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L'Iran est un pays à part dans le Moyen-Orient, et au cœur de l'actualité. Explications.
Voici quelques jours, j’apprends une nouvelle assez spectaculaire. L’information n’est pas diffusée par des canaux que je connais comme étant fiable, j’ai donc attendu afin de voir s’il s’agit d’une rumeur, étant donné le peu de diffusion dont bénéficie cette info.
Le 22 juin, Haaretz, l’un des trois grands plus grands quotidiens nationaux en Israël, informait qu’une flotte composée d’au moins douze navires américains, un navire israélien et un sous-marin Dolphin (muni de missiles de croisière à tête nucléaire), franchissait le canal de Suez. Ce passage, autorisé donc par l’Egypte, comme sûrement par les pays saoudiens, a bloqué la circulation maritime du commerce et de la pêche pendant plusieurs heures. La destination ? Le Golfe persique. L’heure semble grave, très grave. Ces mouvements font suite aux sanctions votées contre l’Iran par le Conseil de Sécurité.
Le plus alarmistes disent déjà qu’une attaque est planifiée contre l’Iran. Une attaque massive, brutale et spectaculaire. Comme aucune information officielle n’a été publiée aujourd’hui, un doute subsiste. Quelle est l’intention ?
Malgré la tension internationale autour de l’Iran, et de son programme nucléaire qui s’est accentué ces derniers temps, il est peu logique de voir une attaque de grande envergure sur le sol iranien. Je parle bien d’une attaque, et non d’une occupation militaire comme en Afghanistan ou en Irak. Un bombardement, en somme. Mais pourquoi peu logique ? Hé bien pour plusieurs raisons, qui restent obscures si l’on reste peu informé sur la situation au Moyen-Orient.
Tout d’abord, la capacité de défense de l’Iran. La Russie fournit régulièrement des armes à ce pays, notamment des défenses sol-air performantes. Le taux de pertes chez les assaillants serait trop élevé pour les critères occidentaux, surtout que l’Iran, qui doit être au courant des manœuvres dans le canal de Suez, a dû mettre son armement défensif en alerte.
Ensuite, n’oublions pas que c’est Obama qui est aujourd’hui président des Etats-Unis, et il se veut en rupture totale avec la méthode Bush. Agir brutalement aujourd’hui le mettrait un peu trop rapidement en contradiction avec sa politique pendant ces dernières années de main tendue. Il lui faut agir moins violemment, et plus subtilement.
Enfin, les Etats-Unis savent aujourd’hui qu’il leur faut compter avec l’Iran afin d’avoir une chance de voir une situation beaucoup plus stable en Irak.
Attardons-nous quelques instants sur ce dernier point. Pourquoi aurait-on besoin de l’Iran en Irak ? Cette question soulève en fait la division fondamentale entre certains pays du Moyen-Orient et d’autres. D’un côté, nous avons les Chiites, de l’autre nous avons les Sunnites. Le Chiisme et le Sunnisme sont deux des trois courants de l’Islam. Je ne parlerai pas du troisième ici. Ces deux courant se haïssent depuis plus de treize siècles, car le schisme s’est fait dans la douleur et dans le sang.
Cette division s’est faite peu après la mort de Mahomet (les musulmans préfèrent dire Muhammad, Mohammed en français). Celui-ci ne désigne aucun successeur et le Coran, source de toute loi, n’en fait pas mention. Que faire alors ? Au début, quatre califes se succèdent. C’est une période où l’expansion de ce nouvel empire est énorme, plusieurs pays entiers sont conquis en très peu de temps. Le quatrième calife, Ali, et époux de l’une des filles du Prophète, prône une grande rigueur dans le culte de l’Islam par toutes les populations, et souhaite la succession du Califat à la seule descendance du Prophète (et donc la sienne, puisqu’il a épousé la fille de Mahomet), la seule succession que l’on considère de droit divin. Mais cela pose de gros problèmes, notamment pour la rigueur. N’oublions pas que beaucoup de peuples et de tribus ont été absorbés en peu de temps et que les anciennes croyances sont souvent tenaces. Tout comme la religion chrétienne a mis des siècles à s’étendre à travers l’Empire romain, sans jamais oublier de reprendre ici et là des coutumes païennes et de les faire siennes.
