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Les dragons du Blizzard

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Ragnarok



Connard élitiste aigri


Les dragons du Blizzard

Souvenir

Je m’en souviens encore… comme si c’était hier…
Cela se passait un soir de tempête. Depuis deux jours, nous marchions dans la neige. Je sentais bien que tout le monde était fatigué. Marcher en plein blizzard n’est pas chose facile, peu de gens arrivent à tenir sous la tempête glacée. Il fallait trouver un abri, sinon, notre aventure s'arrêterait là.
C’est alors que mon frère nous montra quelque chose : une vieille maison en ruine. La neige rentrait à travers les vitres brisées, le bois grinçait sous nos pas. Le vent résonnait dans la cheminée en pierre et nous avions sans arrêt l’impression que les poutres du plafond allaient nous tomber dessus. Mais c’était un abri. Malgré le vent, nous fîmes du feu dans la cheminée. La chaleur des flammes nous raviva. Nous restâmes assis pendant un long moment autour de ce feu.
Alors que tout le monde commençait enfin à s’endormir, Irina se leva et se tourna en direction de l’Archéologue.
-Pourrions-nous savoir à présent pourquoi nous sommes tous en votre compagnie ?
-Est-ce réellement nécessaire ? répondit l’Archéologue.
-Avouez tout de même que notre situation est singulière ! Nous avons été engagés par un homme qui ne répond que par le nom ‘’d‘Archéologue’’ pour un travail dont nous ne savons rien et avec la promesse que nous gagnerions chacun cinq mille pièces d’or.
Je sentais que l’Archéologue hésitait à leur raconter... Après tout c’était normal... Une chose de cette ampleur ne se raconte pas à n’importe qui.

Je regardais alors une à une toutes les personnes présentes.

Mon frère Alex n’était motivé que par sa survie et pour cela, il devait boire du sang, car c’était un vampire. Il était capable de faire pousser ses cheveux ou ses ongles à la vitesse qu’il voulait. Cela pouvait paraître idiot mais c’était en réalité très utile. Il ne m’avait jamais raconté comment il était devenu un vampire, et il ne voulait pas en parler. Ce que nous recherchions ne l’intéressait probablement pas.
Irina était belle comme un ange, et sa détermination d’aller au fond des choses semblait souvent être égale à sa beauté. Même si généralement elle évitait la confrontation, elle était entièrement capable de se défendre seule contre un ennemi. Ses aptitudes en médecine faisaient d’elle notre infirmière. Elle avait pour seul bagage un sac qui contenait tout le matériel nécessaire pour soigner les blessures. Elle connaissait les faiblesses de chacun d’entre nous et savait exactement comment nous guérir. Elle n’était pas du tout attirée par le pouvoir. Elle préférait aider les gens dans le besoin.
Shonn était une tueuse à gage qui gardait constamment un masque sur son visage. Je ne savais rien d’elle. J’ignorais ce qui l’avait poussé à rejoindre notre groupe. En voyant sa manière de combattre, je compris pourquoi elle était une tueuse à gage des mieux payées. Elle se battait à une vitesse folle. J’avais pu constater qu’elle se servait souvent, comme armes, de griffes attachées à sa main. Mais au cas où ses griffes se briseraient ou se détacheraient, sa cape regorgeait d’armes en tout genre : hache, fouet, dague, revolver, fléau et autres... Elle se soignait toujours par elle-même et ne parlait jamais. A vrai dire... C’était la seule en qui je ne pouvais pas avoir confiance.

