« Puis Dieu dit : Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. » (Genèse, 1.26)
Le Néant…
La Matière…
La Terre…
La Vie…
L'Homme…
Alerte !
Début du programme Humanité.
Odeur-Blond le singe marchait sur la mince couche de neige recouvrant l’herbe verte. Il détestait ça, la neige. Ça rendait les pieds froids et ça voulait dire que Temps du Froid était arrivé. La nourriture se faisait plus rare alors.
Il y en avait pourtant, des proies, de la viande sur pattes, mais elles étaient peu nombreuses, et surtout plus rapides. Ce qu’il fallait, c’était quelque chose qui puisse taper fort en un seul coup. Pas comme son poing qui devait frapper plusieurs fois pour avoir quelques maigres effets, et qui était donc insuffisant face à une proie qui courait trop vite pendant trop longtemps…
Alors qu’il s’apprêtait à grimper, Odeur-Blond sentit que quelque chose se passait. Pendant un bref instant, il put sentir plusieurs odeurs mêlées portées par le vent. Il savait ce que cela signifiait : une bande n’était pas loin. Pour en avoir croisé quelques fois pendant sa vie, il savait que pendant Temps du Froid, ces bandes étaient en recherche de nourriture. Comme lui. Mais cette fois, la proie, c'étaient les autres singes. Comme lui.
Ses soupçons se confirmèrent lorsque ses yeux reconnurent trois singes juste devant lui. Par expérience, il savait que trois, peut-être quatre singes s’étaient cachés derrière son dos, attendant simplement que leur proie s’approche d’eux. Mais il n’allait pas se laisser faire !
Pour paraître plus impressionnant, il gonfla sa cage thoracique et cria violemment, chargeant sa voix de la plus grande agressivité possible. Il montra ses dents longues et pointues, les canines plus visibles que les autres. Les poils recouvrant son corps se hérissèrent presque instantanément. Il serra fortement les poings et les mit devant lui, menaçant.
Mais les autres singes ne combattaient pas un être de la même espèce qu’eux pour la première fois. La peur les avait quitté grâce à l’expérience ainsi qu’à la faim qui tenaillait leur ventre. Déterminés, ils s’avancèrent vers Odeur-Blond en prenant à leur tour un air menaçant, voulant le faire reculer pour l’attirer vers leurs compagnons. Mais lui savait ce qu’il fallait faire.
Son visage devint farouche et il fonça droit sur ses attaquants visibles. Ce fut tellement surprenant que ses prédateurs n’eurent pas la moindre idée de quoi faire pendant la seconde cruciale où il fallait l’arrêter. Ensuite, il s’enfuya à toute vitesse. C’était ce qui se déroulait en général.
Cette fois cependant, l’un des trois singes s’était posé en obstacle. Il devait en avoir vu d’autres, lui aussi. Mais rien à faire, Odeur-Blond n’avait pas d’autre solution pour s’en sortir. Il tenta de passer en force, mais la poussée qu’il reçut était tellement violente qu’elle arrêta son élan et le fit trébucher en arrière. Quelle puissante force !
Son cœur s’accélérant, il devint de plus en plus terrifié. Cette fois, il ne lui restait plus grand chose à faire. Pourtant, il ne voulait pas mourir !
L’un de ses agresseurs fit un bond impressionnant et fut sur le point de se trouver sur Odeur-Blond. Celui-ci, plus dans un réflexe désespéré que dans une action mûrement réfléchie, agrippa une branche morte qui traînait juste en dessous de sa main, et frappa violemment au visage son assaillant en plein vol, déviant ainsi sa trajectoire pour le faire atterrir à côté de lui, inerte.
Comprenant très vite un système nouveau pour lui, il se releva, toujours la branche morte à la main. Il venait de réaliser une chose importante : le bout de bois avait fait plus de dégâts que son poing lui-même, et même s’il ne comprenait pas pourquoi, il fallait en tirer avantage. MAINTENANT !
Debout sur ses deux pattes, il courut vers les deux autres singes, qui semblaient stupéfaits, et les frappa tous deux avec une violence inouïe, digne d’un instinct de survie exemplaire. L’un d’eux put s’échapper, mais l’autre s’étendit de tout son long sur le sol, inconscient. Peut-être même mort.
Odeur-Blond, épuisé par l’adrénaline parcourant son corps, s’assit à côté de l’un des cadavres. Le temps s’écoula… Le soleil avait fini d’arriver au sommet du dôme bleu et amorçait à présent sa descente. Lorsque Odeur-Blond commença à manger la chair de l’un de ses congénères, il comprit qu’il venait de trouver un moyen de ne plus avoir faim, plus jamais.
