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Les Ambitieux

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Dragoris



Cerbère des Portes de la Fiction


Pour un concours de nouvelles auquel j'aimerais participer, et dont le thème est l'immortalité, j'ai écris un texte que je soumets à vos yeux acérés. Pour ceux qui auront le courage de tout lire, et que je remercie vraiment beaucoup par avance (je sais à quel point parfois ça peut être fastidieux), je voudrais juste leur demander de me donner rapidement leur avis si possible, car la deadline arrive bientôt (à la fin du mois).

Merci encore à vous ! Et n'oubliez pas : je ne prends pas mal les critiques, donc allez-y franchement Smile

Le vent sifflait autour de la maison de pierre avalée par la nuit. Au milieu de l’obscurité et de la campagne, une lumière se dégageait des fentes de ses volets.

À l’intérieur, le feu crépitait. Dans un moment de solennité, le fils, sur le lit de paille, regardait son père prier silencieusement en direction de la cheminée, les genoux sur le sol, les yeux clos, les lèvres remuant sans produire un son, les mains jointes, puis tendues, puis jointes à nouveau, des gestes qu’il répétait chaque soir. Un instant de plénitude dans cette dure journée de paysan.

Puis la prière s’acheva. Le père se leva, et dans les ombres allongées sa barbe parut plus hirsute qu’elle ne l’était. Son œil bienveillant se posa sur son enfant. Aussitôt, le fils fit une place sur le lit en se calant contre le mur. Puis il attendit que le père vienne à son tour, repousse les draps, s’asseye pour enlever ses chaussures. Venait le moment de dormir, mais c’était sans compter l’énergie de l’enfance, la curiosité qui l’anime et ce plaisir de vibrer d’émotion.

-       Papa, raconte-moi une histoire.

Le père ne s’arrêta pas, mais il soupira.

-       Tu les connais déjà toutes.

-       Si, raconte-moi une histoire ! Celle du Prophète.

Nouveau soupir. Mais peut-on résister longtemps aux suppliques d’un enfant ?

-       D’accord, mais tu dors après.

Déjà, le fils se calait confortablement pour ne plus bouger et être attentif à chaque mot du conte.

 

 

En ce temps-là, un temps assez lointain, un temps plus sauvage et plus sombre, les Dieux Cupides exerçaient leur emprise sur les hommes. Par jeu, ils mettaient les humains en compétition entre eux, promettaient monts et merveilles à un seigneur et pariaient sur son ennemi, enrichissaient certains pour mieux appauvrir un plus grand nombre, volaient ou incitaient à tuer pour déclencher des guerres. L’ambition était reine, les ambitieux récompensés, et l’or achetait tout, y compris le meurtre facile. Les vampires attaquaient ouvertement les humains, les magiciens noirs étaient recrutés par les plus riches, l’on persécutait les plus pauvres. On louait le règne des trois Dieux Cupides : Astaroth, Malphas et Rakshasa, et on les vénéraient pour les pouvoirs qu’ils apportaient. C’était un âge sombre, où régnait le chacun contre tous.

En ce temps-là, un homme du nom de Nybirias parcourait les vertes campagnes emplies de brume et d’humidité, et marchait de village en village. Il n’était pas doté d’un fort charisme ou d’une parole facile, mais les paysans l’écoutaient, intéressés par ses dires et la philosophie qu’il voulait partager, et son message se propageait d’autant mieux qu’il prônait une nouvelle façon de vivre, celle qui n’est pas consumée par l’ambition et la compétition, mais par la simplicité, celle qui ne cherchait pas l’or mais le pain, l’amour et l’amitié.

Sa popularité crût avec le temps, davantage dans les campagnes que dans les châteaux et l’aristocratie, car les paysans souffraient des guerres perpétuelles que se livraient les villes entre elles et des ravages des nombreux pillages. Il luttait contre l’influence omniprésente des Dieux Cupides, mais comme ceux-ci ne semblaient pas attenter d’action contre sa personne, on le disait invulnérable à leurs pouvoirs. On lui offrait l’hospitalité partout, un coin pour dormir, un quignon de pain au lard pour manger, de l’eau fraîche de la rivière pour se désaltérer. Et de l’écoute, beaucoup d’écoute. Appliquant son message, les paysans lui offraient de la solidarité dans un monde de compétition.

Intrigué par tant de popularité, dans une discussion qu’il surprit entre deux serviteurs, un jeune seigneur local du nom de Falgor l’invita un jour à sa cour. Le prêcheur Nybirias, le cœur naïf, et pensant que son message allait à présent porter jusqu’aux plus hauts niveaux de la hiérarchie du pays, accepta volontiers. Quelle ne fut pas sa déception lorsqu’il découvrit, au fil de la conversation qu’il eut avec ce seigneur, que celui-ci ne s’intéressait non à son message, mais à sa réputation d’être intouchable des Dieux Cupides.

Falgor, empli de morgue, lui expliqua ses pensées en se lançant dans un monologue :

-       Voyez-vous, expliqua Falgor de son ton le plus aristocrate, je vénère les dieux comme tout le monde. Moi aussi, je veux être plus riche que mon voisin, et plus puissant que mon suzerain. Mais j’ai néanmoins suffisamment d’or et de rente pour vivre confortablement toute ma vie sans rien faire d’autre, et de même pour mes futurs enfants et les enfants de mes enfants. Bien sûr, lorsqu’un groupe de vampires attaque l’un des villages sous mon autorité, je perds de l’argent, mais au fil du temps tous les villages sont remplacés par d’autres. Néanmoins, il existe quelque chose que je convoite, et que les dieux ne donnent à personne en le conservant précieusement.

Nybirias secoua la tête devant tant de différences d’avec son message de paix et de solidarité. Ces paroles étaient, pour lui, une hérésie que chacun avait élevée en religion, et c’était chaque fois un coup de poignard dans son cœur.

