Les pistes pour réussir une nouvelle courte
J'ai tenté de faire une synthèse des avis émis sur l'ancien forum lors d'une discussion sur le sujet.
Qu'est-ce qu'une nouvelle ?
La première chose à faire est de bien comprendre le principe d'une nouvelle. C'est une histoire courte (généralement entre 5 000 et 40 000 signes). Courte, mais complète. Il faut donc réussir à y caser toute l'histoire. Certains trouvent que c'est trop court, et d'autres, que c'est déjà une taille si grande qu'ils n'arrivent pas à la remplir. Mais une nouvelle est avant tout une histoire qui décrit quelque chose de précis. Selon le sujet, elle peut être plus ou moins longue, mais dans tous les cas on évitera de loger dans la nouvelle des choses qui ne participent pas directement à son sujet. Cette méthode serait le plus sûr moyen de filer vers le roman (au risque de rater l'ensemble si le sujet est trop court, ce qui ne donnerait qu'un roman simpliste, sans profondeur).
Quels genres de nouvelles ?
Il semble que la plupart d'entre nous pensent "nouvelles à chute" quand on parle de nouvelles. Il s'agit d'un style pour lequel l'auteur pose son histoire en trois temps : exposition, développement, chute. L'idéal étant de choisir un sujet ou une manière de le raconter qui font que la chute est inattendue pour le lecteur. Il se sent floué s'il est tombé dans le panneau (mais en redemande !) ou au contraire s'autocongratule s'il a découvert l'astuce avant la fin. Dans ce type de nouvelles, on ne retiendra pas le développement, car dans le meilleur des cas il ne sert qu'à nous écarter de la chute. L'auteur doit donc s'attacher à lui donner une forme agréable, mais sans trop se préoccuper du fond. Le texte est court, et si la chute est magistrale, le lecteur n'ira pas chercher la petite bête perdue dans le développement. Enfin, l'exposition est presque aussi importante que la chute, car c'est elle qui va donner envie au lecteur de lire l'ensemble.
La méthode la plus employée pour cette partie est de décrire une situation "impossible".
Mais il a été évoqué aussi un autre type de nouvelles, des nouvelles d'ambiance. Dans ce cas, l'objectif ne porte pas sur l'écriture d'une chute renversante, mais seulement sur la description d'une atmosphère. C'est beaucoup plus difficile de donner des pistes pour écrire ce genre d'histoire, car il n'y a pas de fil conducteur classique, et à mon avis le risque est grand de tomber dans le travers du roman simpliste. Écrire une histoire déjà très longue, mais pourtant pas assez fouillée. Toutefois, en restant sur des formats très courts, disons moins de 10 000 signes, il semble qu'on puisse éviter cet écueil. La principale difficulté va être d'arriver à se faire comprendre du lecteur. Dans un roman, on prend le temps de tout écrire, et généralement on reparle plusieurs fois des mêmes choses sous des angles différents. On a donc toutes les chances que tous les lecteurs comprennent bien ce qu'on voulait dire. En revanche dans ce type de nouvelles, on va surtout jouer sur les mots. Du coup, si le lecteur n'est pas sur la même longueur d'onde, il y a de fortes chances que la nouvelle n'ait tout simplement aucun sens pour lui, alors qu'un autre la trouvera fantastique. C'est pratiquement la même limitation que pour les formes d'arts graphiques en général, parfois le spectateur n'y voit tout simplement rien. La nouvelle à chute est beaucoup plus universelle car il est beaucoup plus facile de surprendre quelqu'un (ce qui explique certainement que ce soit le type de nouvelle le plus répandu).
Comment écrire ?
Tout le monde s'accorde pour dire que la manière d'écrire est personnelle, et qu'il ne faut pas chercher à suivre la recette d'un autre. Je vous invite à lire plutôt sur le même sujet
l'article d'Asimov
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On peut quand même revenir sur la grande distinction entre récit court ou long. Dans un roman on prendra le temps de décrire tout ce qui nous paraît descriptible, y compris des choses qui ne servent globalement à rien dans l'histoire. On va aussi prendre le temps de construire un ensemble de péripéties complexes, et parfois tellement complexes que même l'auteur ouvre des portes qu'il oublie en cours de route, et ne refermera jamais. Dans une nouvelle, on ne doit pas décrire de choses inutiles, ni ouvrir de portes qui ne mènent nulle part. Cela oblige indirectement à mieux cerner/construire son histoire, pour ne pas se perdre soi-même en route.
Et c'est à mon avis pour ça que c'est un bon exercice pour mieux écrire. Quelque soit la manière dont on va préparer son histoire (faire une trame, un schéma, tout garder dans sa tête...) on va être obligé de la penser un peu globalement. Si on ne le fait pas, il y a toutes les chances que la nouvelle ne soit pas un succès, parce que la plupart des lecteurs la trouveront trop bancale. Écrire une histoire courte n'est pas un préalable pour écrire des histoire longues, et réussir à écrire des bonnes histoire courtes ne garanti pas qu'on puisse réussir des histoires longues. Mais essayer de réussir des histoires courtes est toujours une bonne expérience quand on veut ensuite tenter l'histoire longue. En effet, les romans magistraux, si on les décortique, présentent tous un point commun : leur densité n'est pas un délayage mais un tout cohérent. Ils ont été écrits en pensant les moindres détails, un peu comme une nouvelle. Et c'est cette différence qui tranche souvent entre un roman quelconque et celui qui deviendra une référence.
Dernière chose qui peut avoir son importance
La publication des nouvelles est très difficile. Les gens n'achètent guère des recueils de nouvelles. A moins de tenter de publier dans un fanzine ou sur internet, la nouvelle a toute les chances ne n'atteindre qu'un public très restreint. Si on considère généralement qu'écrire des nouvelles est un bon exercice pour tenter d'écrire un roman ensuite, ce n'est pas du point de vue de la publication, mais bel et bien du point de vue de l'exercice technique qu'il faut considérer l'écriture d'histoires courtes.
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