"Minuit ! L'heure du crime !" répétait inlassablement le poste de télévision.

" Minuit ! L'heure du crime !" répétait inlassablement le poste de télévision.

La vaisselle reposait impitoyablement sur le comptoir de la cuisine. Les mouches commencais à voleter autour des restes. Une odeur de brocolis au ketchup flottait dans l'air ambiant. Des miettes de pains, des bouts de spaghettis et des morceaux de viande traînaient sur le sol. Le bordel régnait, et tout ce que la télé trouvait à dire c'était " Minuit ! L'heure du crime ".
A ce moment précis, Maman se sentit l'âme d'une meurtrière. Quelqu'un devait payer pour ca ! Elle marcha d'un pas déterminé vers le salon et observa la scène.

Papa reposait confortablement dans son fauteuil en face de la télé. Sa dure journée de travail au chantier de construction n'avait pas arrangé l'état de son dos. Même s'il ne s'en plaignait jamais, on pouvait lire la fatigue et la douleur sur son visage. Il méritait de se reposer.

Guillaume, son casque audio branché sur ses oreilles, dessinait. A croire qu'il n'avait fait que ca de toute la journée. Les professeurs raleurs avaient rempli son carnet de mots décrivants Guillaume comme un flemmard de première catégorie. Maman savait bien sûr qu'il préférait dessiner plutot que d'écouter ces adultes grincheux rabacher des théorèmes de maths et des règles de physiques. Hier, Guillaume avait rapporté un 1/20 en math. A moitié déséspéré, il avait pleuré silencieusement jusqu'à ce que Maman vienne le consoler en lui disant que tant qu'il dessinerait, il resterait toujours dans son coeur. Et le voilà qui dessinait sans relache sur la même feuille de papier depuis ce matin. Maman se glissa à pas de loup derrière lui et jeta un coup d'oeil sur le futur chef-d'oeuvre. Elle cru se reconnaître.

Etant dans l'impossibilité de déranger Guillaume, elle posa son regard sur Marion. La jeune adolescente, recroquevillée dans le canapé, séchait encore ses larmes. La mairie avait refusé à son groupe la permission de jouer dans la salle des concerts à la fête de la musique. Les vieux pédants siégeant dans le majestueux batiment municipal avaient jugé ses chansons trop indécentes. Maman s'était efforcée d'expliquer a Marion qu'ils étaient nés avec un "balais dans le cul", son humeur n'évolait pas. Il valait mieux la laisser tranquille.

Maman remarqua alors que le petit Lucas était absent. "Il est probablement dans sa chambre en train de jouer à un de ses jeux vidéo" pensa-t-elle. Elle s'élança silencieusement dans l'escalier. Une voix qu'elle ne connaissait pas résonnait dans le couloir du premier étage. Elle s'approcha lentement de la porte de la chambre du petit Lucas et colla son oreille à la serrure.
- Tu sais... C'est la première fois que quelqu'un s'intéresse a mes histoires... dit une voix d'adolescent.
- Je les aime bien. Elles me font rêver... répondit une voix feminine.
Maman entendit alors distinctement les couvertures du lit être soulevées. Elle ouvrit la porte brutalement, et, à sa grande surprise, découvrit le petit Lucas, tout seul, debout sur son lit avec les couvertures attachées à son cou en guise de cape. L'ordinateur demeurait silencieux et les consoles de jeux était éteintes. Maman et le petit Lucas se regardèrent dans les yeux pendants quelques secondes sans rien dire. Maman brisa alors le silence en demandant :
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je m'invente des histoires. Répondit le petit Lucas le plus naturellement du monde.
Maman referma la porte en s'excusant. Aussitôt, la mystérieuse conversation repris. "Comme c'est mignon" pensa-t-elle ayant décidé de le laisser s'abandonner à son imagination.

Elle redescendit dans la cuisine et contempla à nouveau le désordre. Finalement, c'est elle qui se mit à la plonge. Tout en ouvrant le robinet d'eau chaude, elle pensa :
"Heureusement que j'ai une famille merveilleuse, sinon j'aurais déjà commis un meutre..."


" Minuit ! L'heure du crime !" répétait inlassablement le poste de télévision.