci permet de garder en place les bases et les armées construites pour partir à l'assaut d'un nouvel objectif, ou au contraire défendre un point stratégique capturé. Les missions sont donc prenantes car longues, généralement variées et surtout offrant une vraie continuité.
Malheureusement, à part ces quelques vraies qualités, le mode solo de Supreme Commander souffre de quelques grosses tares.
Une IA aux abonnés absents
Autant le dire immédiatement, les ennemis dans la campagne ne sont pas contrôlés par une IA, mais par de honteux scripts cousus de fil blanc. Apparition minutée de renforts depuis l'extérieur de la carte quand bien même il ne resterait plus aucune structure debout, reconstruction des bases (et des patrouilles) à l'identique en cas de dommages, c'est globalement peu gratifiant de venir à bout des ennemis, où c'est plus le temps mis que les stratégies déployées qui permettront de vaincre, spécialement dans les missions débutant en sous-nombre où il faut essuyer des attaques régulières pendant la fortification de la base principale, avant de renverser péniblement la vapeur en atteignant une capacité de production capable d'égaler puis de dépasser les vagues continuelles, identiques et prévisibles d'ennemis.
Les missions de destruction sont donc toujours longues et inutilement laborieuses à cause de ces script qui m'ont fort rappelés ceux que l'on met habituellement dans les campagnes Starcraft, notamment la campagne Dune, mais au moins dans cette dernière, les renforts arrêtent de venir une fois les bases adverses détruites.
Pas d'auto-save ?!
Les missions sont donc longues, entrecoupées d'agrandissement de la carte régulier, mais il peut arriver exceptionnellement que vous échouiez, soit parce que vous n'avez pas rempli un objectif principal, soit parce que vous avez perdu votre commandeur, qui vous représente. Pas grave, vous dites-vous, je vais recommencer à partir de la dernière extension de carte !
Que nenni !
A moins que vous eûtes sauvegardé manuellement précédemment dans la même mission, vous êtes bons pour tout refaire depuis le début de la mission, avec de nouveau l'inconvénient sus-cité. Mais pour moi, le jeu est tellement prenant qu'une erreur n'a pas suffit, je ne me suis fait avoir quasiment à chaque fois. J'ai ainsi perdu une quantité d'heures phénoménales à refaire depuis le début des missions finissantes.
Oui, c'était moi à la place du cratère
Enfin, les campagnes des trois camps souffrent d'un manque d'uniformisation au niveau de la qualité. Si la campagne Aeon offre des objectifs variés, dont une bataille contre son propre camp, la campagne de la FTU est beaucoup plus terne et monotone, avec peu de variété. La campagne cybranne se situe entre les deux autres, mais avec un bug dans une des missions qui empêche de la finir (un objectif fragile à défendre plus près des ennemis que de n'importe quelles troupes amies lors de l'extension de la mini-carte). Heureusement il existe un bouton "Passer" qui permet de sauter n'importe quelle mission afin d'avancer tout de même dans l'histoire, à part la dernière dont la pression sur ce bouton ne donne pas accès à la cinématique de fin.
Bref, les campagnes ne sont clairement pas le points fort de Supreme Commander, mais on les fera quand même, si comme moi on est nul en multi-joueur.
Ah oui tiens, d'ailleurs, le multi-joueur ?
Malheureusement comme je l'ai dit, je suis une bite en multijoueur, je n'arrive même pas à battre la meilleure IA sur des cartes moyennes à grande, non pas parce qu'elle est super intelligente, mais parce qu'elle peut gérer tous ses ingénieurs simultanément, ce que je ne suis pas du tout capable de faire. Avec a la clé une supériorité économique mathématique et une vdéfaite rageante au marteau-pilon.
Donc je n'ai pas tenté de me faire étriper sur Internet, mais d'après la richesse du jeu, ce doit être très très très intéressant tant les stratégies que l'on peut mettre en place sont diverses et variées. Attaque de front, drops, pilonnage d'artillerie, harcèlement aérien, tout est possible, et à part les premières minutes de jeu, il ne sera pas possible d'établir un build order fiable sur une partie entière.
T'es nul en multi, soit, mais t'as aimé quand même ?
Pour moi, Supreme Commander, ou SupCom ( vu le temps qu'on a passé ensemble, je peux bien l'appeler par son petit nom) remplit parfaitement son rôle de successeur de Total Annihilation en se débarrassant des éléments trop fouillis tout en ouvrant de nouvelles voies pour le genre avec une maniabilité encore jamais atteinte jusque là dans un jeu de stratégie en temps réel, et si le jeu solo est trop imparfait pour être recommandé, il pourra toutefois constituer une antichambre intéressante pour le multijoueur, pour lequel Supreme Commander semble taillé.