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J'ai vaincu la solitude.

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Sbirematqui



Expert en Cachalots


Le combat fut bref, ce fut presque même trop facile,  je brisais en deux la solitude, elle n'était plus.

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On conçoit souvent la solitude comme le fait malheureux d'être seul, la méprise est telle que même certains dictionnaires en ont fait une définition. La solitude est partout dans le monde moderne, la preuve, des psychiatres très sérieux se succèdent sur la scène et posent un diagnostic très sérieux : "Mme Société, vous avez attrapé la solitude !". Le constat est le suivant :

Mr. Individu est seul.

On apprend à Mr. Individu depuis tout petit que le but de sa vie est de réussir, mais personne n'y croit, ça ne suffit pas, vient un moment où ça ne suffit plus. Quand l'individu fait l'horrible constatation qu'il est dépassé par ce monde atrophié, il devient seul. Quand l'individu prend conscience qu'il s'accroche désespérément à des volutes d'éther, il devient irrémédiablement seul. Il a attrapé la solitude. Certains individus attrapent la solitude sur leur lit de mort, d'autres à leur départ à la retraire, encore d'autres à leur demi-vie, certains encore plus tôt, certains jamais. Chacun a son remède pour fuir la solitude, la plupart finissent par se faire prescrire des petits pilules de médicaments aux noms étranges, certains préfèrent la dépendance, l'alcool, la drogue, l'amour, d'autres se noient dans leurs relations sociales, et encore d'autres ne peuvent supporter tant de solitude et préfèrent l'ultime union, la mort.

La mort. On dit que les gens en deuil se sentent seuls au milieu d'une foule, la solitude serait-elle donc contagieuse ? Faut-il brûler les corps des gens morts seuls pour éviter la pandémie ? D'autres encore attrapent la solitude en même temps que l'existence, d'aussi loin que remontent leur mémoire, ils sont seuls dans une foule. Sont-ils en deuil ? Deuil de leur précédente existence, deuil d'une âme face à la mort d'une époque, deuil de Fred la souris morte dans son enfance ? Toujours est-il que certaines personnes sont nées et vivent dans la solitude, et les psychiatres très sérieux sont tous d'accord sur ce point : La solitude est une expérience très douloureuse qui engendre de sérieux dommages psychologiques.

Alors, que deviennent ces individus marqués par la solitude ? On ne les reconnaît pas, ils ont appris cacher leur solitude, maladie contagieuse qui ferait d'eux des pestiférés modernes. Ils ne se suicident pas, ils connaissent trop bien la solitude, la face sombre de la mort, cette mort schizophrène qui ne cesse de désirer ces âmes qui lui échappent. Ils se reconnaissent entre eux, ils ressentent chez l'autre cette blessure fondamentale de la solitude. Ils parlent peu car on ne les écoute pas. L'histoire ne retient pas leur noms, elle ne retient pas leurs écrits, l'humanité se fait soin d'oublier l'existence de ces âmes seules, ces âmes qui vont et viennent dans ces contrées interdites qui séparent le monde des vivants du monde des morts, les contrées de la solitude.

Ils existent, ils sont parmi vous, vous ne les voyez pas, ils vous voient. Ces parias nés de la solitude marchent dans l'invisible, les yeux habitués à l'obscurité, ils explorent ces endroits noirs qu'évitent au possible le commun des mortels. Face à la solitude, ils n'ont que deux options, lutter, résister à cette présence omniprésente, ou l'accepter, et devenir soldat de la solitude. Face à la solitude, il n'y a qu'une unique issue, effacer de la surface de la réalité toutes les ombres, éradiquer ce fléau qu'est le contraste, ce contraste qui les emprisonnent dans ces contrées interdites de la solitude, entre le monde des vivants et le monde des morts. Certains pensent que pour effacer toutes les ombres, il faut apporter la lumière, d'autres remarquent que le monde n'est pas très lumineux et choisissent de s'attaquer à la lumière, afin que partout règne l'obscurité et qu'enfin les ombres cessent d'exister.

Pour ces parias nés de la solitude, il y a l'axe du bien et l'axe du mal, ceux qui luttent contre la solitude et ceux qui collaborent, les résistants et les soldats de la solitude. Dans les entrailles de ce monde se livre un combat muet, depuis l'éternité. Le vent venu de l'individu repousse sans cesse les frontières du monde des vivants, les contrées de la solitude se font de plus en plus menaçantes, omniprésentes, elles contaminent nos villes, nos rues, nos maisons. Les soldats de la solitude se font légions, et nous, nous résistons, toujours et encore, dernier mur de boucliers entre la solitude et le reste du monde, inconscient de la tragédie qui se joue chaque jour devant ses yeux, incapable d'intervenir, incapable d'agir pour sa survie.

Qu'il soit soldat de la solitude ou résistant, chaque paria ne fait que fuir ce contraste insupportable, fuir la solitude. Je me suis demandé souvent pourquoi ? Pourquoi poursuivons-nous ce combat vain et dénué de sens ? Il y aura toujours de la lumière et de l'absence de lumière, il est fou de rêver à un monde homogène, qui soit de notre teinte, qui nous libère de notre solitude. On ne peut pas y échapper, fuir n'est pas une solution. J'ai arrêté de fuir, je me suis retourné et j'ai fait face à cette abomination qui m'accompagne depuis si longtemps. Le combat fut bref, ce fut presque même trop facile,  je brisais en deux la solitude, elle n'était plus.

