Assise sur le sol, Laetitia lève la tête. Elle implore du regard les deux géants, un mâle et une femelle, qui la narguent. Elle tend désespérément la main vers son Trésor, posé telle une relique sur un autel. Mais il est trop loin, et les géants s'obstinent à lui dire non de la tête avec ce sourire moqueur, qu'ils font si souvent.
Le plus grand se penche vers elle. D'instinct elle recule la tête, car elle redoute le contact de ses joues sur les siennes, elle ne supporte pas le contact des épines des joues du géant sur sa délicate et douce peau. Mais l'être ne cherche pas le contact, simplement se rapproche afin de mieux se faire entendre:
"Si tu le veux va le chercher toute seule ! dit-il calmement de sa voix grave."
Anéantie, elle le dévisage, cherchant la moquerie derrière ces paroles, mais rien, il est sérieux. Alors, par fierté elle décide de se débrouiller seule. Mais l'objet de ses désirs, malgré qu'elle puisse le voir, se trouve à l'autre bout de son territoire, le désert du sal hon. Elle tourne la tête de tous les côtés. Prend conscience de la présence de son énorme coffre, derrière elle, lieu où les géants déposent des offrandes, et où se reposent ses nombreux compagnons. Difficilement elle se retourne, toujours assise, allonge son cou au maximum pour regarder à l'intérieur de son coffre afin de choisir les compagnons qui auront l'honneur de vivre avec elle ce périple.
En voilà un ! Elle étire son bras au maximum et récupère celle que tout le monde appelle "La Tortue". C'est à ce moment là qu'elle aperçoit monsieur Oché. Retenant toujours d'une main, par la peau du cou "La Tortue", elle lance son bras libre pour alpaguer le deuxième compagnon, qui malgré une fâcheuse tendance à être bruyant, reste apparemment pour elle de bonne compagnie.
"C'est bien petite, je vois que tu ne prends pas les moins encombrants, lui lança le barbu."
Ignorant sa présence, elle tente de se lever, une première fois, mais sans succès. Ses compagnons lui pèsent dans les bras, mais elle ne peut se résoudre à les lâcher, car elle sait bien que sans elle ils ne sauront pas se débrouiller, comme sans eux elle se sent vulnérable.
Alors "La tortue" se débat, et chute lourdement, mais cela ne semble pas l'avoir blessée. C'est alors que Laetitia comprend ce qu'a en tête la tortue, et sans plus attendre pose ses mains sur la carapace de son amie et y prend appui. Alors un sourire se dessine sur son visage alors qu'elle est enfin en équilibre sur ses deux jambes.
Laetitia lève la tête pour jeter un regard de défi sur les géants. Et ceux-ci en réponse l'applaudissent. La femelle aux longs cheveux fins, à l'odeur douce et changeante, se met à l'encourager.
Le périple est loin d'être terminé pour la jeune fille. D'un mouvement leste, Laetitia s'accroupit et soulève La tortue par le cou. Elle peut maintenant entreprendre son long voyage. Mais, Laetitia avance lentement, La Tortue vexée d'être ainsi traitée se met à remuer, ce qui ne lui facilite pas la tâche. Son petit compagnon finit par la déséquilibrer. De surprise, elle lâche ses deux compagnons. Et incapable de retenir sa chute son corps part à la rencontre du sol. Mais le géant aux épines, aux aguets, dans un mouvement réflexe, retient la fille in extremis. Il la soulève vivement pour la reposer immédiatement sur ces deux pieds.
Laetitia prend une petite minute pour se remettre de ses émotions. De nouveau en confiance, oubliant l'absence de ses compagnons, elle reprend son expédition.
Le reste de la traversée se passant sans encombres, elle peut voir maintenant son trésor tout proche, elle tend le bras droit désespérément.
Ses doigts touchent enfin la table en bois sur laquelle est posé l'objet de ses désirs. Elle fait un dernier petit pas afin de s'appuyer au meuble, et reprend son souffle. Un sourire vainqueur se dessine sur sa petite tête blonde. Tenant l'autel d'une main de peur qu'il puisse s'éloigner, elle prend l'objet. Heureuse elle se met à s'applaudir tapant sans ménagement l'objet dans sa main.
Le géant barbu qui s'était tenu derrière elle durant la fin du périple la soulève alors sans ménagement, pour la prendre dans ses bras.
" Je suis fier de toi, poupée !
- Pa-pa! Répondit-elle, toujours le sourire aux lèvres.
- Tu vois tu n'avais pas besoin de nous pour attraper la télécommande!"
Elle accepte alors le tendre baiser de son père sur sa joue, oubliant la désagréable morsure des poils de la moustache sur sa joue.