Le Programme Humanité débute correctement. Aucune anomalie majeure n’a été découverte.
Analyse de l’intéraction Humanité-Nature Nature-Humanité correcte, aucune anomalie majeure n’a été trouvée, Il semble satisfait. Il ne nous reste plus qu’à attendre.
Nahok aimait la chasse. C’était quelque chose d’inné. Ce rôle de prédateur chassant sa proie, les embuscades, les courses poursuites, les cachettes près des fourrés…
Lorsqu’il chassait avec la tribu, c’était un peu moins plaisant. Là, pas le temps de jouer, on devait nourrir la tribu en entier et pour cela, inutile de faire perdre du temps. La stratégie était simple. Trop simple : faire peur au troupeau repéré et le conduire, en lui faisant peur, vers un ravin.
Nahok n’aimait pas ça du tout. Quel plaisir tirait-on d’une tactique aussi pauvre ? Sans compter le manque d’économie de la viande. Détruire un troupeau entier alors que quelques bêtes suffisaient…
En ce début d’après-midi-là, il partit seul derrière les Deux Collines, un endroit regorgeant de troupeaux. Le shaman lui avait promis la faveur des Dieux et il s’était donc éloigné de la tribu joyeusement, emportant avec lui son bâton favori résistant, courbé vers l’arrière et agréable à tenir en main. Une pointe en silex était attachée à l’extrémité. Une arme idéale.
Après la capture d’un lapin et d’un oiseau (cette dernière proie était assez rare, mais Nahok était rapide et silencieux, et les volatiles étaient vraiment excellents lorsqu’ils étaient cuits), il commença à rentrer chez lui lorsque…
La nuit était déjà tombée depuis quelques temps lorsque Nahok parvint jusqu’à la caverne de la tribu. Epuisé, il se traîna à plat ventre jusqu’au feu qu’avait allumé les Hommes. Il était proche, mais lui se déplaçait lentement.
Lorsqu’il fut enfin visible pour les autres, quelqu’un de la communauté se précipita sur lui. Il se sentit soulevé, amené près de la chaleur bienfaisante… Ses blessures furent visibles et il entendit vaguement des exclamations autour de lui.
Il n’avait pas besoin de dire que c’était les loups. Les Hommes étaient en guerre contre les loups depuis toujours en fait, mais ceux-ci avaient disparu depuis dix printemps au moins. Comment se pouvait-il que ces monstres reviennent après dix printemps d’absence ?
Les loups étaient toujours très craints. Les prédateurs des Hommes finissaient toujours par disparaître petit à petit, vaincus par le feu et les lances, et ils s’enfuyaient autre part ou disparaissaient. Mais les loups étaient toujours là…
Nahok se sentait bien à présent. A côté du feu, il sentit son esprit le quitter et rejoindre le Grand Esprit de la Nature. Malgré son détachement de la réalité, il parvenait à comprendre que le Shaman demandait aux Dieux de le laisser ici, de ne pas partir tout de suite… Mais Nahok savait qu’il avait fait son temps en ce monde. Son âme allait fusionner avec le Grand Esprit.
Tenant son fils aîné entre ses bras, le père de Nahok pleurait presque à chaude larme, mais on sentait qu’il se retenait. Il criait vers le ciel, suppliait le Grand Esprit d’attendre un peu, quelques années au moins. Mais rien n’y faisait, Nahok mourrait, était mort… Les prières du père et du Shaman restaient vaines.
La rage sifflant entre ses dents, il se fit la promesse solennelle de détruire toutes les meutes de loups qu’il rencontrerait.
Un jour viendrait où les Hommes pourraient tous marcher calmement parmi les arbres, sans jamais avoir peur de perdre la vie. Même s’il fallait pour cela abattre tous les animaux dangereux de ce monde ! Il poursuivrait inlassablement cette soif de paix…
Le Programme Humanité se déroule correctement. L’évolution se développe comme Il l’avait prévu. Les humains ont colonisé l’ensemble de la planète et une société de plus en plus complexe s’est établie à différents endroits. Analyse des évolutions possibles…
Alexandre contemplait ses ennemis devant lui. Les Perses… Les plus grands ennemis des Grecs et des Macédoniens. De tous temps, ces hommes avaient tenté d’envahir, à plusieurs reprises, Athènes ainsi que les autre cités grecques. Mais à présent, la riposte, entamée par son père Philippe II, allait être sanglante.