J'ai vaincu la solitude. Elle n'était plus là. J'étais toujours seul parmi la foule, mais je n'étais plus atteints par la solitude, j'étais libre, libre comme ceux du dehors, libre comme ces individus de monde des vivants, par-delà mes contrées interdites. J'étais, libre, mais incapable d'oublier ces vérités, d'oublier ce monde atrophié qui me dépasse, moi et ma nature d'individu. J'ai fais quelques pas, je suis passé outre le corps gisant de la solitude, et j'ai compris. J'ai compris pourquoi les parias continuent de courir, pourquoi ils continuent de fuir la solitude. Il n'y avait rien, derrière, absolument rien, les parois lisses qu'un néant qui n'aboutissent que sur un néant encore plus lisse, horriblement lisse, indiciblement inexistant. Si l'on s'arrête de fuir, si l'on arrête de se battre, on cesse d'exister.

La solitude est le dernier rempart de l'individu face à sa dissolution, tant que la solitude existe, les parias ne sombrent pas dans le néant et l'individu peut continuer de vivre dans un monde concret, construit d'autres choses que des volutes d'éther. La solitude est le souvenir terrifiant de ces âmes perdues dans ce trou béant qu'il y a derrière, souvenir incarné dans l'ultime paria, celui qui ferme la marche de l'individu, celui qui garde cachée cette monstruosité vorace qui éventre l'univers tout entier. Brûlée par l'irradiation du néant, l'âme déchirée par la proximité du rien, je me retournais vers le sens de la fuite et reprenais la marche.

J'étais devenu celui qui ferme la marche, celui qui garde, celui qui se souvient.

J'étais devenu la solitude.

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Sbirematqui



Expert en Cachalots

Je souhaite améliorer ce texte, je l'ai écrit d'une seule traite, et je compte le reprendre pour raffiner les angles, j'attends vos précieux conseils ! biggrinking

AstroMonkey



Gizel

- "Je like !"
- "tuez-le ! Il a dit je like !"
- "euh non, c'est pas ce que je voulais dire, j'aime !"

Bon dêbut, on voit que c'est fait d'une traite mais c'est joli, j'etias assez dedans. (Je peux partir maintenant ?)

Sbirematqui il y a plus de 11 ans

T'as des idées sur ce qui fait le texte brouillon ? Je n'arrive pas à saisir ce qui fait cet aspect "d'une traite"...

En tout cas, merci de ton commentaire ! Smile

AstroMonkey il y a plus de 11 ans

Certaines tournures de phrases quelques fois, mais je ne dis pas que ça fait amateur du tout. Je me suis senti agréablement dérangé par ce texte, j'ai pas perdu mon temps. Je ne sais pas si je suis en mesure de te donner des conseils, mais quand j'écris je reprends toujours mon texte (à part mon article sur l'art). On réfléchit plus à l'ambiance que peut créer nos phrases, et c'est â ce moment là que tu changes.

Le Bashar



Source de sable intarissable

Le titre était intriguant, donc j'ai lu. Il y a quelque chose que je trouve très gênant dans l'écriture c'est le côté affirmatif, comme si ce que tu dis sur la solitude était un fait, une proposition toujours vraie, et non pas l'avis du personnage (ou le tien). Or j'ai du mal à apprécier le texte car je sais qu'il existe une partie des gens dont la personnalité non seulement les rend insensible aux affres de la solitude mais en plus les régénère (c'est la masse et la foule qui les affaibli).

Je pense que ça serait plus fort s'il n'y avait pas ce côté affirmatif, avec le garant scientifique des psy comme si ce que tu leur fais garantir ici était vrai.

Mais sinon il y a du style.

Sbirematqui il y a plus de 11 ans

Il s'agit en effet d'un personnage, personnage vivant parmi ces "parias de la solitude", marqués depuis toujours par un sentiment immense et irrationnel d'être seul. Il est avant tout là pour décrire sont vécu, son point de vue. J'ai choisit l'affirmatif pour donner un ton "Je vais vous raconter une histoire à propos d'une contrée lointaine que peu d'hommes ont vu", j'ai voulu rapidement m'éloigner du terrain délicat et pentu de ce qui est connu.

As-tu des exemples d'affirmatifs qui te font tiquer particulièrement ?

J'ai introduit les avis "des psychiatre très sérieux" pour essayer de donner une forme "d'avis général" sur la solitude, pour décrire le regard commun de la société sur la solitude.

A ton avis, est-ce que ce choix apporte cette description ? Est-ce que l'hyperbole "très sérieux" n'est pas assez forte pour briser cette image de regard scientifique vrai et juste ?