Je finis par me tourner vers l’Archéologue.
-Vas-y ! Raconte-leur ! Tu n’as rien à perdre.
L’Archéologue hésita encore pendant une minute, puis il fouilla dans son sac et en sortit un vieux livre poussiéreux. Il l’ouvrit et commença à lire.
« Alors que notre monde n’était encore qu’une masse de roches inertes, quelques lumières célestes descendirent du ciel. »
-Attendez ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Vous allez nous lire un conte pour nous endormir ? demanda Irina.
L’archéologue, impassible, continua.
« Ainsi les puissants arrivèrent. Ils arrivèrent avec le but de créer une de leurs plus belles oeuvres. Chacun avait ses propres idées pour contribuer au projet et tous devaient être écoutés. Les puissants étaient très nombreux et cela accrut leur imagination. Ils créèrent quantités de créatures et de plantes plus étranges et plus surprenantes les unes que les autres.
Leur œuvre terminée, ils la contemplèrent du haut des cieux. Or quelque chose n’allait pas. Il manquait ce petit plus qui ferait toute la différence avec toutes leurs autres œuvres, un détail qui rendrait cette œuvre surprenante à tout moment. Tous les êtres qu’ils avaient créé suivaient un but précis. Ce qu’il fallait, c’était une créature ayant un comportement aléatoire. Ils inventèrent l’homme. »
-Abrège ! C’est après que ça devient intéressant ! Dis-je en l’interrompant.
« Dans leurs observations, les puissants virent que l’homme cherchait à maîtriser la nature. Ils se demandèrent s’il serait capable d’en user sans abus. Pour répondre à cette question, ils fabriquèrent quatre sphères magiques contenant, chacune, la force nécessaire pour diriger certains éléments naturels et qui prendraient automatiquement la forme qui conviendrait le plus à l’homme qui les trouverait. Ils cachèrent chacune des sphères aux quatre coins du monde. Les hommes furent évidemment attirés par les sphères. De nombreux chevaliers les recherchèrent. Et lorsque les quatre sphères furent retrouvées, elles se transformèrent toutes en armes : La hache Chaos, le fouet Tonnerre, la masse Tempête et l’épée Blizzard. Les quatre forces naturelles étaient devenues quatre armes destructrices. Et les hommes se disputaient les armes et s’en suivaient de rudes combats. Des milliards d’êtres moururent dans cette atroce boucherie. Les puissants furent dégoûtés par cet échec. Ils prirent donc les armes et les détruisirent. Puis ils firent oublier à tous les hommes l’existence de ces armes. Les puissants croyaient-ils qu’enlever des armes aux hommes les empêcherait de se battre ? Ils auraient mieux fait de tous les tuer. Ils voulaient probablement leur donner une nouvelle chance. Mais ils eurent tort. Les hommes ne méritent pas de vivre, ils souillent tout ce qui est à leur portée. Les hommes doivent mourir. »

-Je ne vois pas le rapport avec notre aventure, dit Irina.
-L’auteur de ce texte, Achelzar, est un grand magicien des temps anciens. Il s’intéressa de près aux phénomènes que l’on nomme magie. Et il fit de nombreuses découvertes très surprenantes. Toutes ses découvertes sont expliquées dans ce manuscrit. Comme vous avez pu entendre, Achelzar méprise les hommes et il dit à plusieurs reprises dans son manuscrit qu’il est dégoûté d’être lui-même humain. Il a tenté plusieurs fois d’éliminer la race humaine mais il a eu autant de tentatives que d’échecs. Vers la fin du manuscrit, l’écriture est brusquement interrompue, comme s’il lui était arrivé quelque chose. Si l’on n’entend plus parler de lui aujourd’hui, il n’y a aucune preuve qu’il soit réellement mort.
-Je ne saisis toujours pas...
-Vous souvenez-vous de ce qu’il s’est passé il y a cinq ans ?
-C’est l’année de l’apparition du Blizzard ? répondit Alex.
-Exact ! Autrefois, tout se passait normalement dans notre monde, mais depuis cinq ans, un Blizzard froid et ravageur l’a envahi : c’est un Blizzard qui ne s’arrête jamais. J’ai même remarqué qu’il devenait de plus en plus violent chaque mois. Ce Blizzard n’est pas naturel. Il est sûrement l’œuvre d’une force magique qui agit quelque part dans notre monde.
-Vous pensez qu’il y a un rapport entre l’épée du Blizzard et le Blizzard que nous subissons en ce moment ? demanda Alex qui commença à s’intéresser à cette histoire.
-Oui !
-C’est impossible ! Vous nous avez lu dans le manuscrit que les ‘’puissants’’ avaient détruit les quatre armes dont l’épée du Blizzard ! s’exclama Irina.
-C’est vrai mais... Grâce aux notes laissées par Achelzar dans son manuscrit, j’ai pu déterminer sur une carte, l’endroit où l’épée du Blizzard était cachée avant que les puissants ne la détruisent. J’ai remarqué qu’à ce même endroit, le Blizzard est plus violent qu’ailleurs. Qu’ils s’agisse de l’épée du Blizzard ou d’autre chose, je suis persuadé que là-bas se trouve la source du problème.
-Et auriez-vous par hasard une idée de ce qui aurait pu déclencher le Blizzard ? demanda Alex avec un étrange sourire.
-Il pourrait s’agir d’Achelzar lui-même. Comme je l’ai dit avant, il n’y a aucune preuve de sa mort. Et sa haine des hommes pourrait très bien l’avoir poussé à faire cela.
-Si je résume bien, un magicien portant le nom d’Achelzar qui hait les humains aurait déchaîné, dans le monde entier, une force similaire à celle de l’antique épée du Blizzard pour tous nous détruire. Et nous ? Que sommes-nous sensés faire pour recevoir nos cinq mille pièces d’or ? Le tuer ? demanda Irina avec impatience.
-Vous devrez au minimum l’arrêter.
-Et si nous ne trouvons pas le magicien ou l’origine du Blizzard ?
-Nous le trouverons !
Irina fut frustrée en entendant la réponse. Avant que la discussion ne s’éternise, j’intervins :
-Nous devrions dormir à présent. Demain nous aurons besoin d’être en forme.
Irina se laissa tomber sur sa couchette et ferma les yeux. Les autres firent de même un à un.
Lorsque tout le monde sembla dormir, je sortis en prenant soin, lorsque j’ouvris la porte, de laisser rentrer le moins de neige possible.