C’était la première fois qu’Alexandre III de Macédoine allait combattre les Perses.
D’un seul coup d’œil, il voyait déjà plusieurs défauts chez l’armée ennemie. Déjà, seule la cavalerie gardait le bord du petit cours d’eau,
le Granique
, alors que l’infanterie était assez loin derrière. La défense était donc sérieusement amoindrie.
Ce manque évident d’organisation et de stratégie n’était pas une grande source d’étonnement pour Alexandre. Les Perses avaient défait un nombre incroyable de fois les Grecs et, confiants, ils ne devaient pas avoir peur de grand chose… Surtout en voyant un général si jeune : vingt-deux ans ! Pendant un instant, il se souvint du colis que Darius III, roi des Perses, lui avait envoyé : un fouet, une balle et quelques pièces d’or. A côté, une lettre où était inscrit « Le fouet est pour te corriger, la balle pour t’amuser et l’or, si tu as besoin d’argent de poche ». Quelle regrettable erreur avait commis le roi ! Alexandre allait lui montrer de quoi était capable le demi-Dieu, fils de Zeus, qu’il était !
Cependant, les Perses étaient beaucoup plus nombreux : Une bonne centaine de milliers de soldats, à vue d’œil, sans compter les mercenaires. Tandis que l’armée grecque n’était composée que de trente milles fantassins et cinq milles cavaliers.
Pourtant, Alexandre savait déjà comment tirer parti des erreurs de l’armée ennemie, malgré la différence énorme du nombre. Déjà, il fallait attaquer le flan gauche, là où était réuni les personnages adverses, puis d’attaquer en échelon de la gauche vers la droite, jusqu’à refouler la cavalerie sur l’infanterie, à l’aide de ses phalangites, l’infanterie grecque, soutenus par ses escadrons. Le plus important étant de ne pas se laisser déborder.
Le soleil lui était favorable, il avait attendu l’après-midi pour cela. Les Perses avaient le soleil en face d’eux, il les aveuglait de sa lumière éblouissante.
Sortant lentement son épée du fourreau, il hurla un ordre puis pointa sa lame vers les ennemis. Aussitôt, les troupes grecques se mirent en action. La bataille venait de commencer…
Lorsque la ligne se fut établie, l’attaque se faisait pas vagues de divisions successives.
Mais la rive du
Granique
était assez abrupte, et les flèches étaient mortelles, provoquant la peur. Alexandre s’aperçut que ses troupes reculaient, malgré les ordres des capitaines de régiments, les syntagmarques. C’était une cuisante défaite qui se profilait à l’horizon, si rien n’était fait pour remédier à la situation.
- Que faisons-nous mon roi ? demanda son grand ami et fidèle lieutenant, Clios.
Sans répondre, résolu, Alexandre fit courir son cheval vers le cours d’eau, obligeant la cavalerie lourde derrière lui à le suivre. Sa course, au bout d’un moment, commença à se faire remarquer puis, à l’instant où il parvint sur l’eau, les cris de son armée parvinrent à ses oreilles :
-
Ennualios ! Ennualios !
Alexandre sourit. Les troupes scandaient là l’autre nom de Arès, Dieu de la guerre. Enivré de tant de gloire, son épée à la main, le roi macédonien se rua sur ses ennemis avec un sentiment de puissance et d’invincibilité.
Cependant, il n’attaquait pas aveuglément. Il se savait appuyé à droite par les archers, et à gauche par la cavalerie légère.
L’effet recherché fut presque instantanément atteint. Derrière lui, les troupes reprirent confiance et une vague de courage sembla emporter l’ensemble de l’armée, qui se mit à avancer avec davantage d’entrain, scandant encore et toujours le même mot.
La mêlée fut sanglante, davantage pour les Perses que pour les Grecs. Ces derniers étaient excellemment équipés, en surnombre dans cette ligne de bataille et, surtout, possédaient un moral devenu d’acier. Sans compter que le soleil aveuglait les orientaux comme il fallait. La stratégie d’Alexandre était parfaite. Ses pertes ne seraient sûrement pas énormes.
Des coups d’épée à droite à gauche, des parades, des ripostes… Tout était clair et net dans la tête d’Alexandre, jamais la peur n’embrumait trop son esprit. L’entraînement qu’il avait subi grâce à son père était excellent.
Un instant cependant, un coup porté trop en avant le laissa en déséquilibre. Quelqu’un le bouscula sur la droite et, malgré les efforts d’Alexandre, celui-ci ne put s’empêcher de tomber. Il n’eut pas le temps de se relever, un Perse se trouvait déjà au-dessus de lui, prêt à lui porter un coup fatal.