-       Ce sont leurs pouvoirs que vous cherchez ? demanda-t-il sans grande conviction.

-       Je vais vous surprendre, aucunement. Effectivement, il est de notoriété que les magiciens ne possèdent en réalité aucun pouvoir, qu’ils ne font qu’emprunter aux Dieux Cupides la magie qu’on veut bien leur donner. Mais moi, ce que je veux , absolument, c’est leur immortalité .

Soudain ébahi, Nybirias demeura immobile sans savoir que répondre. De son côté, Falgor s’écoutait parler et ne faisait presque plus attention à son invité.

-       Même si je les vénère, poursuivit-il, je pense comme vous qu’il faut combattre les dieux, mais pas pour les mêmes raisons. La paix sur Terre et tout ce bla-bla, je n’y crois pas une seconde et ça ne m’intéresse pas. Non, ma théorie est la suivante, ajouta-t-il en souriant. Je remarque que les dieux sont immortels, mais que les hommes ne le sont pas. Or, les seconds jouent le jeu des premiers. Parallèlement, les vampires ne vénèrent aucun dieu, et pourtant ils ne vieillissent pas. Si l’on met ces deux éléments ensemble, qu’en déduit-on ?

Il ne laissa pas le temps de répondre.

-       Que les dieux nous enlèvent l’immortalité bien entendu, à nous les hommes. On dit que les premiers hommes vivaient plusieurs siècles, et que nos ancêtres comptaient davantage d’années d’existence que nous. La seule chose qui a changé entretemps, c’est qu’aujourd’hui nous sacrifions aux dieux.

-       Pourtant, releva Nybirias avec accablement, cesser de les vénérer ne rend pas immortel ni de vivre plus longtemps.

-       C’est exact, j’ai aussi remarqué ce fait. Et dans le même temps, nul ne peut nier que notre race toute entière est sous leur emprise, du fait d’un trop grand nombre de personnes les honorant et leur donnant ainsi plus d’emprise sur nous. Ainsi, même si quelques uns ne les honorent pas, comme l’écrasante majorité le fait tout le monde reste sous leur influence. Et c’est là que vous intervenez.

Nybirias sursauta.

-       Moi ?

-       Vous avez l’air surpris, s’amusa Falgor. Les rumeurs disent à votre sujet que vous répandez de drôles d’idées, comme par exemple d’arrêter de servir les dieux et leur philosophie d’ambition. L’on murmure que vous êtes invincible à leurs pouvoirs. Et vous n’avez pourtant pas l’air très vieux. Est-ce vrai ?

Nybirias demeura quelques instants sans répondre, fixant le seigneur de ses yeux gris et intenses.

-       Vous voulez savoir si je ne vieillis pas ? finit-il par demander. Non, je suis jeune simplement. Je n’ai pas fini ma vingt-cinquième année.

Falgor hésita.

-       Pourtant… Cela aurait pu correspondre. La jeunesse, l’insensibilité aux dieux… Tout a l’air de se tenir.

-       Je regrette de vous décevoir, seigneur, dit Nybirias en s’inclinant.

-       Pas autant que moi, répondit Falgor, la mine renfrognée.

Levant les deux bras vers son invité comme pour l’enlacer, ses deux mains se mirent alors à crépiter dans une lumière bleue électrique, des éclairs claquèrent entre ses doigts, avant de fuser de façon soudaine vers Nybirias dans un fracas tonitruant.

Après quelques secondes, les éclairs disparurent. Mais Nybirias demeurait debout, insensible à la puissante magie noire que l’on venait d’exercer sur lui.

Le visage de Falgor, quant à lui, s’illumina.

-       Je le savais ! s’exclama-t-il excité. Je le savais ! Les Dieux Cupides ne peuvent vous atteindre. D’où tenez-vous ce pouvoir ? Êtes-vous béni par eux ? Qu’avez-vous donc fait ?

Mais Nybirias restait d’abord de marbre. Il ne prononça pas un son durant plusieurs secondes, avant de soupirer.

-       Je n’ai rien fait de spécial. Je suis né ainsi.

-       Êtes-vous immortel alors ?

Falgor semblait bondir sur place, le contraste était saisissant avec l’immobilité du prêcheur.

-       Pas que je sache, répondit celui-ci. Comme je vous l’ai dit, je suis jeune. Si votre théorie était vraie, je ne la vérifierai que dans quelques années.

Cette réponse sembla décevoir Falgor.

-       Rien de récupérable pour moi alors, pour l’instant.

 

Malgré le pari risqué du seigneur Falgor, et qui aurait pu coûter la vie à Nybirias, celui-ci accepta l’invitation de rester quelques jours au moins dans son château. Bien que leurs personnalités et leurs ambitions soient profondément différentes, une sorte d’amitié et de respect mutuels apparut entre eux. Sans doute se retrouvaient-ils dans leur rejet commun de cette vénération des Dieux Cupides.

Mais les jours devinrent des semaines. Et les semaines des mois ; puis les mois des années. La popularité de Nybirias s’ancra dans la région et s’élargit. Sa philosophie, consistant à rejeter la pensée ambitieuse répandue par les dieux, se propagea. Elle fut même soutenue par quelques seigneurs satisfaits de ne pas avoir à craindre des paysans abandonnant toute ambition de richesse.

De son côté, Falgor fut bien aise que son invité, peu coûteux au demeurant car aux mœurs simples, restât chez lui, afin de pouvoir vérifier sa théorie de cette immortalité volée par les dieux. Poursuivant assidûment son étude de la magie noire pour y trouver des réponses et augmenter par ailleurs sa longévité, il pratiquait des sortilèges de plus en plus obscurs sur son propre corps, et ses idées finirent par le mener de plus en plus loin dans la noirceur du monde et des lois qui le régissent. Des pratiques que Nybirias désavouait de plus en plus.

