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Mince réalité

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Mince réalité

"Elle les précéda à travers un dédale de grandes salles presque vide de meuble. Les poutres du plafond étaient énormes, les cheminées, de simples foyers de pierre."
L'ensemble était propre, mais sans acharnement décoratif. Quiconque voyait cette caverne était pris d'un sentiment de neutralité. Il n'y avait rien pour choquer et rien pour déplaire, seuls les éléments de base dépourvus de tout superflu représentait l'âme de cette demeure. Certains critiques redoutables auraient cependant pu traiter ce lieu de rustre devant les imposants matériaux permettant la survie de l'endroit. En effet, en plus des poutres, il y avait de nombreux grands et épais murs porteurs soutenant l'imposante masse terrestre de deux kilomètres qui les séparaient de la surface. Cela, bien entendu, sans compter le poids de la montagne se trouvant juste au dessus. Une belle et grosse montagne comme on les aime, truffée de tunnels creusés par les nains depuis des siècles. Elle avait été la capitale de l'ancien empire d'Acarion, qui comme tout le monde le sait...
- Non ! Je ne veux pas !
- Que se passe-t-il au fond de la salle ?" La plupart des élèves s'étaient retournés, quelqu'un avait osé interrompre la lecture de maître Abiractès...
"Allons parlez donc, j'ai posé une question, que se passe-t-il ? Je vous préviens que je ne reprendrais pas ma lecture si je n'ai pas obtenu réponse à cette interruption." La voix du professeur était entremêlée de tendresse et d'autorité, le silence pesait parmi les enfants et les coupables hésitaient à expliquer ce qui avait entraîné l'arrêt du cours. Au bout de cinq minutes, personne n'avait encore parlé et le professeur restait les bras croisés à balayer la salle du regard. Certains élèves commençaient à montrer des signes d'impatience, ils n'osaient pas discuter entre eux, mais commençaient à gesticuler dans tout les sens. Le silence religieux qui s'était établi lors de la lecture, dès lors, n'était plus qu'un souvenir et le bruissement d'étoffe qu'on agite y succéda. Voyant que personne ne se manifestait, le professeur pris les devants et déclara comme si la chose était mûrement réfléchie depuis des siècles : "John et Fred vous êtes dispensés de cours de lecture pour la semaine. J'espère qu'à votre retour, vous aurez compris la portée de vos actes. Sortez !"
Se levant doucement les deux chenapans regardaient tout autour d'eux essayant de croiser un regard mais personne ne les observait. Ils étaient tous comme stupéfiés la tête regardant devant, le regard haut, le dos droit et les jambes croisées sous leurs sièges. On pouvait voir le professeur dans la même position si ce n'est qu'il était perché un mètre plus haut que le niveau de la salle et avait le regard bas, comme dominateur. Les deux garçons sortirent donc et le cours aurait bien repris s'ils n'avaient pas laissé derrière eux ces derniers mots qui avaient semblé faire trembler les murs même de la banale salle de classe de l'institut ARI. "Le mimétisme est la force des singes, la reproduction celle des hommes." Le visage du professeur s'était crispé découvrant des dents noircies par le temps, deux élèves avaient osé émettre un jugement sur l'organisation de l'institut. Non seulement ils avaient bafoué l'article 2 de l'institut interdisant à tout élève d'émettre un jugement, mais de surcroît, ils avaient attaqué l'Institut qui avait tout de suite réagit en tremblant. Elle, si fragile, si attentionnée pour ses occupants, une vrai mère attachant beaucoup d'intérêt à ce que ces jeunes habitants disent, elle avait été frappée en plein fouet par une tirade qui en disait long sur le rejet de toute cette attention. Mais, elle s'habituait, elle savait qu'à toutes les générations il y avait des problèmes de comportement de certains enfants, c'était comme ça, elle ne pouvait rien changer. Alors ces derniers passaient leur scolarité dans l'enceinte et arrivés à leur majorité, ils étaient livrés au monde extérieur dans une quasi-liberté. Ils n'avaient pas de travail pour l'institut, rien, qu'aurait-elle pu leur confier ? Eux qui ne croyaient pas en elle. Alors, la vie commençait pour ces enfants, certains s'en sortaient bien, d'autre déraillaient et revenaient à leur mère en implorant son pardon. L'institut les reprenait donc et ils étaient re-centralisés pour prendre un nouveau départ. D'autre n’avaient cependant pas cette chance, s'ils échouaient au test de reprise, ils étaient mis hors service.