-Monsieur ! Tu n’as toujours pas retrouvé mon ballon ?
L’enfant était revenu, comme chaque nuit.
-Non, je n’ai pas retrouvé ton ballon... lui répondis-je.
Je m’assis sur la neige et pris l’enfant à côté de moi. Puis je lui racontais notre journée, jusqu'à ce qu’il s’endorme.
-Qui est-ce ?
C’était la voix de Irina.
-Qui est cet enfant ? demanda-t-elle.
-Vous pouvez le voir ? Demandai-je à mon tour.
-Oui, bien sûr !
-Habituellement, les gens ne le voient pas. Je pensais qu’il s’agissait une vision de mon esprit perturbé...
-On dirait un enfant perdu.
-Chaque soir, il apparaît et me demande si j’ai retrouvé son ballon.
Irina me fixa alors des yeux. Ses yeux... Ses yeux étaient d’une blancheur intense. Je ne pouvais plus rien dire, je ne pouvais plus rien faire, j’étais comme... envoûté par son regard. Je sentis alors... Quelque chose... Quelque chose qui lisait dans mon esprit... comme on lit un livre. Irina lisait mon esprit. Je vis des scènes de mon passé : le jour où je fus attaqué par un gobelin à l’age de 8 ans, le jour où je découvris que mon frère était un vampire, le jour où je parvins à tuer un dragon, le jour où je... les visons s’arrêtèrent... comme si... d’elles-mêmes, elles ne voulaient plus se révéler. Certaines pages du livre étaient collées ensemble et refusaient de se dévoiler. Irina s’énerva contre cette résistance et j’en profitais pour échapper à son regard. Elle fut surprise mais n’abandonna pas pour autant. Elle prit mon visage entre ses douces mains et son regard me fixa à nouveau. Je revis passer à nouveau les mêmes visions. Mais au même endroit, les pages du livre résistaient... Ses yeux blancs comme la neige devinrent rouges comme le sang. Ma tête commença à me faire mal. La douleur s’amplifia jusqu'à atteindre un degré insoutenable. Je voulais hurler, je voulais m’éloigner d’elle, je voulais faire quelque chose pour me libérer de cette douleur croissante. Mais ses yeux me paralysaient. Elle frappait de toutes ses forces le livre pour que les pages rebelles se dévoilent. Mais le livre ne céda pas. Elle s’acharna encore. La douleur s’amplifiait. Le contact avec ses douces mains devint rude. Ses cheveux s’enflammèrent. De nombreuses rides apparurent sur sa peau. Au fur et à mesure qu’elle s’énervait contre mon esprit, elle devenait aussi hideuse qu’un démon venant tout droit de l’Enfer. Mais elle avait beau rabattre toute sa fureur sur moi, elle ne parvint pas à lire cette partie de mon esprit. La douleur s’arrêta soudainement. N’en pouvant plus, je tombai dans un coma profond.

