Mais tout d'abord,
les jeux vidéo en accès anticipé
, qu'est-ce ? Cela désigne la diffusion payante de jeux vidéo en cours de développement, en beta voire même en alpha. Les joueurs obtiennent avec le prix convenu le droit de jouer au jeu dans l'état actuel et celui de recevoir toutes les mises à jour gratuitement jusqu'à la sortie officielle du jeu. Les studios de développement de jeu vidéo les plus téméraires vont même jusqu'à impliquer très fortement les joueurs ayant acheté l'accès anticipé dans le processus de conception du jeu via des outils de propositions de fonctionnalité ou des sondages. mais d'où cela est-il parti ?
Les origines de l'accès anticipé, le crowdfunding
Pour comprendre l'origine de l'accès anticipé, il faut revenir à l'apparition du crowdfunding. Ce modèle de financement par la foule permet à l'équipe d'un projet quelconque de ne pas avoir à démarcher des fonds d'investissement ou des banques afin d'obtenir un capital suffisant pour mener à bien leur projet. Au contraire, le but du crowdfunding est de convaincre directement les bénéficiaires potentiels ou de gentils bénéfacteurs de l'intérêt du projet. A ce titre, des sites comme
Kickstarter
ou
Ulule
ou encore
IndieGogo
ont donné le ton de ce modèle. Une campagne de crowdfunding a une date limite, date à laquelle les sommes promises sont versées à l'équipe projet ou remboursées aux internautes si un seuil de contributions n'a pas été atteint, selon la modalité choisie. Une campagne comporte également des paliers de dons progressifs ouvrant à des avantages de plus en plus grands pour le bénéfacteur. Copie physique du jeu, mentions dans les crédits, voir même nommage d'un élément du jeu. A ce titre,
la page de crowdfunding de Prison Architect
[en] représente bien les possibilités de palier.
Tout l'intérêt de ce modèle réside dans le fait que l'équipe projet sait à l'avance quelles vont pouvoir être les prétentions dudit projet. Une campagne comporte généralement un but pécunier minimum à atteindre, et propose souvent dans la description des objectifs supplémentaires chacun assortis d'un bénéfice promis pour le produit final. De nouveaux niveaux, de meilleures textures, ces buts sont généralement facultatifs mais permettent de maintenir l'attrait de la campagne de crowdfunding même après que le but initial ait été dépassé.
L'autre face du crowdfunding, c'est l'accès anticipé, qui permet de vendre directement le jeu bien avant sa sortie, souvent avec un rabais vu l'état du jeu. Ou pas. Certains ovnis comme
Planetary Annihilation
proposent l'accès anticipé au jeu pour $90, soit 2 ou 3 fois le prix final du jeu. Mais ce modèle-là, vous le connaissez bien puisque
Minecraft
en a usé avec le succès qu'on lui a connu. Parti d'un seul développeur, ce projet a réussi à réunir assez d'argent pour financer la création d'un studio de jeu vidéo au grand complet.
Pour autant, l'accès anticipé n'est pas sans risque, ni pour le studio, ni pour le bénéfacteur.
Les risques du crowdfunding et de l'accès anticipé
En effet, le studio promet aux bénéfacteurs le jeu dans sa version finale, mais une promesse n'engage que ceux qui y croient, un corbeau a un jour paumé un fromage pour nous l'apprendre. Il est possible et courant que les joueurs impatients se retrouve au final avec une énième version 0.784b d'un jeu non fini relevant plus de la démo technique de ce qu'on est en droit d'attendre d'un jeu vidéo complet.
Le malaise peut être encore plus grand pour les studios qui souhaitent se lancer dans ce genre d'aventure. Tout d'abord, lancer une campagne de crowdfunding n'est pas gratuit. Il représente un investissement initial généralement important. Car pour convaincre des joueurs à soutenir financièrement un projet dont ils ne verront peut-être jamais la fin, il faut avoir quelque chose à montrer. Le design et le style graphique sont prépondérants à ce stade. Une vidéo de présentation est, sinon obligatoire, fortement recommandée.