"Dans l'ordre je trouve ma force, dans l'ordre je suis homme, dans la vie je ne vois qu'elle, l'institut, celle qui m'aide et qui m'aime, qui pour moi existe, pour me soutenir, pour me guérir, par sa force je survis dans ce monde impie, je l'aime et la désir, je lui suis à jamais enfant de vie."
Les voix des enfants chantant ce refrain de l'institut résonnaient encore dans leur tête, Il était huit heures du matin et déjà, la majeure partie des élèves étaient rassemblée dans la cour, chantant à plein poumons attendant que leurs professeurs respectifs viennent pour leur leçon quotidienne.
John et Fred étaient, contrairement aux autres, encore au lit, ils n'aimaient guère les petits matins et préféraient faire un bon somme. Ils le savaient, ils étaient les seuls dans tout l'institut à continuer de dormir. Les autres, lobotomisés suivaient la vie quotidienne selon les indications données par leurs professeurs et leurs conseillers amicaux. Ce nom pompeux ne représentait pour les deux garçons qu'un maître de pensée qui apparaissaient dès que l'élève avait un ennui ou une crainte, répondant ainsi à sa question en lui évitant de prendre toute décision. Le monde était morose à l'institut. Enfin pas pour tout le monde, les deux imprudents semblaient très ennuyés par cet environnement mais les autres ne devaient jamais avoir du penser à la question.
« On y va ?
-Ok John. »
Et voilà nos deux garçons plongeant dans les vieux tunnels de l’institut, courant par moment, s’arrêtant pour écouter si quelqu’un les suivaient, ils parcoururent quelques kilomètres puis arrivèrent enfin à l’endroit voulu. Depuis longtemps déjà, les salles de l’institut étaient terminées, et l’endroit, en dehors des limites, avait été aménagé par Fred et John lors de leurs longues escapades dans le sous sol. Ils avaient découvert tous jeunes des livres sur un art particulier, l’électronicité de l’infrastructure moléculaire à biréalité. Ces ouvrages leur en avait appris beaucoup sur la réalité, la pensée et le réalisme Epicuriel. De là, ils avaient monté une machine d’après des modèles qu’ils avaient trouvé un peu plus profondément. D’après ce qu’ils avaient lu, cette machine permettait de modifier l’univers dans lequel on se trouvait.
La réalisation touchait à sa fin. Les deux garçons étaient tout excités à l’idée d’essayer leur «jouet». Ils s’installèrent dans leur fauteuil, mire le casque, lancèrent la machine et c’est parti !
« Bonjour,
Bienvenue dans le programme d’auto réalité.
Veuillez patienter quelques secondes, faites le vide dans votre esprit et quand vous serez prêt, nous partirons.
Bon séjour. »
Quelques minutes s’écoulèrent puis une lumière rayonna de la tête des deux garçons.
Ils se retrouvèrent dans la salle d’Abiractès, il était seul, lisant quelques passages pour sa propre personne, il ne les avait pas vu arriver. Soudain, le livre pris feu, le maître se rejeta en arrière et poussa un hurlement. Devant lui se tenait en lieu et place des deux garçons, deux jeunes hommes en tenue de chevalier portant les vieux blasons du royaume d’Acarion.
« Les hommes sont libres, pensent, s’expriment et se diversifient, vous ne pourrez jamais en venir à bout Birion. »
Cette phrase fut lancée par un des deux chevaliers, puis, levant leur épée à l’unisson un éclair en jaillit et le maître Abiractès fut transpercé.
Les murs autour de la salle devinrent alors plus clairs, des voix d’enfants se firent entendre dans le couloir, avant que le premier entra les chevaliers s’approchèrent de Birion. Il n’était plus là, le corps était vidé de l’être maléfique. Alors les chevaliers redevinrent les deux garçons. Les enfants entrèrent, l’un deux se détacha du lot, et comme emprunt d’une nouvelle faculté de pensée, pour tous les autres, déclama ses gestes comme en réponse à une liberté retrouvée.
« Ses yeux vitreux d'aveugle sont grands ouverts. Je m'approche et doucement, tendrement, lui ferme les paupières. A jamais dans cette existence-ci. »

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