Attention
: l'article qui suit contient des révélations concernant le scénario du jeu.
La série de jeux de rôles Fable dirigée par Peter Molyneux est basée sur un ensemble de choix moraux qui vont influer fortement sur le jeu et l'apparence du personnage principal. Ainsi, il sera possible de parvenir à la fin du jeu soit complètement gentil, soit complètement méchant. Dans les deux premiers opus tout du moins. Certains pans scénaristiques de ces deux jeux sont d'ailleurs réservés aux personnages bons ou méchants, et il ne sera possible d'expérimenter tout le jeu qu'avec un nouveau personnage à l'alignement différent.
Dans Fable III, la donne est différente, car le scénario est bien plus impliquant que les opus précédents. La situation de départ est celle d'un prince encouragé par Thérésa, la classique voyante aveugle, à fomenter une révolution contre son frère regnant. Il faudra donc trouver des compagnons de révolte dans le but de devenir
calife à la place du calife
le nouveau dirigeant de l'Albion.
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A ce stade, on peut choisir de faire ami-ami avec la population pour leur promettre des lendemains qui chantent ou au contraire de terroriser les braves gens pour qu'ils s'engagent à vos côtés pour éviter le pire. Mais les différentes quêtes proposées à ce stade du jeu proposent d'aider divers protagonistes et améliorent logiquement votre moralité. Même en utilisant des expressions sociales menaçantes ou en extorquant des sommes faramineuses de vos locataires, il ne sera pas possible d'être réellement méchant, car l'attitude de vos concitoyens à votre égard n'influe pas sur votre niveau de moralité personnelle.
Pendant cette période de recrutement, vous aurez également à faire des promesses à ceux qui vont se ranger à vos côtés dans l'insurrection qui s'annonce. Ces promesses, vous pourrez décider de les honorer ou non lorsque vous serez enfin sur le trône.
A Game of Throne
Attention bis
: C'est ce paragraphe qui contient des révélations sur l'intrigue !
Spoiler (Sélectionnez le texte dans le cadre pointillé pour le faire apparaître)
Une fois monté sur le trône, Thérésa vous apprend fortuitement que l'incarnation du mal absolu que vous avez rencontrée dans le désert se prépare à déferler sur l'Albion avec sa légion de fantômes. Une armée nombreuse et bien équipée sera donc nécessaire pour limiter les dégâts civils.
Votre principale tâche en tant que nouveau roi sera de rassembler une somme faramineuse de pièces d'or dans les coffres royaux. Pour cela, il n'y a pas beaucoup de manières de faire :
- Faire un transfert depuis votre réserve personnelle, ce qui augmente votre moralité
- Manquer à vos promesses, car celles-ci coûtent cher à tenir, ce qui bien évidemment diminue votre moralité
Ces choix de tenir vos promesses ou non sont très intéressants car ils ne sont ni tout blanc, ni tout noir. Tenir vos promesses offre un gain immédiat de popularité, mais condamne votre population à long terme. Manquer à vos promesses vous fait passer pour un tyran, mais les espèces sonnantes et trébuchantes récupérées permettront de sauver un maximum de gens. Ainsi, un personnage parfaitement gentil deviendra le souverain d'une nation vidée de ses occupants, tandis qu'un personnage méchant remplira les coffres royaux pour le bien de tous.
Dur dur d'être un méchant
Dans ces conditions, il est encore plus difficile d'être gratuitement méchant. Pour cela il faut non seulement manquer à ses promesses, mais également faire des prélèvements personnels dans le trésor royal ainsi amassé pour éviter une fin trop heureuse. Sauf qu'à ce stade, l'argent ne sert à rien. On peut certes empiler les chiffres derrière les chiffres, mais j'ai trouvé que ça n'apportait aucune satisfaction de jeu particulière. Dans
Fable II
, l'argent servait à acheter le château de Fairfax, la plus belle demeure du jeu, mais là, le château, on l'obtient par les armes.
Renier les promesses faites à ses compagnons d'arme, vider le trésor royal sans but autre que de laisser périr la population dont on a la charge, voire assassiner gratuitement des villageois au hasard, cet enchaînement d'actions est certes faisable techniquement, mais n'a strictement aucun sens du point de vue du scénario. Et c'est sur ce point-là que je trouve que Fable III se démarque, autant en bien qu'en mal, par rapport aux opus précédents.
La liberté s'arrête ou commence celle des autres
Le scénario est dès le départ très orienté, le but est de renverser un monarque tyrannique pour rétablir la paix sociale et améliorer le sort d'une population affamée et brimée, puis de mener tout un peuple contre vents et marées. Dans les deux cas le jeu insiste sur la responsabilité du personnage vis-à-vis d'une population qu'il a juré d'aider via les promesses faites aux leaders, puis sur la responsabilité d'un monarque vis-à-vis de son propre peuple.
Face à ces situations, certaines actions parfaitement bénéfiques ou parfaitement maléfiques apparaîtront comme déplacées, incohérentes avec la trame narrative. Mieux, je me suis surpris à inventer pour moi-même des raisons pour mon personnage de provoquer une tuerie d'innocents (je cherchais en vain à faire baisser ma moralité). D'autant que les gens que vous croisez ne manqueront pas de commenter vos actions de manière souvent un peu trop pertinente pour leur condition. Quand un mendiant vous rappelle que "La royauté ce n'est pas pouvoir tuer qui on veut", on se demande qui l'a payé pour dire ça. Il n'empêche, en traversant les différents lieux vous serez en permanence jugé sur vos actions, et tout écart (de moralité, de style vestimentaire, voire de poids) vous sera renvoyé en pleine figure.
Ce retour permanent génère une sorte de sentiment de culpabilité lorsque vous faites des mauvaises actions, et à l'inverse, peut ennuyer en cas de perfection. Un roi a mieux à faire que de signer des autographes, et à la longue les compliments sur votre apparence alors que les caisses de l'état sont vides pourront même vous encourager à commettre un crime odieux pour faire taire ces ignorants.
Un gris très très nuancé
Au final Fable III propose une expérience de choix moraux bien plus vraie, bien plus prenante et dans laquelle le joueur s'implique beaucoup plus personnellement que pour les deux autres jeux de la série Fable. Mais du même coup, il abandonne l'intérêt particulier des deux jeux précédents qui permettaient d'être soit angélique, soit démoniaque sans aucune incidence dramatique sur le monde.
Là vos choix ont des conséquences à la fois personnellement morales comme d'habitude, mais aussi des conséquences d'image auprès de vos concitoyens et enfin sur l'Histoire de l'Albion en général, dont vous faites bien plus partie que précédemment.
Longue vie au roi !
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