Vite ! Il fallait parer ! Où se trouvait son arme ? Son instructeur lui avait pourtant appris qu’il fallait toujours faire attention à ne jamais lâcher son arme !
Son épée avait roulé un peu plus loin. Il n’aurait jamais le temps de la saisir, le Perse était sur le point de le frapper.
Il tenta une esquive, mais sa position sur le sol était trop incommode pour ce genre de chose. Impuissant, il vit son ennemi abattre son arme sur lui…
Au dernier moment, alors qu’Alexandre pensait être aux portes de l’Olympe, Clios planta son épée tranchante dans le dos du Perse.
Quel fidèle lieutenant, ce Clios…
Lorsque le soir fut tombé sur ce qui fut le théâtre de la bataille, Alexandre se déplaça en personne et soigna un à un une partie de ses hommes. Aristote lui avait enseigné la médecine, il n’y avait pas de raison de ne pas l’utiliser. Il pouvait ainsi s’assurer une meilleure fidélité.
Il voyait de ses yeux les blessures et les souffrances que la guerre infligeait. Mais qu’y pouvait-il ? Il ne faisait que se défendre contre des envahisseurs gênants, capables de mettre à mal la démocratie des cités. Athènes était à la merci des Perses depuis des années.
Il fallait d’ailleurs libérer les ports de l’Asie mineure afin d’être sûr que les Cités-Etats ne subissent pas d’attaque pendant l’absence de l’armée principale, commandée par Alexandre…
De plus, les Perses n’allaient pas en rester là. Une partie des hommes avaient réussi à s’enfuir, et lutteraient donc à la prochaine bataille. De nouveaux combats en perspective…
Cependant, l’Asie mineure en valait la peine, elle était riche en ressources, permettait d’étendre la culture grecque au-delà de la Grèce elle-même. Tous les morts justifiaient cette idée.
Alerte ! Incident imprévu en cours ! Un sujet du Programme Humanité a été capable d’entr’apercevoir le Plan. Bien qu’Il ne nous en tienne pas rigueur, mieux vaudrait limiter les conséquences, le Plan risque d’être compromit.
Début de l’Incident Jésus.
Selon Matthieu ; Ainsi parla Jésus, fils de Dieu :
« Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux ! » (5.3)
« Heureux les affligés, car ils seront consolés ! » (5.4)
« Heureux les débonnaires, car ils hériteront la terre ! » (5.5)
« Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés! » (5.6))
« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ! » (5.7)
« Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ! » (5.8)
« Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu ! » (5.9)
« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux ! » (5.10)
« Heureux serez-vous, lorsqu'on vous outragera, qu'on vous persécutera et qu'on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi. » (5.11)
« Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête. » (8.20)
« Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre. » (5.39)
« Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux. » (5.12)
« Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé. » (5.18)
L’incident Jésus a provoqué davantage de modifications dans le Plan que ce qui était prévu. L’évolution de la conscience de l’homme a été bouleversé, même si Lui semble satisfait. Nous étudions et analysons les solutions du problème…
Diego se sentait intouchable. Tout était trop facile devant ces ennemis trop inoffensifs.
Il faisait parti d’un régiment d’à peine deux cents hommes. Face à lui, les différentes tribus d’Amérindiens avaient rassemblé pas moins de cinq cents guerriers environ. Diego et les autres espagnols se trouvaient en infériorité numérique, mais ce n’était pas vraiment important. Les tomahawks et les flèches ne faisaient vraiment pas le poids face aux fusils à un coups.
Vraiment ridicule. Autant comparer ça avec une bataille confrontant deux lions avec cinq chatons…
La plaine était herbeuse à souhait, le vert était profond et magnifique. Le ciel, clair et bleu. Le soleil laissait une douce chaleur planer dans l’atmosphère. Les oiseaux chantaient… Quelle tranquillité. Rien ne laissait présager qu’une bataille âpre et sanglante allait avoir lieu dans quelques instants.
A quelques centaines de mètres, les sauvages se mirent en action, courant à vive allure vers les occidentaux. Le sergent sortit son long sabre de son fourreau avant de le pointer vers le ciel. Premier signe.
Diego, en première ligne, posa un genoux à terre, l’autre jambe fléchie vers l’avant. Il pointa son fusil vers les Amérindiens. Il put distinguer des plumes, se balançant à droite et à gauche sous l’effet de la course ; des peintures de guerre, brillant sous la douce lumière du soleil ; des cheveux longs et raides, tellement légers qu’ils flottaient selon l’humeur du vent…
Diego n’avait pas trop peur pour sa vie. L’expérience lui avait montré que ce n’était pas lui qui mourrait au fil des batailles, ce seraient plutôt les ennemis. Il songea un court instant à la raison pour laquelle les espagnols étaient venus ici.