Sans doute une étape fut-elle franchie lorsque Falgor vint voir le prêcheur un matin d’hiver, alors que la neige tombante fouettait rageusement les murs de la forteresse.

 

Bien des années s’étaient écoulées alors depuis leur première rencontre. Nybirias s’était laissé pousser une courte barbe patriarcale, avait perfectionné sa philosophie d’amour, de paix et de simplicité. Peu à peu, le travail du temps avait fait ses œuvres et les traits creusaient son visage comme autant de cicatrices de l’existence. Falgor dut bien se rendre à l’évidence avec dépit que l’immortalité de Nybirias n’existait pas, tout au moins ne se maintenait-il point jeune.

Ce matin-là, Nybirias s’apprêtait à partir du château, afin de prêcher dans un village égaré auprès de nombreux curieux qui étaient venus de loin, lorsque Falgor vint le voir tout excité, ne tenant plus en place. Il lui demanda de l’accompagner jusqu’aux oubliettes, dans la pièce la plus profonde du château, afin de lui faire part de sa dernière découverte.

Avec appréhension, Nybirias descendit avec lui dans les sombres profondeurs du château, dont les marches étroites et humides se voyaient à peine à la pâle lumière des torches. Visiter des geôles, se dit-il, c’est s’enfoncer dans ce que l’âme humaine a de plus noir.

Il passèrent plusieurs grilles de métal et portes en bois massif, traversèrent des couloirs bas, étroits et méphitiques, enjambèrent des flaques d’eau stagnante, jusqu’à arriver au cœur de la prison. Là, au milieu d’une petite pièce sombre, enchaîné et avachi dans une cage en fer, trônait un homme en loques qui avait été torturé. Ses cheveux à moitié longs filaient, poisseux de graisse et de sang, et des trainées rouges écarlates couvraient son torse nu, il semblait sans force et sans vie.

-       Qu’a-t-il fait ? demanda Nybirias avec appréhension.

-       Il existe.

Falgor sortit un poignard de sa ceinture et frappa du plat contre un barreau de la cage. Aussitôt la tête du prisonnier se redressa, et l’homme se mit d’un bond sur ses deux pieds enchainés. Mais ce n’était pas un homme. Ses dents étaient anormalement allongées, et en silence il fixait ses deux visiteurs comme un prédateur à l’affut d’une proie à sa portée.

Tous les signaux les plus instinctifs de Nybirias se réveillèrent d’un seul bloc, le submergeant de la peur la plus primitive qui soit.

Vampire .

Il n’était en fait pas blessé, contrairement aux apparences. Tout ce sang dont il était recouvert ne semblait en réalité pas le sien.

-       Falgor, tu es fou ! Tu as introduit un vampire chez toi. C’est… C’est pire que dangereux. C’est du suicide.

-       Je sais ce que je fais, fit le seigneur d’un ton détaché.

Il tournait autour de la cage en dévisageant son prisonnier. Ce tableau sombre donnait à Nybirias une sensation étrange. Voir la proie habituelle regarder avec délice son prédateur, c’était un peu comme voir un mouton tourner autour du loup avec satisfaction et un sourire carnassier posé sur les lèvres.

-       Pourquoi avoir fait ça ? demanda-t-il. Je ne comprends pas.

-       Au contraire, tu le sais déjà. Depuis notre première rencontre, tu connais mes motivations. Réfléchis un peu, tu comprendras pourquoi il est ici.

Le vampire resta la bouche scellée, écoutant la conversation sans bouger, debout et sauvage.

Nybirias secoua la tête.

-       Ne me dit pas que tu veux être un vampire. Je ne te crois pas.

-       Mais non, idiot, cracha Falgor en se lançant dans un monologue dont il avait lui seul le secret. J’ai déjà étudié des tomes entiers de magie noire, et crois-moi parfois c’était long. Mais à présent c’est fini la théorie, je vais passer à la pratique, et il y a de quoi se retrousser les manches. Tous les traités de dissection sur les créatures surnaturelles soulèvent des questions fascinantes sur la façon dont un homme mortel cesse de l’être lorsqu’il se transforme en vampire. C’est un processus que je veux approfondir et m’approprier… les désavantages en moins. Certes ces créatures sont fascinantes, mais… La faim dévorante qui les habite, la crainte constante du soleil, la dépendance continue au sang, l’absence de civilisation et d’or, non merci.

-       C’est un procédé que je n’approuve pas et qui est contrenature !

Nybirias était écœuré.

-       Imbécile ! persifla son seigneur et mécène. Tu savais dès le départ que j’étais un magicien noir, et tu es resté tout en sachant que mon but était l’immortalité. Croyais-tu donc que j’allais en rester là ?

Finissant le tour de la cage, il s’arrêta devant Nybirias et le fixa de ses grands yeux. Une étrange lueur y brillait.

-       Écoute-moi. Tous les deux avons comme volonté de défier les dieux, mais chacun à notre manière. Toi tu veux convaincre le plus grand nombre qu’il faut cesser de les vénérer ; moi je veux leur voler le don d’immortalité. Nous divergeons sur la façon de procéder, mais nous sommes pareils toi et moi !

Mais Nybirias secoua la tête.

-       Tu te trompes. Je l’ai pensé, c’est vrai. Mais nous n’avons rien en commun. Je défends une vision du monde qui est tout le contraire de ton objectif. Ne vois-tu pas que tu fais le jeu des dieux ? Tu empruntes leur magie, et tu es pétri de l’ambition d’être immortel, à l’opposé de la vie simple que je propose. Nous n’avons plus rien à faire ensemble.

Il lui tourna le dos, malgré les protestations de Falgor, et sortit de la pièce, de la prison, et du château. Il n’y retourna plus jamais.