« Agoroth ! Agoroth ! Arrêtes ! Ne fais pas ça ! »
Une femme se tenait devant moi. Ce n’était pas Irina, c’était une personne que je n’avais jamais vue. Elle avait l’air terrorisée. Elle fut prise par une douleur que je sentais moi-même,.comme si nous étions ‘’liés’’ psychiquement. Brusquement la femme fut déchirée dans tous les sens. Elle explosa en milliers de particules de lumières. Ces particules s’envolèrent et m’entourèrent comme si elles voulaient me faire prisonnier. Un brouillard épais se forma... Puis se dissipa en laissant peu à peu apparaître devant mes yeux le visage d’Irina.
-Ca fait quatre jours qu’il est inconscient ! Vous vous rendez compte ? Quatre jours ! Mais quelle idée de s’endormir dans la neige !
-La ferme ! Il se réveille.
-Il se réveille ? C’est-à-dire ? Il va mettre une dizaine d’heures à récupérer ?
Irina me gifla.
-Je pense que ça ne prendra pas trop de temps.
-Tu parles, ses yeux commencent à se refermer !
Irina me gifla à nouveau et, alors qu’elle s’apprêtait à me mettre une claque une troisième fois, Shonn prit sa main en plein vol et bouscula Irina. Puis la tueuse à gages sortit un revolver et le pointa vers moi. Au moment où elle tira, je me levai en la désarmant avec mes pieds.
-Voilà ! Il est levé maintenant. Dit-elle en ramassant l’arme.
Shonn était quelqu’un de très étrange.

Quelques heures plus tard, nous marchions à nouveau dans la neige, supportant la tempête. L’Archéologue nous guidait et je fermais la marche. J’avançais sans me préoccuper de ce qu’il se passait autour de moi, mes pensées étaient absorbées par ce qu’il m’était arrivé avec Irina.
Quand on parle du loup... Irina semblait m’attendre, je la regardais. Elle était vraiment plus belle qu’un ange, je ne me lassais pas de l’admirer. Tout en elle semblait en parfaite harmonie. Ses lèvres... Son sourire... Ses cheveux dansant dans le vent... Ses yeux blancs comme la neige... Son regard... Je compris qu’elle voulait à nouveau tenter de lire mon esprit. Je détournais alors la tête et fis comme si elle n’avait jamais existé. Elle me prit la main. Sa peau était douce et chaude... Mais non ! J’avais décidé de ne plus me fier à cette... Femme. Je lui fis lâcher ma main et continuais ma route. Je sentis une odeur… le parfum des roses qui poussaient jadis... Avant que le Blizzard n’envahisse notre monde... J’eus une forte envie de tourner la tête vers elle. Décidément, elle était très douée pour charmer les hommes. Et si c’était un ange ? Peu importe ! J’avais décidé de ne pas me laisser avoir ! Sans m’arrêter une seule seconde, je continuais mon chemin.
-Qu’êtes-vous donc ? me demanda-t-elle.
Cette fois-ci, je ne pus m’empêcher de me retourner.
-Comment ça ? Je suis un homme !
-Pas entièrement ! Si vous avez pu résister à tous mes charmes, cela veut dire qu’une partie de vous-même n’est pas humaine.
-Un homme n’est pas capable de résister devant le charme d’une femme normale bien que très belle ?
-Je ne suis pas une femme normale.
-A la réflexion faite, c’est vrai, vous n’êtes pas une femme normale. vous êtes peut-être un ange... ou un démon.
-Nous avons chacun nos petits secrets. Nous devrions peut-être nous les raconter, non ?
-...
-Puisque vous semblez hésiter, je vais commencer. Savez-vous ce qu’est une fée ?
-Une femme ailée qui exauce les vœux des mortels ?
-Ca, ce sont les fées des légendes. Mais les véritables fées sont différentes. Je suis bien placée pour le savoir, étant donné que j’en suis une.
Nous nous mîmes à marcher ensemble. Elle m’expliqua ce qu’était une vraie fée. Une fée est une femme qui, après de longues années de préparation physique et spirituelle, fusionne psychiquement avec un farfadet. A l’issue de cette fusion, le corps du farfadet brûle et la femme, désormais fée, possède deux esprits en parfaite communion pour un même corps. Elle acquiert divers pouvoirs télépathiques dont, entre autres, la capacité de lire dans l’esprit des humains à l’exception des femmes devenues fées.
-Et pourquoi ne pouvez-vous pas lire dans mon esprit ?
-Je l’ignore… Seule une femme peut fusionner avec un farfadet. Mais il y a autre chose qui m’intrigue et qui m’a poussé à lire votre esprit.
-Qu’est-ce que c’est ?
-L’enfant… Vous aviez vu un enfant l’autre nuit. Il s’agissait de ce que nous, les fées, appelons les enfants de la terre. Ce sont des esprits égarés qui prennent souvent la forme d’enfants et qui ne peuvent être vus que par les fées.
-Et pourquoi en ai-je vu un ?
-C’est encore quelque chose que je ne peux expliquer… Si je pouvais lire dans votre esprit… Je pourrais peut-être découvrir quelques éléments de réponse… Mais quelque chose m’en empêche…
-Et cette chose est indépendante de ma volonté…