Ainsi, des voix s’élèvent et un autre Calife fut élu (ne descendant pas du Prophète). Seule une minorité soutenait encore Ali, et une guerre éclata entre ceux qui devinrent plus tard les Chiites (partisans d’Ali) et les Sunnites (partisans du nouveau Calife). Lorsque Ali fut assassiné, son fils cadet Hussein reprit le flambeau, jusqu’à la bataille de Kerbala en 680, où il fut tué et décapité. La rupture est consommée.
Tout au long de l’histoire, les Chiites ont été minoritaires et les Sunnites les ont souvent très mal traités (humiliations, exécutions). Leur différence se situe également au niveau des situations qui ne sont pas expliquées par le Coran. Par exemple, les Sunnites pensent qu’il faut ajouter les actes du Prophète aux lois coraniques, tandis que pour les chiites l’Imam est détenteur d’un savoir surhumain, qui fait donc office de loi.
Aujourd’hui, seuls 10% des musulmans sont chiites, et 85% sont sunnites. Cette haine ancestrale modèle les relations internationales. L’Iran et l’Irak sont les deux rares pays à majorité chiite, tandis que la très grande majorité des pays du Moyen-Orient sont sunnites. Voilà pourquoi les Etats-Unis ont besoin de l’Iran pour la question de la sécurité en Irak. De même, voilà pourquoi l’Iran se retrouve isolée des autres, presque… seule. Voilà pourquoi elle a tant de hâte d’achever son programme nucléaire. Il y a tant de voisins hostiles… Israël a toujours été d’une grande agressivité face à ses voisins dangereux, en bombardant par le passé des installations nucléaires chez les pays voisins. L’Iran pourrait-elle être sa prochaine cible ?
Je vous recommande de regarder cette vidéo, un « dessous des cartes » très instructif sur la simulation d’un bombardement israélien en Iran :
A savoir qu'il y a peu de temps, l’Arabie saoudite a annoncé qu’elle ouvrirait son espace aérien à Israël en cas de guerre Israël/Iran.
La situation de l’Iran n’est toutefois pas désespérée. Elle sait qu’elle peut tenir à distance, grâce à ses défenses plus ou moins modernes et performantes, l’idée d’une attaque brutale par les occidentaux, car l’opinion publique n’accepterait jamais l’idée de perdre des hommes dans une guerre aujourd’hui. Prenons l’exemple des dix soldats français tués dans une embuscade en Afghanistan. Le président s’est déplacé peu après pour afficher son soutien, tellement le choc fut grand pour la population française, et surtout étant donné la médiatisation. Pourrait-on imaginer le général De Gaulle se déplacer en Algérie pour la perte de dix soldats pendant la guerre d’Algérie ?
De plus, l’Iran contrôle, conjointement avec le Sultanat d’Oman, le détroit d’Ormuz, qui voit passer par bateau 30% de la production mondiale de pétrole. Terrain hautement stratégique donc, il y a là la menace d’un arrêt de la circulation maritime.
Enfin, l’Iran et le Pakistan ont fini par signer un contrat à hauteur de sept milliards de dollars, pour la construction d’un gazoduc, déjà en grande partie réalisé, destiné au transport de gaz de l’Iran vers le Pakistan. Cette richesse permettrait à l’Iran d’être peu affecté par les sanctions américaines. Mais il y a un hic. Le plus grand gisement est offshore, c’est à dire sous la mer, et se situe… dans le golfe persique !
Voilà sans doute le pourquoi du mouvement de cette flotte extrêmement puissante, dotée de porte-avions et de missiles à tête nucléaire. Elle constituera en réalité un moyen de pression lors des prochaines négociations avec l'Iran. En se déplaçant dans le Golfe persique, c'est un signal fort envoyé à l'Iran, et au Pakistan.
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