L’or bien sûr. La richesse,
El Dorado
. Le pays d’or.
Toujours plus d’argent, toujours plus de territoires, de colonies, toujours plus de pouvoir. Les Européens étaient insatiables en la matière. La Reina avait même défié l’Eglise en voulant vérifier que la Terre n’était pas plate. Voilà où cela les avait tous conduit : à tuer des êtres pour leurs territoires. L’Eglise enseignait que ces sauvages n’étaient pas des hommes, que comme les noirs, il fallait les tuer ou en faire des esclaves. Le Pape était entièrement d’accord avec cette idée.
-
Por Dios y la Reina de España ! Fuego !
hurla le sergent.
Aussitôt, plusieurs détonations rugirent dans le silence. Des oiseaux s’envolèrent de leurs arbres.
Une volée de tirs atteignit les Amérindiens, qui s’étaient rapprochés entre temps. Plusieurs dizaines de guerriers s’étaient affalés sur le sol, morts ou mortellement blessés.
Diego toussa un peu à cause de la fumée blanche qui s’était élevé. Il posa son fusil à terre et commença à le recharger, tandis que la deuxième ligne de tireurs recula pour laisser place à la troisième ligne.
-
Fuego !
Une nouvelle série de tirs atteignit les sauvages. Diego, prêt à tirer à nouveau, pointa à son tour et tira encore sous l’ordre du sergent. Les Amérindiens encore vivants étaient assez peu nombreux, mais ne reculaient pas ni même ne ralentissaient. C’était de la folie ! Ils allaient tous se faire massacrer ! Pourquoi poursuivaient-ils leur charge en sachant qu’ils allaient mourir ?
Diego se sentit soudain mal. Il savait ce qu’il allait se passer. Le corps à corps. C’était la deuxième fois qu’il allait combattre face à face avec des ennemis. Résolu, il vérifia que la baïonnette était bien fixée sur son fusil, puis attendit.
Les derniers coups de feu venaient d’être tiré.
Diego se releva, pointa son arme blanche vers l’avant, puis attendit… attendit… attendit…
Il sentit la peur rigidifier ses muscles, accélérer le rythme de son cœur. Le sang bouillonnait et tapait contre ses tympans. Quelques gouttes de sueur perlaient.
Il le sentait vraiment mal…
Les Amérindiens n’étaient plus qu’à une vingtaine de mètres. Le choc allait être terrible.
Dix mètres.
Les yeux des sauvages étaient emplis de colère et de rage guerrière. Eux n’attaquaient pas pour le pouvoir, mais pour défendre leurs tribus. Leurs demeures, leurs familles.
Cinq mètres.
Diego se demanda ce qui se passerait s’il découvrait que des ennemis envahissaient l’Espagne et tuaient femmes et enfants sur leur passage, lançaient des rats au milieu des villages pour que la maladie se répande partout…
Plus que trois mètres.
Il n’aurait jamais dû accepter de venir ici, sur le nouveau monde. Il aurait dû rester près de sa femme et de ses gosses. Au moins, c’était tranquille là-bas, il n’aurait pas eu à penser à des choses répugnantes, il s’en moquerait complètement de la situation des sauvages.
Des lames enfoncés dans les corps, des haches tailladant des têtes et des torses… Le bruit d’une bataille entre Espagnols et Amérindiens sonnait vraiment d’une façon atroce, résonnait dans une cacophonie presque silencieuse aux oreilles de Diego. Lui tuait, tuait sans porter son attention sur autre chose que sur les ennemis en face, voire sur les côtés. Il fallait qu’il se défende ! Il devait tuer pour survivre, tuer ou être tué.
C’était la panique ! Il se retrouva à terre, un sauvage sur lui. Rapidement, celui-ci leva son tomahawk.
Vite ! Que quelqu’un le sauve ! Il ne voulait pas mourir !
L’évolution du Programme Humanité a pris une tournure intéressante, dont une des causes possibles serait l’intervention de l’incident Jésus. Cependant, le Plan n’est pas perdu de vue. Nous dirions même qu’au contraire, cet incident a pu renforcer le Plan. L’avenir reste quant à lui incertain, le Programme pourrait être interrompu dès à présent, mais Il ne semble pas le vouloir. Le Programme Humanité suit donc son cours…