Après une dizaine d’heures de marche et de combats avec des démons en tous genres, notre groupe arriva dans un petit village étrangement animé.
-Je ne savais pas qu’il y avait encore des villages habités ici… dit Alex.
-Ce village est le dernier de la route vers l’Epée du Blizzard. Il abrite de nombreux chasseurs de démons. Plus nous approchons de l’Epée, plus les démons sont nombreux, répondit l’Archéologue
-J’avais remarqué ! dis-je en nettoyant ma hache ensanglantée dans la neige.
-Il y a une auberge là-bas, nous y resterons pour la nuit, dit l’Archeologue.

A l’intérieur, l’aubergiste, un vieil homme, portant de petites lunettes au bout de son nez, nous accueillis sans même daigner nous regarder. L’Archéologue se dirigea vers le comptoir.

-Que désirez-vous ? demanda l’aubergiste d’une petite voix.
-Nous voudrions cinq chambres, répondit l’Archéologue.
-Je n’ai plus que quatre chambres dont une avec un lit à deux places.
-Mmm… Quelles sont les deux personnes qui vont dormir ensemble… ?
L’Archéologue nous regarda un par un puis s’arrêta sur moi.
-Agoroth et Irina dormiront ensemble.
-Voici les clés de vos chambres.
Le vieil homme nous donna une grosse clé rouillée à chacun et s’en alla.
-Att… Attends ! Hé ! Ho ! Archie !
-Ne m’appelle pas comme ça Agoroth ! Je déteste ce nom !
-Attends ! M…Moi… et Irina… dans la même chambre ?!
-Ca te gène ?
-Ben...
-Allez ! J’ai bien repéré votre petit jeu. Irina n’a cessé de te surveiller pendant que tu étais inconscient les autres jours. Et tout à l’heure, pendant que nous marchions, vous avez beaucoup discuté ensemble.
-Mais attends, ce n’est pas ce que tu crois !

