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Bifurcation

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Je reprends un des premiers textes que j'ai écrits et j'y mets une fin. Cette fin c'est une espèce de bifurcation. À un moment donné du texte.

L'air était lourd en cette fin de journée d'été. Je jetai un regard à travers la fenêtre. Les nuages n'apportaient avec eux aucun signe de pluie. Il régnait pourtant dans l'atmosphère une tension inhabituelle, un magnétisme intense, qui me rendait nerveuse. Un fil brunâtre dans l'herbe attira mon attention. Je sortis pieds-nus de la maison et me dirigeai vers la forme en mouvement. A la vue de ce qui se déroulait devant moi, je frissonnai : par colonie, la terre crachait ses fourmis. Des yeux, je suivis la masse marron grouillante. Elle semblait se diriger vers la forêt. Oubliant ma raison, je décidai de suivre le chemin tracé ; je marchai alors, comme attirée, avec elles.
Lorsque je pénétrai enfin au coeur de la forêt, la nuit jetait son voile de l'étrange. Les ombres tortueuses aux ramures projetées vers le ciel grondaient sourdement. Au fur et à mesure que j'avançais, je le sentais ; puissant, pulsant à travers mon corps. Sa forme se dessinait peu à peu en moi. Je m'approchais.
Soudain j'entrevis de la lumière; et je le vis, comme un choc : majestueux, rayonnant. Je m'arrêtai, le souffle coupé. L'arbre flottait au milieu du ciel et de la terre, étincelant dans le noir. Des êtres papillons aux couleurs flamboyantes tournoyaient autour, animant la nuit de leur danse féérique et aérienne. Je baissai la tête et constatai que les fourmis, éclairées, disparaissaient comme happées par le monde souterrain. Je pris alors conscience qu' à quelques mètres devant moi le sol était un gouffre profond. Un abîme bleuté encerclait le vieil arbre. J'avançai avec précaution au bord du précipice et me penchai. Alors un souffle subit, comme une force infinie, traversa mon esprit. De tout mon être, j'éprouvai à cet instant le poids du passage, de ma condition d' humaine face à la connaissance. Je me courbai face à tant d'immensité ; puis doucement, je pleurai.
Les yeux embués de larmes je distinguai à peine la forme colorée qui s'approcha de moi. Je sentis des ailes masculines douces et chaudes m'entourer et m'emmener... Je m'élevai, confiante, légère, et volai avec lui.
Nous nous arrêtâmes dans les airs en face de l'arbre. Je regardai alors le vide bleuté au-dessous. Les racines y plongeaient, comme une plante puise ses forces dans la terre. Puis mon regard suivit les branches immenses qui s'étendaient vers le ciel. La ramure scintillait. Les êtres papillons, de leur ballet pur et vaporeux, laissaient derrière eux une lumière étoilée, douce et diaphane. L'homme papillon dessina une ouverture invisible sur l'épaisse écorce ; elle se matérialisa et nous pénétrâmes au coeur de l'arbre.
Nous nous retrouvâmes dans l'obscurité. Il me lâcha. J'eus un mouvement de peur mais avec émerveillement, je constatai que je flottais. D'un léger battement d'ailes, il se plaça face à moi. Son aura rayonnait de l'intérieur et éclairait subtilement le noir absolu. Je pus enfin voir son visage ; il exprimait une étrange tristesse. Alors dans un langage que je compris, il me dit son envie de force, de douleur et d'amour. Son désir de se brûler les ailes. D'être un homme.
Je le regardai dans les yeux avec tendresse. Puis, doucement, je me rapprochai de lui et effleurai son corps. Son plaisir résonna, comme une onde sensuelle, à l'intérieur de moi. Il m'enveloppa affectueusement et nous nous abandonnâmes dans une danse intemporelle, charnelle et voluptueuse.
La jouissance éclata comme un éclair. Des petites gouttes de cristal se matérialisèrent dans l'espace. Sous l'effet de la chaleur, ses ailes de papillon se consumèrent. Puis une vibration d'une force inouïe monta des profondeurs ; des flammes inondèrent l'obscurité ; les goutelettes scintillèrent ; je vis un tourbillon de lumière et l' instant d'après nous fûmes projetés violemment hors de l'arbre.
Je sombrai.
Lorsque je me réveillai, j'étais nue, étendue sur le sol de la forêt. Les étoiles illuminaient la voûte céleste. Je scrutai avec inquiétude autour de moi. Je le distinguai alors, légèrement éclairé par la lune. Je m'approchai de lui et m'allongeai à ses côtés ; peau contre peau. Puis je posai ma tête au creux de son épaule. Il me serra amoureusement dans ses bras. Dans la nuit, je le sentis sourire de bonheur.

____
Je sautai.

A l'un, toute ma foi, mes larmes, devant l'étendue de son amour ; d' à quel point il aime les hommes.
A l'autre, ma courbure, ma compassion, tous mes silences.

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