Karl ouvrit lentement les yeux. Loin au-dessus de lui, filtré par sa visière, un soleil brillait faiblement, entouré de nuages grisâtres, signes de mauvais augure. Son armure grinça lorsqu'il se releva douloureusement, et un message d'alerte lui indiqua que la partie /bras droit/ était endommagée au niveau critique. Karl ne sentait en effet plus son bras, mais il se refusa à contempler les dégâts. Il regarda rapidement autour de lui, avisant une carcasse de bunker qui brûlait lentement, vestige en ruine d'une trop récente bataille. Eparpillés autour, quelques corps, tous humains. Et, parmi les armures défoncées, Karl put en apercevoir une, jaune vif virant lentement au rouge, que seul son commandant d'escouade pouvait porter, en signe de son rang. Combien de fois ça avait fait une cible que Karl aurait rêvé d'abattre.
Son commandant d'escouade... il avait fait sa connaissance au pénitencier d'Ozencraft, après son incarcération pour un triple meurtres au second degré. A cette époque, Karl était persuadé qu'il finirait sa vie en prison. il laissa échapper un petit rire. On l'avait envoyé dans un transport pénal, sans aucunes explications. Puis Il était arrivé. Il leur avait longuement expliqué qu'ils n'étaient que les pires rebut de l'humanité, et qu'ils devaient se racheter. "Recrue volontaire" ... le terme voulait tout dire. On leur avait collé une mitrailleuse, puis on les avait envoyés dans les pires guêpiers des pires trous du cul de l'univers. Simplement pour se faire abattre, mais certains avaient survécu, miraculeusement, pour être envoyés aussitôt sur une autre planète, puis sur une autre, et encore une autre, toujours avec des chances de survie avoisinant les 10 %. Pourtant, Karl s'était adapté, s'accrochant à la vie avec l'énergie du désespoir, juste parce qu'il ne lui restait que ça.
Il réalisa soudain que le seul choix qu'on lui avait laissé, c'était de mourir en fermant sa gueule. Il ne pouvait pas savoir où ni comment il allait mourir. Sous les griffes d'un Zerg ? Sous les tirs d'un dragon ? Non. il ne pouvait même pas savoir quand il se ferait tuer.
Il ramassa une mitrailleuse abandonnée qui traînait à terre. La sienne ? Il ne savait pas. Il ne voulait plus savoir. Il releva sa visière pour prendre une bouffée d'air. Soudain, quelque chose de doux et de froid se posa lentement sur son nez. Karl regarda alors le ciel, et vit un spectacle qu'il croyait pourtant disparu, dans ce monde fait uniquement de batailles et de sang. Lentement, paresseusement, de légers flocons de neige tombaient, rappelant à Karl un sentiment qu'il croyait aussi avoir oublié : de l'émotion. Simplement de l'émotion. Il oublia, l'espace d'un instant, le massacre qui l'entourait, et il regarda rapidement son petit écran digital, incorporé dans son bras gauche, qui lui indiqua 24/12. Noël... aussi loin que remontait ses souvenirs, ce mot signifiait famille, bonheur, voir amitié. Pourtant, autour de lui, pas d'amis, pas de bonheur. Juste des morts.
La détonation résonna longtemps dans la plaine déserte, seulement étouffée par les flocons qui continuaient à tomber, indifférents au carnage qui les entourait, se contentant de tout recouvrir d'un linceul blanc, et pur.
Leonidas