L’Archéologue prit sa clé et alla vers sa chambre sans ajouter un mot. Les autres firent de même. Irina prit notre clé et se dirigea vers la chambre. Arrivée à la porte de la chambre, Irina me dit avec un grand sourire :
-Nous allons pouvoir faire plus ample connaissance.
-Plus ample… Mais… Que veux-tu dire ?
-Vous me tutoyez maintenant messire Agoroth ?
-Je… Tu… Enfin…
Elle entra dans la chambre, toujours avec son grand sourire. Je restais devant la porte, immobile. Je n’avais jamais partagé mon lit avec une femme… Ni même simplement une chambre. J’avais toujours vécu en solitaire… Alors les femmes… La question ne s’était jamais posée…
Je ne sais pas combien de temps je restais devant cette porte… Sans doute au moins une heure. Quand je me résolus à entrer, Irina dormait déjà dans le lit, j’hésitai encore plusieurs minutes et je finis par me pencher au dessus du lit. Irina me sauta alors dessus et m’embrassa.
Cela me fit un drôle d’effet… Le même effet que le jour où Irina m’avait regardé dans les yeux. Mais cette fois-ci, elle agissait avec beaucoup plus de force et de détermination. J’eus à nouveau des visions de mon passé. Les événements défilaient rapidement comme si Irina les faisait passer un par un jusqu’à repérer le souvenir qui l’intéressait. Elle s’arrêta sur l’un d’eux.
J’avançais dans une grotte qui semblait sans fin. Au bout de la grotte se trouvait une femme qui semblait m’attendre. Elle m’accueillait avec un sourire chaleureux. Je prenais ma hache… et je la tuais…
Je revins à la réalité aussi rapidement que j’en étais sorti, Irina paraissait effrayée. Mon esprit était brouillé.
-Tu as tué… murmura Irina…
« Tu as tué… »
Cette voix résonnait dans ma tête. Elle me terrorisait. Je me précipitais hors de la chambre, de l’auberge puis du village…
« Tu as tué… »
Je courais dans la neige pour fuir cette voix. Mais je l’entendais toujours.
« Tu as tué… »
Je ne faisais pas attention à l’endroit où je courais. Je vis alors, devant mes yeux, une grotte dans laquelle je me refugiais. Mais à peine entré à l’intérieur, j’eus une impression de ‘’déjà vu’’. Au fond de la grotte se trouvait une crevasse. Elle était tellement profonde que l’on n’en voyait pas le fond. Des traces de sang étaient visibles sur les parois. Et… Il y avait… Une sensation de peur… D’immense peur…
« Tu as tué… »
Je reconnus l’endroit… C’était la grotte de ma vision. Par quel hasard m’étais-je retrouvé ici ? Et cette femme ?… Qu’est-ce que cela signifiait ? Pourquoi l’avais-je tuée ?
« Tu as tué… »
Cette voix !… Elle résonnait encore dans ma tête. Pourquoi depuis le début, tout tournait-il mal… ? Pourquoi devais-je souffrir autant ?
Je m’avançais au bord de la crevasse.
-Agoroth !
J’entendis Irina arriver…
« tu as tué... »
-Agoroth ! Reviens ! Tout est ma faute ! Ma curiosité m’a poussée à déterrer un souvenir douloureux de ta mémoire. Je n’aurais pas dû ! Je te demande de m’en excuser !
-Tu m’as fait voir quelque chose dont je ne peux comprendre la signification… Mais j’en ai ressenti une grande tristesse et une forte angoisse… J’ai tué… Une femme ?… Pourquoi ?… Je ne sais pas… Je suis amnésique depuis quelques années. Je ne me rappelle rien avant mon amnésie à part quelques souvenirs d’enfance… La dernière chose qui est restée en ma mémoire est le visage de cette femme qui semblait m’attendre en souriant. Depuis le jour où je suis devenu amnésique, j’ai tenté par tous les moyens de faire ressurgir les parties manquantes de ma mémoire… pour savoir, qui était cette femme… Etait-ce mon amante ? Etait-ce une sœur ?… Je voulais la retrouver… Car… J’avais le sentiment qu’elle seule aurait pu m’aider à retrouver la mémoire… A présent, je découvre que je l’ai tué… J’ignore les raisons qui ont pu me pousser à le faire… Mais maintenant je n’ai plus aucune raison de vivre…
-Agoroth…
-Ma vie n’a aucun sens ! Tout ce qui m’arrive est sans queue ni tête. Plus j’en apprends et plus je doute de moi-même. Je n’ai plus goût à la vie. Pour moi, la vie est une souffrance atroce qui me déchire. Je préfère mourir que de subir cela plus longtemps.
-Agoroth ! Arrête ! Ne fais pas ça !
Je fis un pas vers le vide et je tombai dans l’abîme.
-Non !
Le temps sembla s’immobiliser…Je ressentis la tristesse et l’angoisse qui envahissaient la voix d’Irina… C’était la même sensation que dans ma vision. J’eus alors un doute… A mi-chemin entre la vie et la mort… Que devais-je choisir ?… Je pouvais me libérer des souffrances de la vie… Cette vie insensée que je menais depuis trop longtemps… Mais la voix d’Irina… Pourquoi ?…
Au dernier moment, je m’accrochais au rebord. Irina courut vers moi et me hissa. Elle était en pleurs. Après avoir séché ses larmes, elle m’enlaça et me dit :
-Je te promets que je redonnerais un sens à ta vie. Je vais te montrer comment la vie peut-être agréable.
Elle m’embrassa… Mais cela ne se passa pas comme la dernière fois : Irina ne déterrait plus mes souvenirs. Je ressentis une sorte de… Plaisir partagé… C’était ça ?… L’amour ?
Nous repartîmes vers le village ensemble…
Cette nuit-là fut la plus belle de ma vie… J’avais retrouvé une raison pour m’accrocher à la vie sans sombrer dans la folie. J’avais enfin goûté au bonheur de vivre.
Le lendemain, notre groupe quitta le village pour aller trouver l’Epée du Blizzard. Nous avions presque atteint notre objectif. A l’horizon, apparaissait la montagne qui abritait l’Epée.
Après cinq heures de marche et de boucheries démoniaques, nous arrivâmes au pied de la montagne. On pouvait voir l’entrée d’une grotte. D’après le manuscrit d’Achelzar, la grotte menait vers l’intérieur de la montagne directement à la chambre de l’Epée. Alors que tout le monde s’apprêtait à avancer vers la grotte, je vis des silhouettes qui s’agitaient au sommet de la montagne.
-Des dragons…
Tout le monde s’immobilisa.
-Ils sont trois…
-Comment allons-nous les vaincre ? demanda Irina
-Ce ne sera pas difficile ! Nous avons notre tueur de dragons : Agoroth !
-Tueur de dragons ? Tu plaisantes ! Je n’en ai tué qu’un et encore, c’était un coup de chance !
-Mais tu dois quand même savoir des choses sur les dragons ?
-Il y a trois règles à respecter quand on rencontre un dragon :