 

Dès lors, l’amitié qu’avait ressenti Nybirias se mua davantage en pitié. Mais il ne sortit pas pour autant de la vie de Falgor. Car celui-ci mit peu de temps à tirer du vampire tout ce qu’il pouvait, en à peine quelques mois. Ce jouet si excitant devait alors être remplacé par un autre encore meilleur. Et il décida de franchir de nouvelles étapes en repoussant chaque fois plus loin les limites de la nature.

La légende veut que chaque fois que Falgor entreprenait une nouvelle expérience, il trouvait Nybirias sur son chemin, lui prêchant encore et toujours que ses actions étaient contre l’ordre naturel des choses, et que l’immortalité n’était jamais enviable. Qu’il fallait se contenter de ce que l’on avait, et que l’ambition de ne pas mourir faisait partie du jeu des Dieux Cupides.

Mais Falgor n’écoutait pas, jamais. Après le vampire et les sombres expériences qu’il fit dessus, il s’attaqua à des magiciens puissants porteurs de connaissances toujours plus noires. Au vampire succédèrent dans la cage d’autres créatures dont aujourd’hui nous ignorons le nom, ayant toutes comme caractéristique commune une extrême longévité ou l’immortalité.

Il se lança sur lui-même des sorts toujours plus importants, greffa sur son corps des objets gorgés de magie, se tatoua des sceaux maudits et des runes maléfiques, sacrifia de pauvres paysans à des dieux plus anciens et plus sombres. Et chaque fois, Nybirias ne parvenait à convaincre et empêcher Falgor de poursuivre son œuvre.

Au faîte de sa puissance, bien des décennies après avoir rencontré le fameux prêcheur, le seigneur ressemblait toujours à un homme jeune et plein d’énergie et d’assurance. Effectivement, son corps n’avait pas vieilli d’une seule ride, tandis que celui de Nybirias ressemblait de moins en moins à ce qu’il fut. L’affaissement, la fatigue, les rides s’étaient développés.

Les décennies filèrent, le temps s’écoula, comme du sable poussiéreux s’effiloche entre les doigts impuissants.

 

 

Dans la caverne humide et puante, emplie de moisissures, Nybirias, beaucoup plus vieux, s’avança d’un pas prudent au milieu de la roche glissante et humide. Aidé de son bâton, il évitait les crevasses et les bosses du chemin escarpé. Ses jambes n’étaient plus aussi jeunes et assurées qu’elles l’étaient autrefois, ses yeux ne voyaient plus de façon si affutée. Et malgré le danger que représentait cet environnement pour un vieil homme pour lui, il tenait à être là.

Les premiers signes visibles de la présence de Falgor furent visibles dès l’entrée. Des inscriptions étaient gravées sur les parois de la grotte, des symboles et des runes couvraient, d’abord épisodiquement, puis de plus en plus souvent, les murs, le sol, le plafond. Au fur et à mesure que Nybirias s’enfonçait à l’intérieur, la puanteur et les inscriptions se faisaient de plus en plus insistantes. Les yeux s’accoutumèrent avec difficulté à l’obscurité grandissante, mais des torches prirent alors le relai des rayons du soleil, donnant aux gravures sur la roche des aspects inquiétants.

Enfin, après plusieurs minutes dans cet étroit couloir taillé dans la pierre, il parvint au fond, où une pièce de taille moyenne semblait avoir été creusée spécialement pour abriter plusieurs personnes. Et c’est là, au milieu, que se tenait Falgor.

Debout et fier, il lui tournait le dos, semblant étudier quelque chose entre ses mains. Un mince chuchotement se répercutait et emplissait la pièce, lui conférant quelque chose de presque sacré et solennel. Tout autour de sa personne, partout, des centaines, des milliers de symboles, petits et énormes, des cercles, des étoiles, des croix, des runes, certains incrustés dans d’autres. Quelque chose d’énorme avait été minutieusement préparé, pour faire face à quelque chose d’éminemment dangereux.

Falgor se retourna pour accueillir son visiteur. Il avait fière allure. Ses vêtements étaient somptueux, dignes d’un prince. Son regard était fixe, son maintien imposant, et quelque chose dans ses yeux résonnait avec ce souvenir d’un vampire dans une cage. Un regard de conquérant.

Nybirias sourit de façon décontractée, malgré la situation dangereuse dans laquelle il se trouvait. Sans doute était-ce là le privilège de la vieillesse, que de pouvoir tranquillement sourire devant la mort, car elle arrivera prochainement quelle que soit la forme qu’elle prendra.

-       Je t’y prends encore à faire des bêtises, jeune chenapan, dit-il d’un œil plein de malice.

-       Cela faisait longtemps, répondit Falgor d’une voix grave et posée, bien loin des paroles excitées dont il avait l’habitude étant jeune homme. Tu arrives au mauvais moment.

-       Grâce à toi, j’ai élevé cette caractéristique au rang d’art. Alors, quel est ton nouveau jouet aujourd’hui ? Un béhémoth ? Un dragon ?

Il promena son regard sur la pièce de façon détachée, comme s’il découvrait là l’intérieur d’un joli édifice.

-       Tu sais déjà ce que je veux faire, sinon tu ne serais pas ici.

Effectivement, Nybirias le savait déjà. Il s’avança calmement d’un pas.

-       Reste où tu es, reprit Falgor. Tu n’es pas à ta place ici.

Mais Nybirias n’écouta point. Et fit un nouveau pas en avant.

-       As-tu déjà remarqué comme, dans le fond, je n’ai jamais réussi à t’empêcher à faire quoi que ce soit ? demanda-t-il. Tu n’en as fais qu’à ta tête mais jamais je n’ai pu t’y faire renoncer. Aujourd’hui c’est différent. Aujourd’hui, tu vas commettre le plus infâme des péchés.