Enfin, de quelle manière pense-tu que je pourrais intégrer ces personnalités qui se "régénèrent" dans la solitude parmi les acteurs de ma petite histoire ? C'est un oublis de ma part, je pensais introduire quelques traits de caractère supplémentaires aux soldats de la solitude allant dans ce sens, car en tant que tels, ils vivent dans les "contrées interdites de la solitude" et cherchent à s'y retrouver où qu'ils aillent, ils en font leur bien-être. Qu'en pense-tu ?

Merci de ton commentaire ! Smile

Le Bashar il y a plus de 11 ans

sbire a écrit :

"

Toujours est-il que certaines personnes sont nées et vivent dans la solitude, et les psychiatres très sérieux sont tous d'accord sur ce point : La solitude est une expérience très douloureuse qui engendre de sérieux dommages psychologiques

"

Ce passage par ex, donne l'impression que tu assène une vérité générale, comme "le feu ça brûle". Mais l'ensemble du texte est très affirmatif, je pense que ça vient de l'usage du pronom indéfini "on" : on sait, on pense que, d'avis général, etc.

Je ne sais pas comment intégrer ceux que la solitude ne gène pas, puisque justement, ça n'est pas un sujet de préoccupation pour eux. Par ex, je suis justement un de ces gens que la solitude ne gène pas : pour moi c'est l'inverse, les bains de foule me sont très pénibles, et si je suis soumis à de trop nombreuses interactions sociales (même dans un groupe réduit, par ex quand j'étais gosse, une colonie de vacance), ça me fatigue, jusqu'à ce que ça me force littéralement à rechercher la solitude. C'est donc l'exact inverse de ceux qui deviennent fous s'ils sont seuls, et incapables de parler avec d'autres gens pendant quelques jours (voir quelques heures).

Et il ne s'agit pas là d'un "problème", ni dans un sens ni dans l'autre. Il y a des deux dans l'humanité, aucun des deux n'est anormal, et chacun de deux peut trouver son équilibre s'il est à la place qui lui convient.

Sbirematqui il y a plus de 11 ans

perplexe

Tu me pose une colle.

En tout cas, lorsque je vais m'atteler à la réécriture, j'essayerais de diminuer cet aspect "on" partout, ça me gène que cela puisse être pris comme une tentative d'enseignement. Sinon, nuancer le propos, mais j'ai peur que cela alourdisse.

Et en soit, ce n'est pas un "problème", je suis dans à peu près le même cas que toi. Smile

Markowski



GROS LAPIN SEXY ET GRAS SWAGG

Du temps que j’étais écolier, je restais un soir à veiller dans notre salle solitaire. Devant ma table vint s’asseoir un pauvre enfant vêtu de noir, qui me ressemblait comme un frère. Son visage était triste et beau : à la lueur de mon flambeau, dans mon livre ouvert il vint lire. Il pencha son front sur sa main, et resta jusqu’au lendemain, pensif, avec un doux sourire.
(...)
Comme j’allais avoir quinze ans je marchais un jour, à pas lents, dans un bois, sur une bruyère. Au pied d’un arbre vint s’asseoir un jeune homme vêtu de noir, qui me ressemblait comme un frère. Il me fit un salut d’ami et, se détournant à demi, me montra du doigt la colline.
(...)
À l’âge où l’on croit à l’amour, j’étais seul dans ma chambre un jour, pleurant ma première misère. Au coin de mon feu vint s’asseoir un étranger vêtu de noir, qui me ressemblait comme un frère. Il était morne et soucieux. 
À l’âge où l’on est libertin, pour boire un toast en un festin, un jour je soulevais mon verre. En face de moi vint s’asseoir
 un convive vêtu de noir, qui me ressemblait comme un frère.
(...)
Un an après, il était nuit ; j’étais à genoux près du lit où venait de mourir mon père. Au chevet du lit vint s’asseoir un orphelin vêtu de noir, qui me ressemblait comme un frère.
(...)
Partout où j'ai voulu dormir, partout où j'ai voulu mourir, partout où j'ai touché la terre, sur ma route est venu s'asseoir 
un malheureux vêtu de noir, qui me ressemblait comme un frère.
Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frère, qui n'apparais qu'au jour des pleurs ?
Je ne suis ni dieu ni démon, et tu m'as nommé par mon nom quand tu m'as appelé ton frère. Où tu vas, j'y serai toujours, jusques au dernier de tes jours, où j'irai m'asseoir sur ta pierre. Le ciel m'a confié ton cœur. Quand tu seras dans la douleur, viens à moi sans inquiétude. Je te suivrai sur le chemin; mais je ne puis toucher ta main...
...Ami, je suis la Solitude
LA NUIT DE DÉCEMBRE , Alfred De Musset.

J'ai trouvé ça beau et un peu dérangeant à la fois. Pendant le texte j'ai pensé à la dépression. Ca m'a parlé personnellement vu que pour moi la déprime peut pousser à la solitude, mais je peux tout à fait comprendre la vision différente qu'en a le Bashar.

Mais du coup, je pense que la solitude est de ces notions toutes personnelles qui existe en autant de forme qu'il n'y a de gens. Tu as apporté ta conception ou celle du personnage, et le texte m'a vraiment plus, donc je ne sais pas vraiment ce qu'il y aurait à changer si ce n'est arrondir les angles comme tu le disais.

 
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