1-Ne jamais provoquer un dragon.
2-Si on est poursuivi par un dragon en montagne, se cacher dans une grotte.
3-Si on est poursuivi par un dragon en plaine, prier.
4-4-! La force nécessaire pour rivaliser avec un dragon est égale à la force du dragon.

Tout le monde se tourna vers Shonn.
-Nous n’avons pas besoin de tuer ces dragons, nous devons juste passer. Il nous suffit d’être aussi puissants qu’eux.
-Et tu connais beaucoup de personnes qui sont aussi puissantes qu’un dragon ? lui demanda Alex
-Bien sûr ! Le dragon lui-même.
-Je ne comprends pas…
Shonn fit apparaître sur ses griffes de combats, des sortes de miroirs.
-Ce sont des réflecteurs de magie, je peux les utiliser pour renvoyer les attaques des dragons.
Shonn prit un revolver et tira en l’air vers les dragons. Les dragons foncèrent sur elle. Les flammes bleues des dragons embrasèrent le ciel. Shonn utilisa ses miroirs. Les flammes rebondirent dessus et furent renvoyées vers les dragons. Pendant que Shonn occupait les démons volants, nous avancions discrètement vers la grotte. Shonn se débrouillait presque trop bien… Sa rapidité n’était pas naturelle… Aucun humain n’était capable d’être aussi rapide…Lorsque nous atteignîmes la grotte, Shonn nous rejoignit. Elle ne semblait ni épuisée, ni blessée…
Nous traversâmes des salles remplies de monstres en tous genres… Cobold, hommes-chèvres, hommes-lions, hommes-loups, hommes-vaches, hommes-chats, hommes-chiens, hommes-singes, hommes-grenouilles, hommes-d’affaires, hommes chauve-souris, homme-araignée, homme-glace, homme-feu, dare des champs, dare des villes, gargouilles, hauts elfes, elfes noires, elfes de sang, elfes bleues, elfes jaunes, elfes vert-caca d’oie, hafelins, lutins, gobelins, requins, gredins, parpaings…
Enfin bref… Au bout de plusieurs heures d’efforts acharnés face à ces hordes de démons, nous arrivâmes dans une grande salle. Il y faisait beaucoup plus froid qu’ailleurs. Au centre de la salle, flottait un grand cristal. On pouvait distinguer à l’intérieur, une épée… En-dessous de l’épée, un homme semblait méditer. Il tenait devant lui un bâton orné par des pierres précieuses de toutes les couleurs.
-Qui est assez fou pour venir ici au péril de sa vie ? demanda l’homme.
-Ceux qui t’élimineront, Achelzar ! répondit l’Archéologue.
-Qu’ai-je fait qui mérite de mettre fin à mon existence ?
-C’est vous qui avez invoqué le Blizzard ! A cause de vous des millions d’êtres humains souffrent et risquent de mourir !
-Pourquoi aurais-je fait cela ?
-Votre haine de l’humanité vous a poussé à le faire.
-…Admettons que je sois celui qui ait provoqué le Blizzard… Comment ferez-vous pour le stopper ? Me tuer ne suffira pas !
-Nous libèrerons l’Epée de son cristal !
-Je crains de ne pas pouvoir vous laisser faire…
Achelzar se leva et brandit son bâton. Les pierres précieuses incrustées dessus se mirent à briller. Je pris ma hache entre les mains, Shonn enfila sa paire de griffes, réservée aux combats difficiles, Alex enleva sa cape et sortit son revolver, Irina prépara ses potions, et l’Archéologue sortit sa pipe et son tabac.