Il avança à nouveau. Cette fois, Falgor leva le poing vers lui, et une force invisible le projeta, doucement mais fermement, en arrière, et le plaqua contre le mur le plus proche.

-       Tu le sais Nybirias, je t’ai toujours respecté, dit le seigneur d’une voix presque solennelle. Malgré la pitié que tu as toujours éprouvé pour moi. Tu t’es toujours interposé dans mes plans, bien sûr, parce que cela contrevenait à ta philosophie… Mais aussi parce que, quelque part, je le sais, tu avais peur pour moi, pour ce que je devenais. Tu es sans doute pour moi ce qui, dans ma vie, s’est le plus rapproché de ce que pouvait être un ami.

Il retroussa sa manche gauche, découvrant une large cicatrice parcourant le long de son bras.

-       Tu te souviens de ça ? Quand j’ai réussi à vaincre le basilic, pour concocter à partir de son venin ce breuvage que l’on appelle « fontaine de jouvence » ? Tu étais là. Et ici –il désigna cette fois une cicatrice sur son bras droit–, quant il a fallu arracher à ces sauvages le minuscule bout de cette maudite pierre philosophale qui n’en était pas une ? Tu avais pansé mes plaies cette nuit-là. Et puis cette fois où j’ai voulu dérober ce tableau qui vieillissait à la place de son propriétaire…

Il eut un rire presque triste.

-       Dans toutes mes tentatives pour devenir immortel, tu étais toujours là. Mais un jour, proche malheureusement, tu mourras de vieillesse. Et moi je vivrai encore pendant longtemps.

-       Au moins, je n’aurai plus à subir tes monologues, railla Nybirias.

Falgor ignora royalement la pique.

-       Pour l’instant, je peux encore mourir. Mais aujourd’hui, je l’espère, tout changera. J’aurai accompli mon but.

-       Ce que tu vas faire est de la folie pure, reprit le prêcheur avec sérieux. Tu vas nous faire tuer tous les deux dans l’instant. Ou pire encore.

-       Non, je ne suis pas fou, c’est simplement l’aboutissement de ma logique. Je l’ai poussée jusqu’au bout et aujourd’hui la solution est claire : je dois prendre l’immortalité directement à sa source. Maintenant tais-toi, je dois me concentrer.

Et d’un simple geste de la main qu’il fit, Nybirias fut dans l’impossibilité d’ouvrir la bouche et de parler.

Spectateur impuissant, il ne put plus que regarder Falgor poursuivre ses chuchotements, jusqu’à devenir un bourdonnement de plus en plus insistant, résonnant dans la pièce, faisant écho à des symboles sur les murs qui se mettaient à briller d’un feu rougeoyant. La terre sembla trembler, et le vent, en plein milieu de la grotte, se leva. D’abord une petite brise, à peine perceptible, puis de plus en plus fort, de plus en plus violent, dans un bruit qui n’en finissait pas d’augmenter, encore et encore, jusqu’au déchaînement le plus complet, la fureur, le fracas, la tempête, dans les profondeurs de la caverne !

Et puis plus rien. Silence et immobilisme. Le temps suspendu. Et alors une troisième personne fit son apparition au milieu de la pièce, surgie de nulle part, accroupie au milieu d’un cercle de flammes, nu comme lors de la Création. À la seule vue de ce personnage, Nybirias sentit la terreur l’envahir. Son corps tout entier frissonnait de peur et de dégoût. Mais il ne pouvait ni parler ni bouger. Il crut que c’était la fin.

Falgor ne semblait pas partager ce sentiment. Au contraire, son regard traduisait la jubilation d’un plan qui fonctionne à merveille. Tout se déroulait comme prévu, devait-il penser. Il ne bougea pas d’un pouce lorsque la créature se redressa doucement, sans craindre quoi que ce soit. Elle semblait humaine, mais assurément ses yeux enflammés ne l’étaient pas. Un sourire narquois se dessinait sur son visage, comme si pour elle aussi tout s’était déroulé selon son plan. Elle était incroyablement remplie d’assurance et d’égo.

-       Alors, nous y voilà enfin, dit-elle.

Sa voix ! Elle crissait comme du métal rayant le métal. Une voix insupportablement aigue.

La créature tourna son regard vers le sol.

- Ingénieux, dit-elle. Le cercle dans le cercle dans le cercle. Verrou de mes pouvoirs. Appel par vortex. Et quelques autres précautions inutiles.

Puis elle releva la tête et fixa Nybirias, collé à la paroi, de ces yeux si enflammés. Avant de revenir sur Falgor.

-       Fais ce que tu as à faire, poursuivit-elle sans se départir de son sourire, et de cette voix aigue si douloureuse à écouter.

-       Ha ? répondit Falgor. Je suis déçu. Je pensais que tu allais au moins tenter quelque chose. Au moins, j’aurais eu l’impression de ne pas avoir gravé tout ça pour rien.

D’un geste, il désigna l’ensemble de ses inscriptions dans la grotte.

-       Ha non. Je te fais confiance, dit la créature toujours avec ce sourire énervant. Je suis certain que tu as réussi à trouver les livres permettant de nous neutraliser. Ce sont en général les mêmes où il est indiqué comment nous invoquer de force.

Face à autant d’assurance, Falgor sembla légèrement déstabilisé et demeura quelques instant silencieux, avant de se reprendre.

-       Est-ce qu’au moins je peux savoir lequel des trois Dieux Cupides tu es ?

-       Mhmm. Pourquoi pas. Les humains me connaissent sous le nom de Rakshasa.

-       Hé bien Rakshasa, enchanté. Et au revoir.

