Version d'archive
Abécédaire pour choisir la vie de son nouveau-né de sexe masculin
Camille était un bagarreur. Il se trouvait si souvent dans des situations qui le conduisaient à se servir de ses poings que les moments où aucune tension ou agressivité ne planaient dans l’air lui semblaient exceptionnels et le rendaient méfiant. Sa méfiance faisait rapidement dégénérer ces situations et il se retrouvait alors enfin à nouveau en terrain connu, et il y était bien car il était costaud. Tout lui paraissait beaucoup plus simple lorsqu’il sentait certains os fragiles craquer sous ses jointures, lorsqu’il voyait les lèvres se fendre et les regards devenir vitreux. Il allait généralement arroser une bonne bagarre dans un bar, toujours différent car ces célébrations viraient systématiquement à leur tour au pugilat. Des gens se moquaient régulièrement de son prénom, ce qui était une aubaine ; ils avaient beaucoup plus de mal à rire en crachant du sang. Camille avait un quotidien bien réglé : il se battait un peu le matin, mettait quelques baffes le midi et se battait beaucoup le soir. Il n’avait pas de travail et n’en voulait pas. Cela finissait toujours pareil au boulot : il se battait puis était remercié. Façon de parler, bien entendu – son patron ne le remerciait pas réellement pour les coups et blessures, il le mettait à la porte.
Un matin, quelque chose changea. Il cognait une bande de ménagères agressives sans trop y penser puis il vit quelque chose de sublime ; sur un mur, une petite giclée de sang avait laissé une éclaboussure, et cette fine traînée de la plus pure écarlate était si belle qu’il comprit qu’il avait en face de lui quelque chose d’extraordinaire, il voyait un talent immense et c’était le sien. Il fouilla aussitôt sa poche avec fébrilité en giflant copieusement de la main gauche, en produisit un téléphone portable avec lequel il tâcha tant bien que mal de conserver une empreinte de son œuvre.
Il était contrarié. Il observait encore et encore la photo sur son petit écran et se sentait frustré : ce n’était qu’une belle traînée rouge. Un fragment infime d’une chose sublime et trop éphémère, un fragment qui trahissait la richesse de l’œuvre en l’aplatissant pour n’en garder qu’une pellicule sans vie. Non, ce qui manquait c’était le supermarché, les ménagères, le lait renversé, les odeurs et les regards. Il y manquait Camille lui-même. « Je suis un homme de spectacle » pensa-t-il. Il haussa les épaules et éteignit la lumière. Peut-être avait-il simplement besoin de donner un sens à tout ça.
posté par Teauma il y a plus de 14 ans
L'argent de la cantine c'est sa principale source de revenus.
Ertaï il y a plus de 14 ans
Vivre de racket et de pillage, pourquoi pas, quand on s'appelle Camille.
Teauma il y a plus de 14 ans
C'est une brute d'école primaire qui a choisi d'en faire son plan de carrière.
Ertaï il y a plus de 14 ans
Pas de travail, peu d'amis j'imagine, il vit toujours chez ses parents ? Les bat-il aussi ?
© Copyright 2002-2024 Aeriesguard.com - Mentions légales
Aerie's Guard V 7.0 réalisé par Ertaï, designé par Ivaldir, illustré par Izual et Sophie Masure
Teauma il y a plus de 14 ans