D'après
la page de statistiques du site Kickstarter
, seuls 35% des projets de jeux vidéo réussissent à atteindre leur but de financement. Ce modèle de financement est donc risqué des deux côtés. Du côté du joueur, il n'y a aucune assurance qu'il pourra un jour mettre la main sur le jeu dans sa version finale. Du côté du studio, il n'y a aucune assurance du succès de l'opération malgré un coût initial non négligeable.
Et encore. Même une fois le but initial de financement atteint, rien n'est joué. Si le studio a décidé d'impliquer les joueurs dans le processus de conception ou d'animer une communauté, une partie des fonds reçus serviront à payer une ou plusieurs personnes dont la tâche sera de gérer cette communauté. Pour les jeux en accès anticipé, il y a tous les coûts de communication pour faire connaître le jeu alors qu'il n'existe pas encore complètement. Autant de dépenses qui n'ont pas directement trait au développement du jeu en question.
D'autre part, le but de financement qui a été établi empiriquement représente ensuite pour le studio une contrainte extrêmement forte une fois que le projet est financé avec succès. Même en dépassant ce but largement, il arrive que le studio se retrouve un peu limite pour réaliser le jeu qu'ils ont promis. C'est ce qui est arrivé au studio Double Fine qui avait réussi en 2012 à financer
leur jeu Double Fine Adventure à hauteur de plus de 3,3 millions de dollars
pour un but initial de 400 000 dollars. Dirigé par Tim Schafer, auteur entre autres de
The Day of the Tentacle
, ce dernier annonçait en Février dernier qu'ils avaient eu des illusions de grandeur pour le jeu, et qu'ils devraient soit trouver un nouveau financement, soit réduire les fonctionnalités promises.
Ce jeu a ramassé 3,3 millions de dollars. Et ouais.
Enfin, l'autre limite du crowdfunding, que ce soit par une campagne Kickstarter ou par un accès anticipé, c'est la popularité du projet. En effet, si le jeu vidéo promis sort un jour en version finale, il aura déjà été vendu des milliers voire des millions de fois à prix réduits aux bienfaiteurs initiaux du projet. C'est autant d'achats au prix standard qui ne se feront pas. L'afflux initial d'argent ressemble à une mine d'or inespérée pour un studio en mal de financement, mais il pose de grosses contraintes pour la pérennité du studio s'il n'est basé que sur ce genre de projets.
Mon avis sur l'accès anticipé
Ne connaissant pas du tout le milieu professionnel du jeu vidéo, je ne sais pas à quel studio ou quels membres particuliers d'un studio faire confiance. On l'a vu avec Tim Schafer, même dans le cas d'un nom très connu du jeu vidéo, il arrive qu'il y ait des anicroches avec ce modèle de financement.
J'ai quand même tenté l'aventure, je possède actuellement 4 jeux sur Steam en Accès anticipé :
Prison Architect
,
Towns
,
Kinetic Void
et
Folk Tale
. Ces 4 jeux ont la particularité d'être tous des jeux de gestion/construction type bac à sable (sandbox en anglais). Sans trame historique ni objectif clairement défini, ce genre de jeux vous permet de fixer vos propres objectifs. Le problème est que je n'ai pas envie de recommencer une partie de chaque jeu aussitôt d'une mise à jour est disponible. Je suis ainsi allé au bout des possibilités de
Towns
et
Prison Architect
, mais tout comme les 2 autres, j'attends qu'il soit en version finale si jamais cela arrive un jour pour y retourner.
Kinetic Void
n'est pour l'instant rien de plus qu'une chouette démo technique de l'éditeur de vaisseaux spatiaux sans qu'il soit possible d'intéragir avec quoi que ce soit d'autre dans l'univers. Enfin,
Folk Tale
n'a tout simplement pas fonctionné chez moi.
Je pense qu'à l'avenir je serai beaucoup plus précautionneux que je ne l'étais jusqu'à présent à propos des jeux en accès anticipés, car pour l'instant j'ai l'impression d'avoir payé maintenant un jeu auquel je ne voudrais finalement jouer que dans plusieurs mois. Ne participant pas aux différentes communautés regroupées autour de ces jeux, je ne gagne vraiment rien à l'accès anticipé.
Et vous, avez-vous déjà tenté l'expérience de l'accès anticipé ? Qu'en avez-vous pensé ?