Falgor tendit la main vers la créature sordide, puis ferma le poing. Aussitôt, des runes du mur se mirent à briller, et le dieu hurla. Le bras gauche se disloqua dans un sens impossible, avant de se séparer proprement du corps. Le membre roula sur le sol jusqu’à sortir du cercle de flammes et atterrir aux pieds du seigneur-magicien. Le dieu cessa de hurler, se tenant l’épaule, et Falgor se baissa pour ramasser le bras. Après quelques murmures sacrés, il commit alors le sacrilège suprême.

Il le mangea .

D’une façon surnaturelle, sa bouche s’allongea, l’ouverture prit des proportions impossibles, et goba le tout sans rien mâcher.

Puis il continua avec les autres membres, les arracha un à un, les avala, au milieu des cris du dieu qui, comme Nybirias, était prisonnier du spectacle. Jusqu’à ce qu’à la fin, il ne resta plus que la tête, qui continuait de hurler. Et elle fut dévorée, elle aussi, et les hurlements cessèrent.

Lorsqu’il eut fini dans un dernier hoquet, Falgor libéra Nybirias, dont le visage traduisait le dégoût. Un frisson le parcourut et le haut-le-cœur menaça.

-       Alors ça y est, tu l’as fait, dit-il simplement avec stupeur, lorsque son corps se calma quelque peu et qu’il pût parler.

Il ne semblait pas croire à ce qui s’était déroulé sous ses yeux. Rien ne lui avait semblé réel en cet instant. Toute trace des évènements avaient disparu.

-       Ça n’avait pas bon goût, mais ce n’est pas ce qui compte. Ce qui importe, c’est que je suis enfin –enfin !– immortel. Je peux enfin le dire, oui, je suis immortel !

Et il éclata d’un rire fou, hystérique, comme s’il avait perdu la raison.

-       Tu te rends compte ? reprit-il entre deux hoquets de rire. Je l’ai toujours cherchée, et maintenant me voilà devant le fait accompli. Écoute-moi le monde, je suis IM-MOR-TEL !

Un nouveau fou rire le prit à gorge déployée.

C’est à ce moment-là que, à leur grande stupéfaction, une grande lumière rouge envahit la grotte et les aveugla tous les deux. La tête leur tourna, le temps sembla se figer pendant un moment… Puis la lumière se dissipa. Et aucun d’eux ne pouvaient plus bouger, comme ligotés par des cordes invisibles.

Deux créatures firent leur apparition à leurs côtés, et leurs yeux flamboyants illuminaient la pièce comme jamais. Et ils étaient en-dehors des cercles d’invocation.

-       Astaroth et Malphas, j’imagine. Vous n’étiez pas sensé venir. Je ne vous ai pas invité, lança Falgor d’une voix qui se voulait aussi assurée que possible.

Mais elle était tremblante.

Sans un mot, l’un des deux dieux se saisit de lui et, sans ménagement, lui fit ouvrir la bouche d’une main et plongea l’autre au plus profond de sa gorge, jusqu’au coude. Falgor tentait de hurler, mais son gosier était évidemment obstrué et, lentement, laborieusement, sous ses yeux horrifiés, le dieu finit par sortir une tête. D’un geste facile, il la balança derrière lui avant de renfoncer le bras dans l’estomac de son prisonnier hoquetant. Morceau par morceau, il ressortit ainsi, durant plusieurs minutes, le tronc, puis les quatre membres du dieu qui fut avalé. Le corps de Falgor semblait convulser sous les assauts, mais la poigne qui le maintenait était ferme. Enfin, lorsque tout fut ressorti, les différentes pièces du corps se réunirent d’un seul coup, facilement, comme si rien ne s’était passé. Le dieu jadis taillé en pièce se redressa tranquillement, le sourire narquois aux lèvres.

Falgor s’écroula à terre, à moitié conscient. Un filet mêlant salive et sang pendait de sa bouche.

Pour la deuxième fois spectateur impuissant, Nybirias contempla sans pouvoir parler, la nausée menaçante, hoquetant, encore plus horrifié et dégoûté si c’était possible.

Les trois dieux se tournèrent vers lui, de leurs yeux enflammés. C’était une vision terrifiante, qui emplissait le cœur d’une terreur sourde.

-       Tu peux partir, dit l’un d’eux de cette même voix insupportable aux oreilles.

Impossible de savoir le nom de celui qui venait de parler. Les trois avaient l’air strictement identiques.

-       Vous me laissez ? demanda Nybirias d’une voix tremblante. Pourquoi ?

-       Nous ne pouvons rien contre toi. Tu es celui qui apportera le prochain cycle, et tu es déjà protégé par ceux qui viennent.

-       Un cycle ? répéta le prêcheur, comme hébété. Je ne comprends pas.

-       Notre cycle s’achève. De nouveaux dieux prendront bientôt notre place. De la même façon que nous avons remplacé les précédents dieux.

-       Alors… C’est possible ? Vous finirez par disparaître, un jour ?

-       C’est inévitable. Tu es celui par qui le nouveau cycle arrive. Mais nous avons laissé faire Falgor. Afin de vérifier, dans sa quête de l’immortalité, s’il trouvait un remède à la fin de notre cycle. Mais personne n’est immortel. Pas même les dieux. Notre temps s’achève. Mais avant, nous devons punir l’hérésie. Jamais Falgor n’aurait dû s’en prendre à nous. Il va payer.

-       Non ! s’écria Nybirias instinctivement, malgré sa peur. Impossible, je ne partirai pas sans lui.

-       Nous ne pouvons rien contre toi. Mais tu ne peux rien contre nous. Il sera puni quoi qu’il arrive.

L’un d’eux prit le bras de Falgor, et en un instant, les quatre s’évanouirent dans un tourbillon de flammes froides. Nybirias demeura seul, au milieu de la pénombre, prostré, comme anéanti par les derniers évènements.

 

 

-       Et après, raconte-moi la suite papa !