Achelzar invoqua un groupe d’orques fanatiques, monstres qui n’ont plus d’âme et se battent pour leur maître sans poser de questions. Mais nous étions plus forts qu’eux. Achelzar invoqua, par la suite, beaucoup d’autres démons. Le sang jaillissait comme l’eau d’une fontaine. Au bout d’un moment, voyant que nous triomphions de tous les monstres qu’il invoquait, Achelzar pulvérisa le toit de la salle. Les dragons qui volaient au dehors, vinrent se joindre à la bataille en crachant des boules de feu. Shonn prit ses réflecteurs de magie et s’occupa des dragons.
Au bout de plusieurs minutes de combat, je réussis à avoir Achelzar à portée de ma hache. Alors que j’allais lui porter un coup mortel, il me foudroya avec son bâton. Je sentis l’électricité envahir mon corps. Mais bizarrement, le choc ne me tua pas… Au contraire, il me rendit plus fort que je ne l’étais déjà. Achelzar s’en rendit compte. Il changea de tactique. Des morceaux de roche se détachèrent des parois, et, par lévitation, Achelzar les envoya sur moi. Je parvins à les éviter facilement. Achelzar lança alors son bâton et me fit trébucher. Tel un boomerang, son bâton revint entre ses mains et, avant que je n’aie le temps de me relever, Achelzar envoya vers moi, par lévitation, un autre rocher. Au dernier moment, Shonn sauta entre moi et Achelzar et, grâce à ses réflecteurs, elle fit rebondir le rocher qui alla s’écraser sur le cristal de l’Epée. Le cristal se mit à vibrer et se brisa, libérant l’Epée de sa prison.
-Non ! Qu’as-tu fait ? cria Achelzar.
-J’ai libéré l’Epée, répondit Shonn.
-En faisant cela, la puissance de l’Epée va se répandre dans le monde entier et personne ne pourra survivre !
-N’était-ce pas ce que tu souhaitais ?
-Comment ?
-Tu détestais les humains.
-Il est vrai que je n’aime pas le genre humain, mais je n’aurais jamais eu le désir de bouleverser le monde à une telle échelle !
-Dommage… , soupira Shonn. Sache que je n’ai rien contre les humains… Je les respecte autant que n’importe quel autre être vivant. Mais il m’était nécessaire de libérer l’Epée.
-Je ne comprends pas…
-Personne ne pourra jamais comprendre…
L’Epée brilla et un vent glacé souffla dans la salle.
-Réfugiez-vous au fond des grottes ! J’essaierai de faire en sorte que l’Epée vous épargne ! cria Shonn.
Alex, l’Archéologue, Irina et Achelzar coururent vers la sortie de la salle, je voulus les rejoindre mais… Je ne pouvais pas… L’Epée semblait m’appeler… J’étais hypnotisé… J’entendis la voix d’Irina qui m’appelait… Je voulais la rejoindre… Mais je ne pouvais pas… Je m’avançais vers l’Epée…
Arrivé en dessous de l’Epée, je fus entouré par un halo de lumière. Irina courut vers moi mais il était trop tard… Il y eut une réaction en chaîne… Mon corps fut transpercé par une douleur immense… Ma vue s’obscurcit… Mes sens se brouillèrent… J’eus à nouveau une vision… Mais n’était-ce pas réel… ? Je volais entre les étoiles, tenant l’Epée par la main… Elle semblait me guider… Elle cherchait un lieu caché dans le ciel étoilé et voulait m’y amener… Elle me fit rentrer dans le soleil… Je perdis connaissance…

Je me réveillais dans un monde qui m’était inconnu… Depuis ce jour-là, ma vie est devenue plus horrible… J’ai tout perdu… Tout ce qui pouvait m’inciter à continuer à vivre… J’ai perdu l’amour d’Irina… Cela fait si longtemps… Elle doit être morte depuis… A présent, vivre n’est rien d’autre qu’une souffrance… Je veux mettre fin à tout ceci…

Je veux mourir… Mais… Je ne peux pas…

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