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Les Dés du destin

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Les Dés du destin

Ils étaient face à face, dans ce petit bloc blanc. Aucune parole entre ces deux personnages n’était échangée, juste des regards vifs et brefs. Chacun avait dans sa main un dé à six faces. Dans cette pièce exiguë, on trouvait une table blanche en plastique ronde à quatre pieds et deux chaises blanches en plastique aussi. Les sièges étaient inconfortables et cela crispait les deux individus. Il y avait sur la table, un dossier blanc contenant un grand nombre de feuilles volantes avec écrit en noir et en gros « 321 565 892 645 719 876 453». A tour de rôle, chacun des deux l’ouvrit et feuilleta à grande vitesse tout les papiers. Quand le dossier fût refermé, les deux personnages lancèrent en même temps leurs dés sur la blancheur plastifiée resplendissante du mobilier. Les dés roulèrent, roulèrent et roulèrent encore, en gémissant. Ils s’arrêtèrent d’errer follement sur la table. On pouvait lire sur le dé noir cinq petits points blancs sur la face de lecture et sur le dé blanc trois petits points noirs.
Ils se levèrent de leurs chaises et l’un d’entre eux pris le dossier. Celui qui avait le dossier disparu en dehors du bloc comme une ombre en plein Soleil.
Le deuxième sortit sa tête du bloc et balaya de ses yeux la Salle. Des blocs à perte de vue. Des individus marchant têtes baissés vites et droits. Des bruits de fonds de dés frappant, claquant et résonnant comme une musique répétitive, démente et ignoble à entendre. Il rentra immédiatement dans son antre et attendit le suivant.
Un individu entra quelques instants après et il lui tendit un dossier en sa direction. Il feuilleta le dossier « 564 523 641 379 799 128 666 » lentement et avec attention. Il le reposa ensuite ce tas de feuilles sur l’autel du hasard. Ils saisirent simultanément chacun un dés et les lancèrent. Ils glissaient sur la table avec frénésie tout en glapissant. Le dé blanc indiquait trois et le noir six. L’individu prit le dossier et sortit du bloc. Il restait assis.
C’était le troisième individu à rentrer dans ce bloc, cette fois ci pour le dossier numéro « 323 641 319 719 188 666 545 ». Encore les mêmes gestes, Le dé blanc indiquait trois et le noir six. Toujours la même routine.
Un quatrième individu pénétra dans la pièce…
Le cinquième entra avec empressement…
Le sixième débarqua essouffler et respirant à grand bruits…
Un autre arriva, il ne les comptait plus, dans son bloc. Encore et toujours la même litanie, pour des dossiers différents, ici le numéro «566 454 588 942 664 631 888 ».

C’était le meilleur système. Aucun n’autre ne pouvait aussi bien fonctionner et être juste. Il était garant d’un ordre établi basé sur l’égalité et la justice. Il aimait beaucoup ces deux grands principes, piliers de la Salle et de chaque individu. Le règne du hasard, rien n’était plus équitable que celui-ci. Le règne des probabilités où tout n’était que mathématiques et chiffres. Aucun sentiment ne venait troublé les choix et les décisions. Il adorait tenir ce dé blanc dans la paume de sa main gauche. Il appréciait le frotter contre le plastique blanc de la table et le faire gémir. Il savourait le fait de jouer aux dés, avec son dé blanc, le moindre fait et gestes de chaque humain et ses conséquences. Il ne savait jamais comme la plupart l’enjeu du jet de dés. Etait-ce l’explosion d’une centrale chimique ? Une déclaration de guerre ? Ou bien alors si Paul se lèverait du pied gauche ou droit ? Si tel enfant raterait son bus ? Si tel homme aurait une crise cardiaque ?
Le destin de toute l’humanité au cas par cas était déterminé sur des vulgaires tables en plastique blanc que tout quidam pouvait posséder chez soi…
Après avoir lancer les dés, il regarda son dé qui obtenait un trois et l’autre, le noir, qui indiquait un six.
Après que l’individu était parti, il lança plusieurs dizaines de fois son dé blanc. Il obtenait toujours trois et cela en le lançant de toutes les manières possibles.
Le destin qu'il croyait jeter dans la gueule du monstre Hasard, équitable et juste, n'était qu'un vulgaire concept prédéfini et truqué.

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