L’enfant dans le lit s’écriait comme s’il ne connaissait pas la fin de l’histoire, alors qu’il l’avait maintes et maintes fois entendue. Le père céda en soupirant.

-       Personne ne sut ce qu’il advint de Falgor, poursuivit-il, il disparut simplement à jamais. Nybirias fut encore longtemps troublé par tous ces évènements, mais les paroles des trois Dieux Cupides lui donnèrent plus de courage encore pour continuer sa mission de conversion. Il mit davantage de cœur et d’ardeur à son ouvrage et aujourd’hui, sa philosophie de sagesse s’est propagée à travers le monde. C’est lui que nous appelons le Prophète, et que nous louons chaque soir dans nos prières comme je l’ai fait tout à l’heure. D’une certaines façon, des deux personnages de cette histoire, c’est sans doute lui qui est devenu immortel.

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Le Bashar



Source de sable intarissable

Dragoris a écrit :

"

- Je vais vous surprendre, pas du tout.

"

y'a un truc qui cloche là. Si j'ai compris ce que tu voulais dire il faudrait plutôt dire "je vais vous surprendre : aucun"
Il y a plein de mots qui sont collés dans ce paragraphe, c'est voulu ?

Dragoris a écrit :

"

- Vous voulez savoir si je vieillis ? finit-il par demander. Non, je suis jeune simplement. Je n’ai pas fini ma vingt-cinquième année.

"

Là je crois qu'il y a aussi une erreur. Ne voulais-tu pas dire "vous voulez savoir si je ne vieillis pas ?"

Globalement je trouve ça sympa, j'ai bien aimé l'étrange manière dont falgor tente de s'accaparer les pouvoir du dieu, notamment après la manière de l'invoquer qui semble très classique. En revanche je trouve que la fin avec un remake du supplice de prométhée est de trop : ça affaibli l'histoire parce qu'elle se clôt sur un truc très connu. D'autant qu'on s'en fiche complètement de savoir ce qu'est devenu falgor après avoir été emporter par des dieux qui ont eux-mêmes disparu, non ?

L'autre reproche est plus difficile à résoudre. Je trouve que les passages parlé de Nybirias ne collent pas avec le personnage. Il est sensé être très sage, captivant et envoutant, mais ne l'est pas dans les paroles que tu lui donne. De même, je ne vois vraiment pas comment il aurait pu éprouver du respect ou de l'amitié pour falgor : une profonde pitié, oui, mais sinon je ne vois pas.

Ertaï



Ersatz de régnant.

Voici mes corrections au fur et à mesure de ma lecture :

"la maison de pierre, avalée par la nuit" : virgule superflue

"Puis il attendit que le père vienne à son tour, repousse les draps, s’assied pour enlever ses chaussures." : Tout le reste des verbes sont au subjonctif présent, c'est donc "s'asseye".

"Ainsi, même si quelques uns ne les honore pas" : quelques-uns c'est toujours plus qu'un, donc honorent .

"La popularité de Nybirias s’ encra dans la région et s’élargit." On jette l' ancre , moussaillon.

"Aujourd’hui, tu vas commettre le plus infâme des pêchers ." Bien qu'un fruit soit lié au péché originel, il ne s'agit pas de la pêche.

Sinon, à propos du texte en lui-même, même s'il se lit facilement, je n'ai pas réussi à lui trouver la qualité de conte que tu voudrais pourtant lui conférer. Le conte a une structure particulière, une morale, des personnages presque désincarnés tant ils sont caricaturaux, des dialogues courts et littéraires plutôt que de style parlé, une progression logique dans l'histoire jusqu'au dénouement qui valide la morale. Tout comme Le Bashar, je trouve la dernière réplique superflue pour le conte en lui-même.

Si la morale était qu'il valait mieux chercher l'immortalité par le souvenir plutôt que par le physique, ce qui est tout à fait valide, il y a beaucoup de détails qui ne collent pas vraiment à une histoire qui doit être racontée et transmise oralement, et qui doit donc être concise et aller à l'essentiel. Là encore je rejoins Le Bashar dans sa critique de l'amitié entre les deux hommes, elle n'est pas nécessaire au conte en plus d'être douteuse.

Si tu veux vraiment en faire un conte, il faudrait faire des coupes sombres dans les dialogues notamment, dans le détail de la relation entre les deux personnages, dans la description des Dieux Cupides qui n'ont qu'un intérêt marginal en tant que tels, dans la description de la situation initiale qui n'a pas grand-chose à voir avec l'immortalité non plus.

Si tu ne veux pas autant modifier ton texte, je te conseille du coup de retirer l'histoire de l'histoire, à savoir retirer le père qui raconte une histoire à son fils, car là aussi cela fait un peu superflu et met le texte en porte-à-faux par rapport à la qualification de conte.

Dragoris



Cerbère des Portes de la Fiction

Merci beaucoup d'avoir lu ! deg

@Bashar :

Les mots collés proviennent de l'italique sur Word, qui n'a pas été copié sur le message. L'italique était là pour appuyer certains mots, même si bon ce n'est pas absolument indispensable. Je vais réparer ça.

Globalement c'était ma crainte que l'on s'aperçoive qu'effectivement, le charisme de Nybirias invoqué dans le texte ne se retrouve pas dans ses paroles directes. Et même, vers la fin, c'est carrément Falgor qui a l'air d'avoir plus de présence que Nybirias. Tant pis, le prêcheur deviendra, du coup, un personnage sans charisme sourire3 . Je pense que ce sera plus facile que de changer tous les dialogues, surtout que ça complexifie. Et puis Jésus n'était pas considéré comme charismatique que je sache.

Quant à l'amitié, tu as raison en fait. Je ne sais pas pourquoi je suis parti sur l'idée dès le départ qu'ils se respectaient jusqu'à une forme d'amitié.

@Ertaï :

Quelle maîtrise du Français ! Smile Le coup du subjonctif présent, je crois que j'aurai toujours du mal à m'y faire n'empêche. Ce n'est pas ce qui me vient à l'esprit.

Sinon dans l'ensemble, je crois que tu as mis le doigt sur le deuxième point qui me turlupinait quelque peu, à savoir le style du conte. En fait, je sais que ça donne l'impression que je veux faire un conte, mais ce n'est pas le cas. Je suis conscient que ça y ressemble, mais je ne pense pas que je pourrai m'en défaire, pour ce texte-là en tout cas. Je pense que c'est dû à la dimension temporelle de la nouvelle, qui fait que l'on traverse des décennies (en trois étapes), alors que la nouvelle conserve normalement, en général, une unité de temps. Et peut-être aussi un peu à cet aspect moralisateur à la fin, où le gentil est conforté dans son action par les évènements, et à l'inverse le méchant est puni pour sa mauvais philosophie.

Quant à l'histoire dans l'histoire, je ne sais pas si la retirer, elle permet d'avoir la conséquence a posteriori de l'action de Nybirias. En fait, on finit carrément par le vénérer, ça n'est pas rien. D'un autre côté, c'est vrai que les Dieux Cupides annoncent eux-mêmes que leur fin est proche et qu'un nouveau cycle va démarrer... Mais bon, passer toute sa vie à lutter contre des dieux pour apprendre qu'ils seront juste remplacés par d'autres, ça doit filer le bourdon à ce pauvre prêcheur.

Pour la punition infligée, moi je trouvais ça fun qu'il subisse pour l'éternité ce qu'il a fait au dieu, et justement du fait qu'il est devenu immortel... Mais bon, vous avez raison, je devrais le retirer, ça fait réchauffer.

Ce que je retiens en tout cas, c'est que je reproche souvent aux films américains d'être trop moralisateurs, et moi je fais pareil. Il va falloir que je lutte parfois contre moi-même sweat2

Encore merci icon_wink

Le Bashar



Source de sable intarissable

"Et puis Jésus n'était pas considéré comme charismatique que je sache."

Ha bon ? oO
Tu devrais lire les évangiles de la bible, les passages qui citent les paroles de jésus, et ceux qui citent jean-baptiste. ça a quand même du punch (même si c'est évidement raconté par une tierce personne, et donc à la fois romancé et interprêté -oups sacrilège- ).

Prend par ex le fameux "que celui qui n'a jamais péché lui jette le première pierre". Y'a quand même le sens de la formule, faut avouer.

Moi je dirais qu'il y a deux manière de faire pour ça :
- soit tu arrive à écrire quelque chose qui retourne les tripes de gens, et tu peux faire parler ton précheur parce que le lecteur va vraiment y croire.
- soit tu n'y arrive pas, et alors tu devrais juste éviter de le faire parler, et te contenter de décrire l'effet qu'il a sur les autres. Le lecteur utilisera sa propre imagination pour combler les manques.

Ertaï



Ersatz de régnant.

Je comprends bien l'unité de temps de la nouvelle, mais justement le conte ne possède pas cette contrainte, et dans ton texte on voit bien que tu "triches" avec cette unité de temps en faisant raconter une histoire dans la nouvelle. Mon avis pour simplifier la chose serait de supprimer complètement le narrateur et son fils, et faire dire dans le conte à la fin qu'on vénère encore le Prophète alors qu'on a oublié les Dieux et Falgor. Que les Dieux Cupides soient remplacés n'a pas vraiment d'importance non plus dans cette optique, puisque l'oubli suffit à les faire disparaître. Le Prophète les a remplacés de fait sans qu'il y ait besoin d'un ordre supérieur qui organise la rotation des Dieux.

A propos de la morale, comme je l'ai dit ce n'est pas choquant dans le cadre d'un conte. Plutôt que de lutter contre une tendance naturelle, je te conseille plutôt de l'accompagner et de la canaliser dans un genre qui lui sied mieux, comme le conte justement.

Dragoris



Cerbère des Portes de la Fiction

Bashar, je voulais parler du Jésus original, qui n'avait que quelques personnes pour l'écouter. Je sais que dans la Bible, il a un certain charisme dès qu'on le fait parler, mais je suis presque sûr qu'au départ c'était juste quelqu'un sans charisme particulier, ou marginal. Enfin peut-être que je me trompe.

Sinon je suis tombé sur la même conclusion que toi, à savoir ces deux solutions pour lui créer un charisme. Et, tu t'en doutes, j'aurais été tenté par la deuxième solution, beaucoup moins contraignante. Mais bon, finalement dans mon texte il est devenu sans charisme, ce qui était le plus facile (moins de réécriture).

Ertaï, je vois ce que tu veux dire... Je vais y réfléchir et proposer cela à des proches pour voir ce qu'ils en pensent Smile. Ceci dit c'est vrai que je ne cherche pas à développer un conte.

Le Bashar



Source de sable intarissable

Si on en croit l'histoire, il a quand même réussi à scotcher les prêtres du temple quand il avait 12 ans, ce qui reporté au contexte de l'époque où les enfants n'étaient pas scolarisé, relève tout de même de l'exploit. Ensuite, cette époque était remplie de prêcheurs de toutes sortes, et lui il a réussi à tellement sortir du lot qu'il a vaporisé tous les autres messages.
Et même s'il n'avait eu que 12 disciples, rien que ça il faut déjà réussir à le faire : tu cause avec des gens, et tu arrive à les persuader de laisser tout ce qu'ils ont pour te suivre. 12 fois. Ce n'est manifestement pas donné à tout le monde icon_wink

Après si tu vois aussi cette histoire comme une moyen de progresser, tu peux en faire plusieurs versions, et tenter d'écrire celle qui justement te paraît la plus difficile. sourire3

 
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